Israël, le pays qui adule et absout ses terroristes

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Ahmed Dawabsheh, le frère d'Ali Saeed Dawabsheh qui est mort dans un incendie provoqué par les colons - Photo : via MEMO

Par Ramzy Baroud

Les médias israéliens et les apologistes sionistes du monde entier s’emploient à blanchir l’image d’Israël dans le monde, à l’aide de l’inculpation exceptionnelle d’un terroriste israélien, Amiram Ben Uliel, récemment condamné pour le meurtre de la famille palestinienne Dawabsheh, dont celui d’un enfant de 18 mois, dans la ville de Duma, au sud de Naplouse.

La condamnation de Ben Uliel par un tribunal israélien de trois juges, le 18 mai dernier, sera sans nul doute saluée par certains comme la preuve que le système judiciaire israélien est équitable et transparent, et qu’Israël n’a pas besoin de faire l’objet d’une enquête extérieure indépendante.

Le moment choisi par le tribunal israélien pour condamner Ben Uliel pour trois chefs d’accusation de meurtre et deux chefs d’accusation de tentative de meurtre est particulièrement important, car il fait suite à la décision du procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, d’enquêter sur les crimes de guerre commis en Palestine occupée.

Étant donné que les extrémistes d’Israël, en particulier ceux qui vivent illégalement en Cisjordanie occupée, bénéficient d’un régime spécial, beaucoup plus indulgent que le régime militaire qui gouverne les Palestiniens, l’inculpation apparemment limpide du terroriste israélien mérite un examen plus approfondi.

Les apologistes d’Israël n’ont pas tardé à se réjouir du verdict du tribunal, parce que l’agence de renseignement interne d’Israël, le Shin Bet, connue pour ses méthodes de torture notoires sur les prisonniers palestiniens, a décrit cette décision comme “un jalon important dans la lutte contre la terreur juive”.

D’autres se sont efforcés de séparer l’attaque sauvage de Ben Uliel du reste de la société israélienne, en laissant entendre que l’homme était un “loup solitaire” et non le résultat direct du racisme et du discours violent d’Israël envers des Palestiniens innocents.

Bien que cela ressorte déjà clairement de l’acte d’accusation de Ben Uliel, le tribunal israélien a tenu à souligner que le terroriste israélien avait agi seul et qu’il n’était pas membre d’une organisation terroriste. Le tribunal a, en effet, fait valoir que les juges “ne pouvaient pas exclure que l’attaque ait été motivée par un désir de vengeance ou par le racisme, sans que Ben-Uliel soit réellement membre d’un groupe organisé”.

Le verdict était ce qu’il pouvait y avoir de mieux pour l’image d’Israël, car il absolvait le massif réseau terroriste qui a engendré des gens comme Ben Uliel, ainsi que l’armée israélienne qui protège ces mêmes extrémistes au quotidien, tout en blanchissant la réputation bien méritée d’Israël de société violente avec un système judiciaire injuste.

Mais Ben Uliel n’est en aucun cas un “loup solitaire”.

Lorsque le terroriste israélien, avec d’autres assaillants masqués, a pénétré dans la maison de Sa’ad et Reham Dawabsheh à 4 heures du matin le 31 juillet 2015, il avait clairement décidé de se faire un nom au sein de la société extrémiste et profondément raciste qui a fait du meurtre et du nettoyage ethnique des Palestiniens une sorte de mission divine.

Ben Uliel a atteint ses objectifs. Il a non seulement tué Sa’ad et Reham, mais aussi leur fils de 18 mois, Ali. Le seul membre de la famille qui a survécu est Ahmed, 4 ans, qui a été gravement brûlé.

Le meurtre de la famille palestinienne, du petit Ali en particulier, est rapidement devenu une source de joie et de célébration pour les extrémistes juifs. En décembre 2015, six mois après le meurtre de la famille Dawabsheh, un clip vidéo de 25 secondes, qui montrait une foule d’Israéliens célébrant la mort d’Ali, a fait le tour des médias sociaux.

La vidéo montrait une “salle où des hommes portant des calottes blanches et arborant, pour la plupart, les longues papillotes des juifs orthodoxes, dansaient et sautillaient”. Certains d’entre eux brandissent des fusils et des couteaux”, rapporte le New York Times.

“Deux (des Israéliens en fête) semblent poignarder des morceaux de papier qu’ils tiennent dans les mains, et que la chaîne de télévision a identifiés comme étant les photos d’un enfant de 18 mois, Ali Dawabsheh”.

Bien que la police israélienne ait déclaré qu’elle “enquêtait” sur la fête de la haine, il ne semble pas que qui que ce soit ait été poursuivi pour cette célébration de la violence barbare exercée contre une famille innocente et un enfant en bas âge. En fait, les procureurs d’État israéliens ont même prétendu plus tard avoir perdu la vidéo des extrémistes en train de danser.

La célébration du terrorisme israélien s’est poursuivie sans relâche pendant des années, à tel point que le 19 juin 2018, des extrémistes israéliens ont scandé ouvertement des slogans obscènes tels que “Où est Ali ? Ali est mort”, “Ali est sur le grill”.

Le meurtre odieux d’Ali et de sa famille et le procès qui s’en est suivi sont venus s’ajouter à toute une série d’événements qui ont remis en question l’image de démocratie libérale soigneusement concoctée par Israël.

Le 24 mars 2016, Elor Azaria a tué de sang-froid un Palestinien, Fattah al-Sharif. Al-Sharif a été abandonné au sol, inconscient et perdant son sang, après avoir, selon l’armée israélienne, tenté de poignarder un soldat israélien.

Azaria a été condamné à une peine légère de dix-huit mois, et sera bientôt libéré lors d’une célébration massive, tel un héros couvert de gloire. Les plus hauts responsables du gouvernement israélien, dont le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, ont fermement soutenu le meurtrier tout au long du procès. Il ne serait pas totalement surprenant qu’Azaria revendique un jour une position de premier plan au sein du gouvernement israélien.

La célébration de meurtriers et de terroristes comme Ben Uliel et Azaria n’est pas un phénomène nouveau dans la société israélienne. Baruch Goldstein, le terroriste israélien qui a tué des dizaines de fidèles palestiniens en train de prier à la mosquée Al-Ibrahimi à Al-Khalil (Hébron) en 1994, est maintenant perçu comme un martyr moderne, un saint de rang biblique.

Dans de tels cas, lorsque le crime est si violent que son horreur s’impose aux médias mondiaux, Israël n’a plus qu’une seule option : utiliser l’accusation de “terrorisme juif” comme une occasion de se réinventer, de réinventer son système “démocratique”, ses procédures judiciaires “transparentes”, etc. Pendant ce temps, les médias israéliens et leurs affiliés du monde entier parlent du “choc” et de l'”indignation” collectifs ressentis par les Israéliens “respectueux des lois” et “épris de paix”.

Le meurtre de la famille Dawabsheh, qui n’est qu’un crime parmi les innombrables crimes perpétrés par les extrémistes juifs et l’armée israélienne contre des Palestiniens innocents, en est le parfait exemple.

En effet, un rapide coup d’œil aux chiffres et aux rapports produits par les Nations unies montre que le meurtre de la famille palestinienne par des colons juifs n’est pas l’exception mais la règle.

Dans un rapport du Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de juin 2018, les enquêteurs des Nations unies font état d’une augmentation exponentielle de la violence des colons israéliens contre les Palestiniens.

“Entre janvier et avril 2018, l’OCHA a documenté 84 incidents attribués aux colons israéliens, qui ont fait des victimes palestiniennes (27 incidents) ou causé des dommages aux biens palestiniens (57 incidents)”, peut-on lire dans le rapport. Cette tendance s’est poursuivie, parfois en nette augmentation, avec très peu de poursuites.

Le groupe israélien de défense des droits, Yesh Din, a suivi le faible pourcentage d’enquêtes ouvertes par l’armée et la police israéliennes sur les violences des colons. Le groupe a conclu que, “sur les 185 enquêtes ouvertes entre 2014 et 2017 qui sont arrivées à terme, seules 21, soit 11,4%, ont conduit à la poursuite des contrevenants, tandis que les 164 autres dossiers ont été clos sans mise en accusation”.

La raison en est simple : les centaines de milliers d’extrémistes juifs qu’on a envoyés vivre dans les territoires occupés, un acte qui viole de manière flagrante le droit international, n’opèrent pas en dehors du paradigme colonial développé par le gouvernement israélien. D’une certaine manière, ils sont eux aussi des “soldats”, non seulement parce qu’ils sont armés et coordonnent leurs mouvements avec l’armée israélienne, mais aussi parce que leurs colonies en expansion constante sont au cœur de l’occupation israélienne et de son projet de nettoyage ethnique.

Par conséquent, les crimes des colons juifs, comme celui de Ben Uliel, ne doivent pas être analysés séparément des crimes de l’armée israélienne contre les Palestiniens, mais replacés dans le contexte plus large de la dangereuse idéologie sioniste qui gouverne la société israélienne dans son ensemble. Il s’ensuit que la violence des colons ne prendra fin qu’avec la fin de l’occupation militaire en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza, et avec la disparition de l’idéologie sioniste raciste qui prêche la haine, respire le racisme et justifie le meurtre.

Ramzy Baroud * Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son prochain livre est «The Last Earth: A Palestine Story» (Pluto Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.

23 mai 2010 – RamzyBaroud.net – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet