Par Abdel Bari Atwan
Les informations selon lesquelles les Israéliens auraient informé les États-Unis d’une menace iranienne imminente pour leurs intérêts en Irak ne sont toujours pas claires. Ils ont donc été incités à lancer le porte-avions Abraham Lincoln, une flotte de transports de missiles et un groupe de bombardiers géants B-52 dans la région du Golfe. Mais tous les signes indiquent que l’administration Trump a pleinement pris en compte ces prétendues informations, qu’elles soient vraies ou fausses, et se dirige maintenant vers la guerre.
Le Mossad aurait transmis un rapport affirmant que les Gardes de la révolution iraniens et des groupes irakiens alliés tels que le Hashd ash-Shaabi (Mobilisation populaire) se préparaient à lancer des attaques contre les troupes américaines déployées sur plus de 30 sites en Irak, à partir d’al-Anbar au Kurdistan. C’est ce qui explique la visite surprise de quatre heures que le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a effectuée à Bagdad mardi, où il a rencontré le président Barham Saleh et le Premier ministre Adel Abdelmahdi.
Pompeo a prétendu que les deux responsables irakiens s’étaient engagés à ce que les intérêts américains (c’est-à-dire les forces étasuniennes) stationnées en Irak bénéficient d’une protection adéquate. Mais les responsables irakiens n’ont fait aucune déclaration confirmant cet engagement ni expliquant le but véritable de la visite de Pompeo.
Nous ne savons pas à quel point ces informations des services de renseignement israéliens sont exactes, ni pourquoi l’administration américaine les a prises au sérieux et a commencé à mobiliser ses forces pour la guerre. Ce que nous savons, c’est que l’administration, dont le président s’est élevé contre les “fake news” au cours des trois dernières années, a voulu cette fois-ci y croire puisque cela venait de son ami Benjamin Netanyahu. Il ne serait pas étonnant que Trump ait voulu sauter sur ce prétexte : n’ayant pas réussi avec son blocus à arrêter les exportations de pétrole iranien ni à effrayer ses dirigeants en les obligeant à renégocier l’accord nucléaire et à lever le drapeau blanc, il veut simplement passer au stade de la guerre.
Trump est devenu le prisonnier de son conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, l’un des plus virulents partisans de la guerre avec l’Iran. Bolton est depuis longtemps un menteur qui pousse aux exagérations pour servir ses objectifs et justifier le recours à la force contre Téhéran, soit directement, soit par l’intermédiaire d’Israël. Depuis 2015, il affirme que le seul moyen de mettre fin à la menace nucléaire iranienne est de parvenir à un changement de régime à Téhéran par le biais d’un assaut militaire soutenu par les États-Unis. Il y a un an et demi, il était l’invité d’honneur d’un rassemblement des Mojahedin-e-Khalq à Paris et il promettait à son auditoire d’assister à la prochaine réunion du groupe dans la capitale iranienne.
Mercredi, le président Hassan Rohani a annoncé que l’Iran suspendrait l’application de certaines des dispositions de l’accord nucléaire. Il donnait en même temps deux mois aux signataires européens pour respecter leur obligation de lever les sanctions contre son pays, en particulier dans les secteurs pétrolier et bancaire, et il a averti que s’ils ne le faisaient pas, l’enrichissement en uranium reprendrait sans contrainte à pleine capacité.
C’était une position mesurée qui reflétait une stratégie pacifique visant à éviter un affrontement militaire. Mais il est peu probable que les Européens soient réactifs. Ils n’ont pas les moyens de faire pression sur l’administration Trump, ni le pouvoir ni même la volonté de s’opposer de manière efficace et concrète aux sanctions américaines.
Les tambours de guerre continueront à se faire entendre et deviendront de plus en plus forts dans les jours et les semaines à venir, et il n’est pas exclut que le détonateur de la guerre provienne également du Mossad, d’une manière ou d’une autre.
Pour être plus précis, le Mossad a une longue histoire de coups tordus datant des années 1950, lorsqu’il plantait des bombes à Bagdad et en Égypte pour inciter les juifs de ces pays à fuir en Palestine occupée. Imaginons que le Mossad “fabrique” une attaque contre les forces américaines en Irak ou contre des cibles saoudiennes ou des Émirats dans le Golfe ? Un groupe jusque là inconnu se prétendant pro-iranien pourrait alors en revendiquer la responsabilité, incitant ainsi Trump à déclarer la guerre.
L’Iran a le droit de se défendre avec tous les moyens à sa disposition et de résister à cette provocante arrogance américaine. Il en a la capacité militaire. Les États-Unis sont peut-être plus puissants, mais ils subiraient des pertes énormes auxquelles ils ne pourraient pas faire face.
L’’Irak n’est-il pas sorti vainqueur de la confrontation avec les États-Unis après que ceux-ci ont envahi et occupé le pays avec la plus grande facilité, ce qui leur a ensuite coûté des trillions de dollars de trésorerie ? Les États-Unis n’ont-ils pas perdu leur guerre en Afghanistan et demandé des pourparlers avec les talibans afin de faciliter la sortie de ses forces de ce pays ? N’ont-ils pas échoué dans leur projet de changement de régime en Syrie, dans lequel plus de dizaines de milliards de dollars ont été investis ?
Les peuples arabes et islamiques se sont montrés prêts à se battre, quel que soit le rapport de force lorsqu’il était question de leur fierté nationale. La dernière guerre dans la bande de Gaza, avec son territoire minuscule mais sa détermination immense, en est le dernier exemple. Le peuple iranien, ou sa très grande majorité, ne se comportera certainement pas différemment si la guerre lui est imposée.
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
10 mai 2019 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah
J’ai lu votre article ce matin et ce soir on apprend : “Le Golfe sous tension après des ‘actes de sabotage’ contre quatre navires” (AFP)