Par Fadi O. Al-Naji
Les forces israéliennes ont utilisé la Marche du Grand Retour et ses milliers de manifestants comme une sorte de “terrain d’essai” pour de nouvelles formes d’armement et de contrôle des foules, affirment les médecins de la bande de Gaza.
Ils parlent de balles explosives et d’un gaz inconnu qui provoque de graves convulsions et une perte de conscience, entre autres symptômes.
“Nous sommes utilisés comme cobayes pour tester de nouvelles armes, comme cela a déjà été fait lors des précédentes guerres israéliennes à Gaza”, a déclaré Ashraf al-Qedra, porte-parole du ministère de la Santé de Gaza.
Des balles qui se fragmentent en une multitude d’éclats
Les plus destructrices des nouvelles armes sont les balles explosives, qui se brisent en de nombreux fragments dans le corps. À ce jour, les statistiques du gouvernement local montrent que 1935 manifestants non armés ont été abattus par des tireurs d’élite israéliens avec de tirs à balles réelles. Aucune estimation n’est disponible pour le nombre de personnes victimes de balles explosives, mais selon l’expérience de Médecins Sans Frontières (MSF), elle est élevée.
“La moitié des plus de 500 patients que nous avons admis dans nos cliniques ont des blessures où la balle a littéralement détruit des tissus après avoir pulvérisé l’os”, explique Marie-Elisabeth Ingres, responsable de la mission de MSF en Palestine. “Ces patients auront besoin d’opérations chirurgicales très complexes et la plupart d’entre eux auront des handicaps à vie.”
Ingres ajoute que le nombre de blessés traités dans les cliniques MSF à Gaza depuis le début de la manifestation le 30 mars, est plus que le nombre observé tout au long de 2014, lorsqu’Israël a lancé sa dernière grande guerre sur la bande de Gaza.
“Ce type de munitions ne nous est pas familier”, explique al-Qedra. “Le plus grand problème avec ce type de balle, c’est le chemin qu’elle prend dans le corps.”
Une balle explosive se brise en fragments dans le corps, souvent à grande vitesse. Elle fracasse les organes et les tissus, déchiquette les vaisseaux sanguins et pulvérise les os.
Parmi les victimes de ces balles explosives, le journaliste tué Yasser Murtaja, qui a été frappé à l’abdomen et est décédé après 12 heures de graves saignements, et Abdelrahman Nofal, âgé de 11 ans, l’un des 701 mineurs blessés dans les manifestations (avec cinq tués). Les médecins ont été obligés d’amputer une jambe, dans laquelle ils ont dit que plusieurs os manquaient littéralement et que son sang était «empoisonné». Des fragments de la balle explosée ont également pénétré l’autre jambe du garçon, mais elle a pu être sauvée.
“Yasser Murtaja n’a pas pu se remettre d’une blessure car les fragments de balle ont détruit son côlon, sa rate, son foie et son uretère, et il est mort malgré deux opérations chirurgicales”, explique al-Qedra.
Dans un appel à un embargo international contre Israël sur les armes, Amnesty International déclare: «De nombreux manifestants ont subi des dommages osseux et tissulaires extrêmes, ainsi que de larges blessures à la sortie mesurant entre 10 et 15 mm, entraînant une forme de handicap physique, telle que la paralysie ou l’amputation. Les rapports sur le nombre élevé de blessures aux genoux, qui augmentent la probabilité de fragmentation des balles, sont particulièrement inquiétants. Si cela est vrai, ils suggèrent que l’armée israélienne a intentionnellement l’intention d’infliger des blessures qui provioquent des handicaps à vie.”
Amnesty poursuit en disant qu’un médecin légiste qui a examiné les photographies des blessures rapporte que certaines semblent être causées par des fusils de sniper M24 Remington fabriqués aux États-Unis et remplis de munitions de chasse de 7,62 mm qui se dilatent et se propagent à l’intérieur du corps.
La règle 15 du droit international humanitaire coutumier stipule que « dans la conduite des opérations militaires, il faut veiller constamment à épargner la population civile, les civils et les biens de caractère civil. Toutes les précautions possibles doivent être prises pour éviter et, dans tous les cas, minimiser les pertes accidentelles de la vie civile, les dommages aux civils et les dommages aux biens de caractère civil.”
Gaz toxique
Une autre nouvelle tactique utilisée par Israël pour disperser les manifestants est un type de produit chimique dont les effets sont beaucoup plus graves que les gaz lacrymogènes habituels. Les cartouches contenant le nouveau type de gaz sont larguées sur les foules par des drones ou tirées par des soldats.
C’est une arme chimique dangereuse qui provoque des symptômes étranges que nous n’avions jamais vus auparavant : des convulsions violentes, de fortes secousses dans toutes les parties du corps, des toux et vomissements, un rythme cardiaque rapide, une augmentation de la température corporelle et une perte de conscience pendant plus de’une heure », explique Ayman al-Sahabani, chef du service des urgences de l’hôpital al-Shifa de la ville de Gaza. “Nous avons pris des échantillons de sang et d’urine de patients pour déterminer la composition de ce produit chimique, mais nous n’avons pas encore pu l’identifier.”
À ce jour, les statistiques gouvernementales montrent que 820 manifestants ont été blessés en inhalant un certain type de gaz, y compris ce produit chimique non identifié. Même les manifestants qui restent à 800 mètres de la clôture de séparation ont succombé aux effets du gaz. “Des douzaines” d’entre eux, disent les docteurs, sont retournés à l’hôpital après avoir été traités parce qu’ils ressentent à nouveau des symptômes.
Les hôpitaux de Gaza sont submergés par le nombre de blessés causée par les tireurs d’élite israéliens. Le fait de ne pas savoir exactement à quoi ils ont affaire lorsque les patients arrivent à l’hôpital rend les chances de survie des blessés beaucoup plus faibles.
Auteur : Fadi O. Al-Naji
* Fadi O. Al-Naji, âgé de 23 ans, est diplômé en langue et littérature anglaises de l'Université Al-Azhar à Gaza.
4 mai 2018 – WeAreNotNumbers – Traduction : Chronique de Palestine