Par Ameer Makhoul
Nous pouvons nous attendre à une double forme d’agression israélienne dans les jours à venir, visant à s’attaquer à la présence palestinienne et à affirmer la domination régionale.
Si les États-Unis ne semblent pas s’inquiéter d’une guerre généralisée au Moyen-Orient, ils n’en restent pas moins déterminés à disposer d’une force militaire hautement préparée : l’armée israélienne, qui fait partie intégrante des intérêts géopolitiques majeurs de Washington dans la région.
D’un point de vue pratique, « préparée » implique une capacité claire, tangible et réelle à gérer et contrôler un conflit, et à remporter la victoire avec des pertes minimales tout en sauvegardant les intérêts américains, y compris la protection des troupes américaines dans la région en cas de besoin.
Mais il y a des raisons majeures de douter de l’a réalité de cette préparation à l’heure actuelle. Israël est déchiré par des divisions internes, caractérisées par des clivages de plus en plus profonds qui se traduisent par un refus national de se soumettre au service de réserve, par un affaiblissement de l’armée et de l’ensemble du système de gouvernement, ainsi que par les risques potentiels d’une domination fasciste.
En Israël, le déclin actuel du niveau de préparation de l’armée signifie une incapacité à s’engager dans des actions militaires et un manque de vision pour planifier des guerres de manière stratégique, ou même pour lancer des opérations à échelle limitée.
Bien que cela ne concerne pas directement la capacité de l’armée à faire face à un conflit immédiat, cela pourrait néanmoins avoir un impact crucial, en brisant l’esprit de la population et du personnel militaire, ce qui pourrait avoir de graves conséquences.
Certains en Israël considèrent même que la crise politique interne en cours dans le pays est une menace plus grande que l’Iran.
La période difficile et chaotique que traverse l’armée israélienne va bien au-delà d’un simple dilemme tactique. La crise politique a fait naître un profond sentiment de fragilité sociale et fracture la relation politique avec l’État.
Cette situation a fait dérailler le système dirigeant, suscitant des inquiétudes quant à sa capacité à gouverner efficacement les affaires de l’État – en particulier lorsqu’il agit de manière immorale, en l’absence d’un consensus populaire.
La fragmentation au sein de l’armée israélienne est exacerbée par l’incapacité du ministre de la défense à sauvegarder les intérêts de l’armée, ce qui l’expose à des conflits politiques prolongés.
Pire encore, l’armée doit maintenant faire face au choix difficile de donner la priorité à la loyauté aux principes du droit plutôt qu’à l’allégeance aux dirigeants. En fin de compte, une telle situation conduit à un état de désintégration qui ne cesse de s’étendre.
Des défis exponentiels
Compte tenu des réalités israéliennes sur le terrain, ces conflits présentent des défis exponentiels. Même si un véritable accord collectif pour résoudre le conflit entre les partis d’extrême droite au pouvoir et l’establishment militaire et du renseignement était possible, à ce stade, ni les déclarations politiques ni un consensus interne ne pourraient résoudre efficacement la crise de grande ampleur.
Ce dont le pays a besoin de toute urgence, selon les perceptions internes, c’est d’une opération militaire limitée qui donnerait à l’armée l’occasion de retrouver une apparence de force, même si elle est finalement revendiquée comme une victoire par la partie adverse.
Par exemple, l’administration israélienne dirigée par le Premier ministre Ehud Olmert pendant la guerre du Liban de 2006, pensait qu’elle avait réussi à restaurer son pouvoir sur la frontière nord d’Israël, tout en ne reconnaissant pas l’établissement ultérieur d’une dissuasion mutuelle avec le Hezbollah.
Le lien entre la réforme judiciaire du gouvernement de coalition – qui vise à empêcher tout examen des accords qui ont conduit à la création de l’administration israélienne la plus à droite de l’histoire – et les ambitions plus larges du gouvernement mérite d’être examiné, en particulier après la redistribution des pouvoirs ministériels.
Parmi ces développements spectaculaires figure la nomination du ministre des finances Bezalel Smotrich, qui a été chargé de superviser la légitimation, l’établissement et l’expansion des colonies illégales dans les territoires palestiniens occupés, dans le but de remodeler à terme le statu quo juridique de la Cisjordanie occupée.
Parallèlement, le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, s’est vu confier des pouvoirs étendus pour réprimer les Palestiniens. Il a mené une campagne incessante d’attaques raciales contre la population palestinienne, tandis que le gouvernement a poursuivi sa politique de judaïsation de certaines parties de la Cisjordanie occupée, du Néguev (Naqab) et de la Galilée.
Ce programme est au cœur du pouvoir religieux sioniste en Israël.
Une escalade à venir
Il n’est donc pas surprenant que la période à venir conduise à une forme d’agression israélienne sur deux fronts. Tout d’abord, cette agression se déploiera contre la population palestinienne, avec notamment de nouveaux plans d’annexion de terres, dans le but ultime de modifier l’identité démographique des territoires occupés.
Ensuite, Israël s’efforcera de rétablir sa présence à sa frontière nord, ce qui pourrait conduire à une escalade plus large dans la région.
La coalition au pouvoir cherche à consolider et à maintenir son pouvoir en privant les partis et les communautés arabes de participation à la Knesset, dans le seul but de tirer parti des pouvoirs constitutionnels dévolus au gouvernement, au détriment du contrôle de la Cour suprême.
La société israélienne, dont une grande partie est désespérée, est en train de passer à un état d’esprit de colère, tandis que certains envisagent d’émigrer et de prendre leurs distances avec l’État sioniste.
La question demeure : l’administration américaine de M. Biden va-t-elle réévaluer ses relations avec le gouvernement de M. Netanyahu et protéger les Palestiniens et les Arabes des risques imminents qui se profilent de plus en plus à l’issue du vote du 24 juillet ?
Il s’agit d’une question qui peut sembler interne à Israël en apparence, mais qui vise en fin de compte à exploiter la lutte des Palestiniens pour la liberté.
Auteur : Ameer Makhoul
* Ameer Makhoul est un militant et écrivain palestinien de premier plan dans la communauté des Palestiniens de 48. Il est l'ancien directeur d'Ittijah, une ONG palestinienne basée à Haifa. Il a été arrêté en 2010 par les autorités d’occupation et condamné pour espionnage sur la base de ses propres aveux obtenus sous la torture. Il a été libéré en 2019. Son compte Twitter.
26 juillet 2023 – Middle East Eye – Traduction : Chronique de Palestine