Les Israéliens bombardent le dernier hôpital encore opérationnel au nord de Gaza

Par Tareq S. Hajjaj

Alors que le bombardement d’hôpitaux semblait encore tabou en octobre 2023, et Israël avait nié avoir bombardé l’hôpital arabe Al-Ahli à Gaza. Cette fois, Israël affirme avoir pris pour cible un centre de commandement et de contrôle du Hamas situé dans l’hôpital. Il n’a évidemment fourni aucune évidence.

Zeinat al-Jundi, 56 ans, séjournait à l’hôpital arabe al-Ahli de Gaza avec son mari, blessé dans un attentat à la bombe dans le quartier de Shuja’iyya la semaine dernière. Les médecins avaient dû lui amputer les jambes en raison de ses blessures, et il était resté à l’hôpital pendant sa période de convalescence.

Al-Jundi est la seule personne à tenir de son mari, elle reste avec lui toute la nuit pour s’occuper de lui.

À 1 heure du matin, le dimanche, alors qu’al-Jundi s’apprêtait à s’allonger sur le sol à côté de son époux après une longue journée passée à s’occuper de lui, un homme est entré dans la zone d’accueil de l’hôpital, criant que l’armée israélienne lui parlait au téléphone et ordonnait à tout le monde d’évacuer.

Une fois l’ordre d’évacuation confirmé, tous ceux qui ont tenté de quitter l’hôpital ont fini par être blessés dans la cohue. Un enfant blessé est mort pendant l’évacuation car il n’a pas pu recevoir de soins médicaux urgents.

« Il y avait des corps mutilés, des enfants – je jure que c’étaient des enfants – avec les mains déchirées et amputées », a déclaré al-Jundi à Mondoweiss, précisant que tous les patients du service étaient déjà blessés par les frappes aériennes de la semaine précédente. « Il y avait plus de dix enfants blessés dans le service. Tout le monde perdait son sang. »

Massacre de l’hôpital al-Ahli : déconstruire le mensonge israélien

« Ceux qui pouvaient se lever et s’enfuir sont partis. Certains ont traîné leurs patients sur le lit d’hôpital jusqu’à la rue, et d’autres comme moi ne pouvaient pas bouger ; je ne pouvais pas porter mon mari et le sortir de l’hôpital, alors j’ai attendu la mort à ses côtés », a déclaré al-Jundi.

L’armée israélienne a bombardé l’hôpital arabe al-Ahli, géré par les anglicans et connu localement sous son ancien nom, l’hôpital baptiste, aux premières heures de dimanche matin.

Selon le ministère de la Santé de Gaza, deux frappes aériennes ont visé le seul bâtiment d’accueil de l’hôpital, le service de radiologie, la pharmacie de l’hôpital, les laboratoires et même une église à l’intérieur de l’hôpital, qui avait été transformée en zone d’accueil supplémentaire pour les blessés.

Ce n’est pas la première fois que l’armée israélienne prend pour cible l’hôpital al-Ahli ; il a été bombardé le 17 octobre 2023, lors d’un massacre qui a tué plus de 400 personnes déplacées qui s’étaient réfugiées dans la cour bondée de l’hôpital.

À l’époque, bombarder directement des hôpitaux était encore tabou, et l’armée israélienne avait nié avoir pris l’hôpital pour cible, affirmant au contraire, sans preuve, qu’une roquette du Jihad islamique prétendument mal tirée avait frappé l’hôpital.

Lors de la dernière frappe sur l’hôpital al-Ahli, l’armée israélienne a admis avoir visé l’hôpital, mais a prétendu qu’elle avait attaqué un centre de commandement et de contrôle du Hamas.

L’armée israélienne a fait des déclarations du même tonneau en 2023 et 2024 au sujet de l’hôpital al-Shifa à Gaza. Après les deux invasions de l’hôpital al-Shifa en novembre 2023 et mars 2024, aucune preuve n’a pu être fournie pour étayer ces affirmations.

L’armée israélienne n’a jusqu’à présent fourni évidemment aucune preuve de l’existence d’un centre de commandement du Hamas à l’hôpital al-Ahli Arab.

Géré par l’Église anglicane, l’hôpital al-Ahli Arab est situé près de l’église Saint-Porphyre, où les chrétiens palestiniens de Gaza célébraient aujourd’hui le dimanche des Rameaux. L’armée israélienne avait déjà bombardé l’église Saint-Porphyre en octobre 2023 lors d’une frappe aérienne qui avait fait 17 morts.

L’hôpital Al-Ahli hors service alors que l’armée israélienne intensifie ses attaques

« Nous avons été contraints d’interrompre les services », a déclaré le Dr Fadel Naim, directeur d’Al-Ahli, à Mondoweiss. « L’hôpital souffrait déjà avant cette frappe. Maintenant, il ne peut même plus fournir le strict minimum de services. Les dégâts sont considérables et difficiles à réparer. Cela pourrait prendre des semaines, voire des mois. »

Le directeur de l’hôpital a souligné que la frappe avait eu un impact direct sur la capacité du système de santé du nord de Gaza à fournir des services de santé adéquats aux habitants. Al-Ahli était le dernier hôpital en activité dans la région après la destruction d’al-Shifa en mars 2024 et de l’hôpital Kamal Adwan en décembre 2024.

« L’hôpital arabe baptiste dispose de scanners, dont l’équipement n’est disponible qu’ici, dans le nord de Gaza », a déclaré le directeur de l’hôpital. « Au cours de l’année écoulée, nous avons réalisé 25 000 scanners, soit plus de 2 000 par mois. L’arrêt de ces services aura un impact significatif sur les patients et les blessés. »

« Nous devrons répartir les patients dans d’autres hôpitaux », dit-il, en notant que l’armée israélienne mène des raids dans les zones proches de l’hôpital et étend ses opérations militaires dans les quartiers d’al-Daraj et d’al-Sha’af, à l’est de la ville de Gaza.

« Mais aucun des autres hôpitaux n’est équipé pour fournir des services de santé. Cela pourrait entraîner la perte de la vie et de membres des patients, causant des handicaps permanents. »

Les médecins israéliens pétitionnent pour que les hôpitaux de Gaza soient bombardés

Muhammad Abu Nasser, 34 ans, a été blessé dans un bombardement dans le quartier de Zeitoun, à l’est de la ville de Gaza, et a été transféré à l’hôpital al-Ahli pour y être soigné. La blessure l’a rendu incapable de marcher ou de bouger, et il était seul lorsque l’alerte d’évacuation a été donnée. Il n’a pas réussi à quitter l’hôpital.

« Nous dormons dans l’endroit le plus sûr au monde. C’est un hôpital, un hôpital où il n’y a que des gens qui souffrent et gémissent toute la nuit à cause de la perte de leurs proches et de leurs membres, qui saignent et crachent du sang », a déclaré Abu Nasser à Mondoweiss.

« Ils ont bombardé la zone d’accueil où les blessés sont admis, et ils ont bombardé la pharmacie qui nous fournit des médicaments. Que nous reste-t-il ? »

Abu Nasser était blessé et ne pouvait pas bouger, et il n’était accompagné de personne. Il a déclaré que la nuit de l’attaque avait été terrifiante pour lui. « Nous avons vécu une nuit horrible. Tous les patients pleuraient bruyamment et hurlaient de peur. Nous étions tous en train de rendre notre dernier souffle, nous attendant à mourir à tout moment. Nous nous sommes tous rassemblés en un seul endroit et nous nous sommes résignés à ce qui allait se passer, car nous ne pouvions rien faire. »

Abu Nasser a expliqué la situation que vivaient les patients après l’attaque, notant que lui, comme tous ceux qui se trouvaient à l’intérieur de l’hôpital, avait besoin d’un traitement à un moment où l’hôpital avait cessé de fournir des services de santé aux patients en raison du bombardement.

« Je ne peux pas vivre sans traitement. Je ne peux ni marcher ni bouger. Il n’y a nulle part où aller. Il n’y a même plus de pansements pour les blessures », a-t-il encore dit.

« Nous avons été laissés ici pour mourir lentement. Même les quelques médicaments qu’on nous a donnés, l’occupation nous en a privés en bombardant la pharmacie. L’hôpital s’est effondré. »

Auteur : Tareq S. Hajjaj

* Tareq S. Hajjaj est un auteur et un membre de l'Union des écrivains palestiniens. Il a étudié la littérature anglaise à l'université Al-Azhar de Gaza.
Il a débuté sa carrière dans le journalisme en 2015 en travaillant comme journaliste/traducteur au journal local Donia al-Watan, puis en écrivant en arabe et en anglais pour des organes internationaux tels que Elbadi, MEE et Al Monitor. Aujourd'hui, il écrit pour We Are Not Numbers et Mondoweiss.
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13 avril 2025 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine