Jabalia est et restera le berceau des soulèvements

Après une offensive ininterrompue de 20 jours impliquant environ 200 frappes aériennes, les forces d'occupation israéliennes ont annoncé leur retrait du camp de réfugiés de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, vendredi dernier. À ce moment-là, les autorités palestiniennes ont indiqué que l'offensive avait détruit 70 % de Jabalia, le plus grand camp de réfugiés de Gaza, qui abrite plus de 100 000 Palestiniens. Les Palestiniens qui sont rentrés chez eux ont décrit la zone comme étant « méconnaissable » en raison de l'ampleur des destructions causées par l'agression israélienne, comme l'ont rapporté divers organes de presse - Photo : UNRWA

Par Tareq S. Hajjaj

L’armée israélienne s’est retirée du camp de réfugiés de Jabalia après une invasion de trois semaines, laissant dans son sillage des destructions et une nouvelle génération de résistants.

Après une invasion sanglante de trois semaines, l’armée israélienne s’est finalement retirée des parties centrales du camp de réfugiés de Jabalia, restant dans des endroits centraux à la périphérie de Jabalia et de Beit Lahia.

Elle a laissé dans son sillage de véritables dévastations.

C’est la deuxième fois que l’armée d’occupation lance une invasion terrestre du camp et de la ville voisine. Au début de l’année, Israël avait annoncé la fin de la phase « intensive » des combats dans le nord de Gaza, se retirant de Jabalia et d’autres parties du nord après avoir soi-disant « démantelé » la présence militaire du Hamas dans cette région.

Près de cinq mois plus tard, la résistance s’était déjà regroupée dans le nord.

Début mai, la deuxième invasion de Jabalia, du quartier d’al-Zaytoun et de la zone de Tuffah a commencé, mais trois jours plus tard, l’armée israélienne s’est retirée d’al-Tuffah et d’al-Zaytoun, à l’est de la ville de Gaza. Jabalia, cependant, était différent.

La plupart des rapports en deviennent répétitifs : les combats à Jabalia sont cette fois-ci plus féroces et plus violents que lors de la première invasion. L’augmentation sensible du nombre de victimes militaires israéliennes depuis le début de l’invasion de Rafah, au sud, en témoigne.

Les organisations de la résistance ont lancé des salves répétées de roquettes en direction d’Israël, ont pris pour cible les chars israéliens au sol à Jabalia avec des tirs de mortier et des RPG, et ont tiré sur des soldats dans le cadre d’opérations de sniping. Les images de ces opérations ont été diffusées en ligne et sur la chaîne Aljazeera, qui les a couvertes en continu.

Mais le fait le plus marquant de l’invasion de Jabalia a été l’annonce que les Brigades Qassam avaient capturé d’autres soldats israéliens lors d’une embuscade le 26 mai.

Le porte-parole des Brigades Qassam, Abu Obaida, a annoncé que les combattants de la résistance avaient pris pour cible 100 chars israéliens en dix jours.

« L’ennemi israélien entre à nouveau en enfer à Gaza et se heurte à une résistance accrue », a déclaré Abou Obaida. « Ils pensaient qu’ils ne rencontreraient pas de résistance significative. Mais ils ont été surpris et ont été confrontés à des combats plus violents que le premier jour de l’invasion terrestre ».

Le porte-parole militaire a également déclaré que les combattants avaient pris pour cible une force israélienne dans une embuscade et qu’ils avaient réussi à capturer plusieurs soldats, promettant que de plus amples informations seraient communiquées ultérieurement.

Le premier jour à Jabalia, Israël a rasé plus de 300 maisons, déblayant les décombres avec des bulldozers D9 afin d’ouvrir la voie à l’entrée des chars dans le camp. Les habitants du camp ont commencé à se dire que cela ressemblait à la même opération qu’Israël avait lancée lors de sa deuxième invasion de l’hôpital al-Shifa, où il avait massacré des centaines de Palestiniens et les avait enterrés dans des fosses communes.

Lorsque les tombes ont été déterrées, de nombreux corps ont été retrouvés avec les mains liées et des cathéters médicaux encore attachés.

La connaissance de ce qui s’est passé à al-Shifa a poussé les gens à tenter de quitter Jabalia lorsque l’invasion a commencé, craignant de subir le même sort. Cependant, un nombre considérable de personnes sont restées sur place.

Le camp de réfugiés de Jabalia est considéré comme l’une des bases populaires les plus importantes du mouvement Hamas. En raison du nombre important de résistants qui y vivaient, il a été appelé « camp militaire de Jabalia » (mu’askar Jabalia).

En 1987, l’étincelle de la première Intifada a été allumée à Jabalia. Le terrain du camp est composé de bâtiments densément peuplés, avec des allées complexes et étroites qui ne permettent qu’à deux personnes de marcher de front.

Tous ceux qui ont grandi dans le camp et sont devenus par la suite des combattants de la résistance ont pu se déplacer rapidement et avec une grande familiarité sur le champ de bataille qui était autrefois leur maison.

Lorsque l’armée israélienne a pris Jabalia d’assaut pour la deuxième fois, pensant écraser le camp, elle a été surprise de constater que les combattants avaient été bien préparés.

Le nombre de victimes israéliennes rapporté par les médias a commencé à augmenter. Les médias israéliens font état de la frustration des soldats d’avoir pénétré une seconde fois dans Jabalia sans résultat.

En raison des tirs d’artillerie aveugles sur toutes les zones du camp, certaines familles ont quitté Jabalia pour des zones moins ciblées du nord de la bande de Gaza. Dans le même temps, ceux qui sont restés ont assisté à des batailles féroces, et de nouvelles tactiques de résistance ont attiré les soldats israéliens dans plusieurs embuscades.

Au cours des trois dernières semaines, la résistance à Jabalia et dans le nord de Gaza a utilisé de nouvelles armes de défense anti-aérienne contre des hélicoptères et des drones de reconnaissance, dont certains ont été abattus.

À l’image de la ténacité des résistants, les habitants du camp ont également tenté d’incarner la fermeté en restant chez eux.

Ahmad Abu Khater, 34 ans, vit à Jabalia et n’a jamais quitté le camp depuis le début de la guerre. Il a déclaré à Mondoweiss qu’il avait vu des soldats israéliens entrer dans des dizaines de maisons démolies qui avaient été bombardées à l’avance par l’aviation israélienne, et qu’il avait vu ces mêmes maisons exploser après l’entrée des soldats.

Il a également rapporté avoir été témoin de la façon dont les concentrations militaires israéliennes étaient visées par des tirs d’obus de mortier.

« Nous vivons dans la crainte d’une mort inévitable, mais nous savons, ici à Jabalia, que chaque soldat qui envahit notre camp ressent la même chose », a déclaré M. Abu Khater.

« Notre résistance est plus forte, et tout le monde ici est reconnaissant parce que nous savons tous que cet ennemi lutte contre l’existence des Palestiniens, et qu’il commettra donc des massacres encore plus horribles si personne ne l’affronte. »

« Jabalia est le berceau des soulèvements », a-t-il ajouté. « L’occupant le sait mais refuse de l’accepter. Mais l’occupant ne pourra jamais déraciner notre résistance ».

Abu Khater a également déclaré que le nombre de jeunes hommes portant des armes dans le camp avait augmenté ces derniers temps.

« De jeunes combattants affiliés à différentes organisations se déplaçent dans les allées et attendent n’importe quel soldat ou véhicule pour attaquer et se battre », a-t-il déclaré à Mondoweiss. « Ils se révoltent avec colère. L’occupation tue leurs familles et détruit leurs maisons. »

« Tous ceux qui, dans le camp, ont perdu des êtres chers, des membres de leur famille, qui ont vécu des expériences plus dures que la mort aux mains de l’armée israélienne… la plupart d’entre eux veulent se battre », a souligné Abu Khater. « Parce qu’ils ont tout perdu. Ils vivent dans la douleur et le chagrin. Alors, s’ils le peuvent, ils se battent. »

« Tout le monde veut résister à Jabalia, chacun à sa manière, et ceux qui ne peuvent pas affronter l’armée et les soldats resteront ici, sur leur terre », a expliqué Abu Khater.

« C’est notre résistance. La fermeté et la survie sont aussi un combat. »

1er juin 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine