
19 mars 2025 - Des enfants palestiniens contemplent le site où une tente pour les Palestiniens déplacés a été touchée par une frappe aérienne israélienne dans la zone de Mawasi, une zone prétendument désignée comme « zone humanitaire », à l'ouest de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Les frappes ont tué une Palestinienne enceinte et ses enfants, et en ont grièvement blessé d'autres. Après le massacre commis il y a deux nuits, au cours duquel des centaines de Palestiniens ont été tués, les forces coloniales israéliennes ont continué à bombarder pendant la nuit, tuant au moins 24 Palestiniens dans toute la bande de Gaza - Photo : Doaa Albaz / Activestills
Par Rasha Abu Jalal
VILLE DE GAZA – Je me suis réveillée à 3 heures du matin le 18 mars au son d’une explosion massive au-dessus de ma tête, brisant le silence de la nuit. Pendant un instant, j’ai eu l’impression d’être morte.
J’ai levé la tête de l’oreiller, encore inconsciente de ce qui se passait autour de moi. L’air était rempli de poussière grise.
Soudain, les cris de mes cinq enfants m’ont percé les oreilles. Je n’arrivais pas à savoir si nous étions vivants ou morts et enterrés sous les décombres. Je me suis précipitée pour les serrer dans mes bras.
D’autres explosions ont suivi – les frappes aériennes israéliennes ont pilonné Gaza sans relâche et sans avertissement la nuit dernière.
« Maman ! Nous allons mourir ? « m’a demandé ma terrifiée fille de 12 ans, Saida, dont le corps tremblait de peur.
Je n’ai pas pu répondre. J’étais en état de choc. J’ai cherché mon mari, qui dormait à côté de moi, mais je ne l’ai pas trouvé. Quelques instants plus tard, il a émergé de la poussière, tenant des morceaux de tissu imbibés d’eau. Il nous a dit, à moi et aux enfants, de nous couvrir la bouche et le nez pour nous protéger de la poussière suffocante.
J’ai remarqué que les murs de la pièce adjacente s’étaient complètement effondrés. C’était la chambre dans laquelle nous dormions habituellement, mais par chance, mon mari et moi avions décidé de dormir avec nos cinq enfants dans une chambre plus chaude la nuit dernière. Je n’imaginais pas que cette décision banale allait nous sauver la vie.
J’ai rapidement enfilé mon abaya, pris ma fille de trois ans, Masak, dans mes bras, et mon mari a porté notre fille de cinq ans, Hour. Nos trois autres enfants, Saida, 12 ans, Zein, 10 ans, et Sham, 8 ans, nous suivaient de près tandis que nous sortions de la maison en courant, sans savoir si nous échappions à la mort ou si nous courions vers elle.
Dehors, nous avons vu la maison de nos voisins, la famille Jamasi, réduite à un tas de décombres. Elle avait été frappée de plein fouet.
Nous sommes restés en état de choc en regardant les ambulanciers et les équipes de défense civile les sortir des ruines. Ils ont récupéré 11 personnes dans la maison. Cinq d’entre elles étaient mortes, dont une fillette de huit ans nommée Siwar. La veille, elle jouait à l’extérieur de sa maison. Aujourd’hui, elle n’est plus là.
Nous avons fui la zone, cherchant refuge chez des parents dans un quartier voisin. Nous avons pris le peu que nous pouvions transporter, mais nous avons laissé derrière nous tout sentiment de sécurité.
Alors que nous fuyions, mon mari m’a dit : « Quand j’ai entendu nos enfants crier, je me suis senti impuissant. Je n’ai pensé qu’à les faire sortir vivants, mais je les ai amenés à quoi ? À une vie où nous courons d’une mort à l’autre ? »
Nous sommes maintenant à l’étroit dans une pièce surpeuplée. Même si nous sommes dans un autre quartier, la peur nous suit partout.
Personne à Gaza ne se sent en sécurité. Les avions de guerre israéliens tournent sans arrêt dans le ciel, bombardant sans pitié les habitations civiles, tuant des dizaines de personnes sans raison.
Les frappes aériennes de la nuit dernière ont tué plus de 400 Palestiniens, dont 174 enfants, 89 femmes et 32 personnes âgées.
Nous sommes encore sous le choc. Ma fille de huit ans ne peut plus dormir.
J’ai essayé de la réconforter, de l’aider à dormir, mais elle se réveillait toujours en pleurant. Elle m’a dit : « Maman, chaque fois que je ferme les yeux, j’ai l’impression qu’une autre bombe nous tombe dessus ».
Je me suis allongée à côté d’elle pour la calmer. Ce matin, j’ai découvert qu’elle s’était mouillée de peur.
Ma fille de 12 ans, Saida, n’arrête pas de me demander : « Maman, les avions vont-ils revenir ? ».
Je n’ai pas de réponse à lui donner. Comment puis-je la rassurer alors que je ne crois plus que je me réveillerai demain ?
J’ai regardé mon mari dans ses yeux fatigués et accablés et je lui ai demandé : « Quand ce cauchemar prendra-t-il fin ? ». Il m’a répondu : « Nous sommes seuls au monde. Tout le monde s’en fiche. »
Nous essayons de nous accrocher à la vie, mais la vie à Gaza n’est plus ce que nous avons connu.
Nous avons survécu à cette attaque aérienne, mais avons-nous vraiment survécu à cette guerre ?
Auteur : Rasha Abu Jalal
* Rasha Abu Jalal est auteure et journaliste à Gaza. Elle couvre les événements politiques et les questions humanitaires et elle a produit des reportages sur des questions sociales pour le journal local Istiklal pendant six ans. Rasha a également été membre du jury de l'événement annuel sur la liberté de la presse dans la bande de Gaza, Press House, en 2016. Son compte Twitter.
18 mars 2025 – Drop Site News – Traduction : Chronique de Palestine – Éléa Asselineau
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