Par Rasha Abu Jalal
Les débats, où chaque équipe de jeunes présente des points de vue opposés sur une hypothèse politique, sociale ou économique particulière proposée par les organisateurs, sont évalués par un panel de juristes composé de fonctionnaires, d’avocats, d’écrivains ou d’universitaires. Le jury sélectionne l’équipe gagnante, qui est celle qui a présenté l’argumentation la plus forte et la plus convaincante.
La Filastiniyat Foundation, une association locale pour les médias et qui vise à promouvoir la participation active des femmes et des jeunes Palestiniens à tous les niveaux de décision, encourage les débats dans la société palestinienne à travers le Tournoi annuel de débats pour les universités de Gaza.
Wafa Abdel Rahman, le directeur de la fondation, a déclaré à Al-Monitor que la fondation organise à Gaza et depuis cinq ans le tournoi annuel entre cinq universités palestiniennes. Ce tournoi est financé par l’Internationale Socialiste, une organisation mondiale de partis sociaux-démocrates et travaillistes. L’Internationale Socialiste regroupe actuellement 140 partis politiques et organisations à travers le monde.
Avant le tournoi, 30 étudiants d’universités, hommes et femmes, reçoivent une formation pour développer leurs compétences en matière de débat, en particulier pour soutenir leur point de vue avec des faits.
Le 24 décembre, Filastiniyat a conclu le tournoi de 2017, où les équipes ont débattu de l’affirmation suivante : “Ce conseil croit que la division palestinienne a prolongé la vie de l’occupation israélienne.” L’équipe représentant l’Université islamique de Gaza, qui a soutenu cette hypothèse, a emporté le débat contre contre l’équipe représentant le Collège universitaire des sciences appliquées de Gaza, qui soutenait l’idée que l’échec de l’Autorité palestinienne (AP) et d’Israël à parvenir à un accord prolongeait l’occupation, et non la division.
Abdel Rahman a expliqué que le débat est encore une idée nouvelle dans la société palestinienne, où le sectarisme prévaut parmi de nombreux partis politiques palestiniens et leurs partisans. Les jeunes adoptent souvent les idées du parti auquel ils sont affiliés sans les interroger ou en discuter, ce qui les empêche de considérer les mérites d’autres points de vue, ou même simplement de les tolérer.
Il a noté que les débats visent également à traiter plusieurs comportements négatifs parmi les Palestiniens, tels qu’une croyance aveugle en certaines choses, le manque de respect des opinions d’autrui et l’interruption de l’autre partie de façon répétée sans lui donner l’occasion d’exprimer son point de vue.
“Ces débats donnent aux jeunes l’occasion d’explorer, d’enquêter, de faire des recherches et d’examiner des informations sur la question en discussion, donc de construire un discours logique et scientifique basé sur l’évidence et la persuasion tout en respectant un autre point de vue”, a expliqué Abdel Rahman.
Le journaliste Mohammed El Najjar, âgé de 30 ans et qui a participé à trois débats entre jeunes depuis 2016, a déclaré à Al-Monitor que cette nouvelle expérience l’a aidé à apprendre de nombreux principes qu’il pourra ensuite utiliser lors d’un dialogue. et en formant des arguments convaincants pour défendre une question spécifique.
“Cette expérience m’a appris que mon point de vue peut en fait être mauvais si je n’ai pas fait mes recherches et écouté les autres. Les débats peuvent aider à faire disparaître l’intolérance. Cela m’a aidé à prendre confiance en moi et à former des arguments solides et convaincants”, nous a dit M. Najjar.
Nashaat al-Aktash, professeur de journalisme à l’Université Birzeit de Ramallah, en Cisjordanie, a déclaré à Al-Monitor qu’encourager les débats entre jeunes est très important car cela contribue de manière significative à promouvoir un dialogue positif dans une société qui souffre encore des conséquences de l’intolérance intellectuelle, notamment en raison du conflit interne entre les deux plus grands partis palestiniens, le Hamas et le Fatah, qui a abouti à la division palestinienne qui perdure depuis 2007.
Il a expliqué que le système tribal qui régit la société palestinienne “renforce l’idée d’intolérance puisque la tribu entière adopte aveuglément l’opinion de son chef, mais avec le développement technologique et les médias sociaux, les jeunes ont maintenant suffisamment d’espace pour discuter et échanger avec d’autres.”
Aktash a ajouté: “En plus de cette nouvelle ouverture, les débats dans la jeunesse ont créé un nouvel environnement pour que les jeunes partagent des informations et des opinions, et pour promouvoir le dialogue.”
L’Institut palestinien pour la communication et le développement à Gaza, une institution indépendante qui a organisé des débats dans la jeunesse en 2016 et 2017, a utilisé ce moyen comme outil de transparence. Dans leurs échanges, les étudiants, les journalistes et les militants des médias sociaux forment une équipe et les responsables locaux une autre. Ensuite, les deux équipes organisent un débat sur les questions pour lesquelles les responsables locaux sont tenus pour responsables.
Le directeur de l’institut, Fathi Sabbah, a déclaré à Al-Monitor: “Nous avons pu transformer les débats en un outil que le public peut exploiter pour responsabiliser les municipalités locales à un moment où le Conseil législatif palestinien ne joue pas de rôle significatif”.
Il a expliqué que quatre débats ont été organisés en 2017, impliquant 30 étudiants, journalistes et officiels locaux, soulignant que ces débats sont financés par la Commission électorale centrale palestinienne affiliée à l’AP, et l’organisation de la société civile Transparency Palestine.
Sabbah a noté que son institut est en train de développer une nouvelle méthode pour ces débats en organisant des équipes de jeunes face à des équipes officielles, composées de ministres et de sous-ministres, et en abordant des questions liées à leur vie quotidienne, comme la crise de l’électricité.
Il a ajouté que malgré les deux années de travail que son institut a consacrées à la promotion d’une culture de dialogue et de tolérance, il reste encore un long chemin à parcourir. “Nous devons travailler encore plus dans les années à venir, afin que nous puissions progresser et changer cette culture”, a-t-il conclu.
Auteur : Rasha Abu Jalal
* Rasha Abou Jalal est auteure et journaliste à Gaza. Elle couvre les événements politiques et les questions humanitaires et elle a produit des reportages sur des questions sociales pour le journal local Istiklal pendant six ans. Rasha a également été membre du jury de l'événement annuel sur la liberté de la presse dans la bande de Gaza, Press House, en 2016. Son compte Twitter.
5 février 2018 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine