Nous savons que s’opposer au sionisme, ou même en discuter, peut être douloureux, peut toucher le traumatisme le plus profond et les plus grandes craintes de beaucoup d’entre nous. Le sionisme est une idéologie politique du XIXe siècle qui a émergé à un moment où les Juifs étaient définis comme irrévocablement en dehors d’une Europe chrétienne. L’antisémitisme européen a menacé et mis fin à des millions de vies juives – dans des pogroms, en exil et dans l’Holocauste.
Grâce à l’étude et à l’action, aux relations profondes avec les Palestiniens qui luttent pour leur propre libération et à notre propre compréhension de la sécurité et de l’autodétermination des Juifs, nous avons compris que le sionisme était une réponse fausse et inopérante à la question désespérément réelle posée par nombre de nos aïeux, sur la façon de protéger les vies juives de l’antisémitisme meurtrier en Europe.
Bien que, historiquement, il ait connu beaucoup de tensions, le sionisme qui a pris racine aujourd’hui est un mouvement de colonisation, instaurant un État d’apartheid où les juifs ont plus de droits que les autres habitants.
Notre propre histoire nous enseigne à quel point cela peut être dangereux.
La dépossession et l’occupation de la Palestine sont intentionnelles. Le sionisme a engendré un traumatisme profond pendant des générations, séparant systématiquement les Palestiniens de leurs maisons, de leurs terres et des autres [communautés]. Le sionisme, dans la pratique, a entraîné des massacres de Palestiniens, a détruit d’anciens villages et des oliveraies, a séparé des familles vivant à un kilomètre l’une de l’autre par des checkpoints et des murs, et produit des enfants tenant les clés des maisons d’où étaient issus leurs grands-parents exilés de force.
Parce que la fondation de l’État d’Israël était basée sur l’idée d’un “pays sans peuple”, l’existence même des Palestiniens est une résistance. Nous sommes d’autant plus humbles face à la vitalité, la résilience et la constance de la vie, de la culture et de l’organisation des Palestiniens, car il s’agit d’un refus profond d’une idéologie politique fondée sur l’effacement.
En partageant nos récits les uns avec les autres, nous constatons combien le sionisme a également porté atteinte aux Juifs.
Beaucoup d’entre nous ont appris du sionisme à traiter nos voisins avec suspicion, à oublier les façons dont les Juifs construisaient leur foyer et leur communauté partout où nous nous trouvions. Les peuples juifs ont une longue histoire d’intégration dans le monde arabe et en Afrique du Nord, vivant parmi et partageant leur communauté, leur langage et leurs coutumes avec les musulmans et les chrétiens depuis des siècles.
En créant une hiérarchie raciste avec des Juifs européens au sommet, le sionisme a effacé ces histoires et détruit ces communautés et relations. En Israël, des personnes juives de couleur – du monde arabe, d’Afrique du Nord et d’Afrique orientale – sont depuis longtemps soumises à une discrimination érigée en système et à la violence de la part du gouvernement israélien.
Cette hiérarchie crée également des espaces juifs où les Juifs de couleur sont marginalisés, nos identités et nos engagements sont questionnés et interrogés et nos expériences niées. Cela nous empêche de nous voir – nos frères juifs et autres êtres humains – dans notre pleine humanité.
Les interprétations sionistes de l’histoire nous ont appris que le peuple juif est seul et que, pour remédier aux torts de l’antisémitisme, nous devons nous considérer comme toujours attaqués et que nous ne pouvons faire confiance aux autres. Cela nous enseigne la peur, et que la meilleure réponse à la peur est un pistolet de plus gros calibre, un mur plus haut, un checkpoint plus humiliant.
Plutôt que d’accepter une prétendue nécessité de l’occupation et de la dépossession, nous choisissons une voie différente. Nous apprenons des Juifs antisionistes qui nous ont précédés et savons que tant que le sionisme existera, il existera une dissidence juive.
Alors que nous faisons face à l’antisémitisme violent alimenté par le nationalisme blanc aux États-Unis aujourd’hui, nous avons choisi la solidarité. Nous choisissons la libération collective. Nous choisissons un avenir où tout le monde, y compris les Palestiniens et les Israéliens juifs, peut vivre librement dans des communautés vivantes, sûres et justes, où les besoins fondamentaux de l’homme sont satisfaits. Joignez-vous à nous.
Janvier 2019 – Jewish Voice for Peace – Traduction : Chronique de Palestine