Par Martin Griffiths
Les membres du G20 doivent utiliser leur influence et autorité politiques pour contribuer à mettre fin à la guerre à Gaza.
Alors que le G 20 se réunit au Brésil cette semaine, le nombre de morts dus aux hostilités à Gaza approcherait la barre des 30 000.
J’espère que ceci fera réfléchir les ministres des affaires étrangères rassemblés à Rio de Janeiro à ce que leur pays a fait ou n’a pas fait pour arrêter cela.
Dire que la guerre à Gaza est impitoyable et constitue un exemple de faillite humanitaire totale n’est pas un scoop. Il n’est guère utile de répéter une évidence. En revanche, permettez-moi – au nom de mes collègues humanitaires – de vous avertir non seulement sur ce qui se passe aujourd’hui, mais sur ce que je crains pour demain.
Ce qui se déroule à Gaza depuis 138 jours est inégalé en termes d’intensité, de brutalité, et d’envergure:
- Des dizaines de milliers de personnes tuées, blessées, ou ensevelies sous les décombres.
- Des quartiers entiers rasés.
- Des centaines de milliers de personnes déplacées, vivant dans des conditions abjectes alors même que l’hiver s’installe.
- Un demi-million de personnes au bord de la famine.
- Aucun accès aux éléments de première nécessité : nourriture, eau, soins médicaux, toilettes.
Une population entière se voit dépouillée de son humanité.
Les atrocités qui s’abattent sur la population de Gaza – et la tragédie humanitaire qu’elle endure – sont visibles du monde entier, documentées par de courageux journalistes palestiniens dont un trop grand nombre ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions. Personne ne peut prétendre ne pas savoir.
Personne ne peut non plus prétendre ne pas savoir que les agences humanitaires font de leur mieux : Près de 160 de nos collègues ont été tués, et pourtant nos équipes continuent de distribuer de la nourriture, de livrer des fournitures médicales et de l’eau potable.
Nous faisons tout ce que nous pouvons, malgré les risques en matière de sécurité, l’effondrement du droit et de l’ordre public, les restrictions d’accès et les tragédies personnelles. En dépit de l’arrêt du financement de la plus importante organisation de l’ONU à Gaza. Et en dépit des tentatives délibérées pour nous discréditer.
La communauté humanitaire que je représente vient de publier un plan soulignant ce dont nous avons besoin pour accroitre le flux de l’aide à destination de Gaza et à l’intérieur de Gaza.
Rien de tout cela n’est déraisonnable :
- un meilleur système de notification humanitaire pour réduire les risques ;
- un équipement de télécommunication ;
- l’enlèvement des engins non-explosés ;
- l’usage de tous les points d’entrée possibles.
Mais bien que j’aie souvent dit que l’espoir est la devise de l’humanitaire, j’ai peu d’espoir que les autorités nous donnent ce dont nous avons besoin pour fonctionner. Je ne souhaite rien de plus que d’avoir tort.
Nous savons sans l’ombre d’un doute que les agences humanitaires vont être accusées – nous le sommes déjà – pour le manque d’aide à Gaza, malgré le courage, le dévouement et les sacrifices de toutes nos équipes sur place.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : les privations que la population de Gaza endure sont si graves qu’aucune aide, quel que soit son volume ne sera suffisante.
Les obstacles auxquels nous sommes confrontés à chaque étape sont si énormes que nous ne pouvons fournir que le strict minimum.
Les attaques du 7 octobre contre Israël sont horribles – je les ai condamnées à maintes reprises et je continuerai de le faire. Mais elles ne peuvent justifier ce qui arrive à chaque enfant, chaque femme et chaque homme à Gaza.
Donc mon message aux ministres des affaires étrangères du G20 cette semaine est clair :
Nous plaidons auprès d’Israël, en tant que puissance occupante à Gaza, pour qu’il facilite l’acheminement de l’aide – mais en vain.
Nous demandons la libération immédiate et sans condition de tous les otages – en vain ou presque.
Nous incitons les parties à se conformer à leurs obligations en vertu des droits de l’homme et du droit humanitaire international – en vain ou presque.
Nous exhortons les pays qui ont cessé de financer l’UNRWA de revenir sur leur décision – en vain ou presque.
Aujourd’hui, nous vous implorons, vous membres du G20, d’utiliser votre autorité et votre influence politiques pour contribuer à mettre fin à cette guerre et à sauver la population de Gaza. Vous avez le pouvoir de faire changer les choses. Utilisez-le.
Votre silence et votre inaction ne feront qu’augmenter le nombre de femmes et d’enfants jetés dans les charniers de Gaza.
Les agences humanitaires font tout ce qu’elles peuvent. Et vous ?
Auteur : Martin Griffiths
* Martin Griffiths est Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordinateur des secours d’urgence des Nations unies. Il a été le premier Directeur exécutif de l'Institut européen de la paix, de 2014 à 2018. M. Griffiths est titulaire d’une maîtrise de l’École d’études orientales et africaines de l’Université de Londres, et est avocat certifié.
21 février 2024 – Al Jazeera – Traduction: Chronique de Palestine – MJB