Par Réseau francophone de la santé mentale en soutien à la Palestine
« Nous nous inquiétons sur les répercussions à court, moyen et long terme que cette catastrophe risque fortement de provoquer. » Un large collectif de professionnel·les francophones de la santé mentale, du soin et de l’accompagnement psycho-social interpelle les organisations professionnelles et les autorités sur le massacre des populations palestiniennes, et plus récemment, des populations libanaises.
« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. » Albert Einstein
Nous, professionnel·les francophones de la santé mentale, du soin et de l’accompagnement psycho-social, interpellons nos organisations professionnelles, toute autorité compétente et l’opinion publique en général sur la situation catastrophique qui affecte les populations palestiniennes, et plus récemment les populations libanaises, notamment les enfants. Nous nous inquiétons sur les répercussions à court, moyen et long terme que cette catastrophe risque fortement de provoquer.
Une année de génocide, des décennies d’impunité
Alors que les meurtres, les crimes de guerre et les violations des droits humains perpétrés par Israël contre le peuple palestinien durent depuis des décennies dans l’impunité la plus totale, depuis près d’un an le conflit israélo-palestinien a atteint un paroxysme et une rage meurtrière inédite. En effet, dans les suites de l’attaque terroriste du 7 octobre [voir note en bas de page] perpétrée par le Hamas, le peuple palestinien, principalement les civils, surtout à Gaza, endure un véritable enfer et est menacé dans son existence même.
Nous savons que ce conflit ne saurait perdurer sans la complicité de nombreux pays occidentaux, dont les nôtres. Tant que nos gouvernements continueront de mettre Israël à l’abri du droit international, seule une mobilisation sur le terrain aura quelques chances de faire bouger les choses.
Nous, professionnel.le.s francophones de la santé mentale, du soin, et de l’accompagnement psycho-social , tenons à rompre le silence devant cette réalité insoutenable.
Nos organisations professionnelles peuvent-elles continuer à se taire ?
Nos collègues palestinien·nes et leurs concitoyen.ne.s reçoivent ce silence comme un message d’abandon, voire de complicité.
Notre expérience d’acteurs de l’écoute active et empathique nous a appris que le trauma, pour être soigné doit d’abord être reconnu. C’est pourquoi nous tenons d’abord à dénoncer la colonisation et le projet de nettoyage ethnique de la Palestine et les falsifications mémorielles qui tentent de les justifier.
Nous alertons aussi sur les traitements inhumains et dégradants des prisonniers et prisonnières palestinien.ne.s, les détentions arbitraires, la destruction des infrastructures civiles (écoles, hôpitaux, lieux de culte), les meurtres de civils, femmes et enfants inclus. L’horreur peut sidérer, certes, mais pour en sortir il s’agit d’en affronter la cruelle vérité.
Les enfants de Gaza ayant perdu leur enfance, quels adultes seront-ils demain ? Eux pour qui l’éducation a été une source majeure de résilience et de fierté n’ont aujourd’hui plus aucun bâtiment scolaire où se rendre. Ils souffrent de la faim et ne peuvent s’échapper de leur enfer.
Combien de générations futures garderont-elles les stigmates des blessures actuelles ? Devant l’intensité et la répétition des pertes (de lieux de vie, d’êtres chers, de projets de vie) le concept même de « processus de deuil » est inapplicable. La violence subie aujourd’hui risque de se transformer un jour en violence agie, dans un cycle sans fin dont les répercussions risquent de nous atteindre directement.
Nos collègues en Palestine qui tentent de soutenir psychiquement leur peuple sont eux même en grande détresse, exposés encore aux mêmes dangers que le reste de la population.
Le rétablissement de la paix, de la justice et le respect du droit international font partie des conditions de la mise en œuvre de soins psychiques effectifs. La fin du conflit ne signifiera cependant pas malheureusement la fin des souffrances du peuple palestinien.
Nous tenons dès maintenant à faire entendre notre voix dans le débat public car cela relève de notre éthique. Membres du réseau francophone qui s’inscrit dans un vaste réseau international pour la santé mentale en Palestine, nous invitons les praticiennes et praticiens de la santé mentale à signer cette déclaration par laquelle nous affirmons notre solidarité avec le peuple palestinien et nos collègues palestiniens à Gaza, en Cisjordanie, de la mer Méditerranée au fleuve Jourdain et partout dans le monde.
Pendant que nous rédigeons ces lignes la violence guerrière éclate sur les pays et les peuples du Liban et du Yémen produisant de nouvelles séries de crimes et de souffrances que nous ne saurons oublier ni taire.
Les signataires
Abdallah ZAYED, médecin neurologue
Alain MARTEAUX, psychothérapeute systémique
Anne DÉLÈGUE, psychiatre enfants et adolescents
Anne DE VERGNETTE BROADHEAD, art-thérapeute
Anne ESCOUBÈS, psychologue
Annie LACROIX-RIZ, historienne, universitaire, auteure
Athanassia GOUNAROPOULOU, médecin cardiologue
Bernard CLAUDE, médecin psychiatre
Brooke MADDUX, médecin psychiatre – psychanalyste
Catherine COIRAULT, médecin – chercheuse INSERM
Catherine VRIGNON, psychologue
Céline BEIGBEDER, metteure en Scène
Christian RODRIGUEZ, psychologue, thérapeute familial
Claire MESTRE, médecin Psychiatre et anthropologue, praticienne hospitalière et enseignante
Cyrille VENET, médecin anesthésiste
Cécile SPIESSER, médecin psychiatre
Delphine GLACHANT, médecin psychiatre
Dominique TERRES, médecin psychiatre
Emmanuel KOSADINOS, médecin psychiatre
Emmy KOUTSOPOULOU, médecin psychiatre, addictologue
Emna KALAI, psychologue clinicienne
Eric BERGE, psychologue
Farah MERZGUIOUI, psychologue clinicienne
Florence CAZALOT, psychologue
Fouad LAHSSAINI, psychologue clinicien
Francis REMARK, médecin Psychiatre pour enfants et adolescents
François JOURNET, médecin Psychiatre
G.Ferial LOULI, médecin Psychiatre
Gilles GAMBUS, pianiste Compositeur
Houria ABDELOUAHED, psychanalyste, universitaire, auteure
Ingrid SEUBE, psychologue
Isabel RAMALLO, médecin psychiatre
Isabelle DELAGE, médecin psychiatre
Jean-Pierre MARTIN, médecin psychiatre, auteur
José-luis MORAGUES, psychologue, universitaire
Joëlle CONROTTE, psychologue clinicienne
Julie BARRÈRE, psychologue, universitaire
Jérémie RICHIR, travailleur tsycho-social
Laura SIMSOLO, psychologue clinicienne, psychanalyste
Laurence ROCHE, psychologue en formation
Louisa MUSSO, psychologue Clinicienne
Luc PARISEL, psychiatre, psychanalyste
Luigia LOCATELLI, acteur humanitaire
Maelle BAUDON, travailleuse psychosociale
Marc MINNEN, psychologue, psychanalyste
Marie ARENTS, travailleuse psycho-sociale
Marie Cécile HENRIQUET, psychologue clinicienne
Marie-Caroline SAGLIO-YATZIMIRSKY, anthropologue, psychologue, professeure à l’INALCO
Martial PROUHEZE, médecin psychiatre, addictologue
Martine CHARLERY, médecin Psychiatre pour enfants et adolescents, chef de Secteur
Maryline RICCI, travailleuse sociale
Micha VANDERMEULEN, psychanalyste
Mireille SÈVE, travailleuse Sociale
Mouna IMAD, psychologue
Myriam CASSING, directrice centre de formation
Mélanie FAUCHER, psychologue clinicienne
Nadine VAN DEN BROEK, médecin
Nadir AMARA, travailleur Social
Nasséra ZAÏDI, acteur Associatif
Nathalie THOMAS, orthophoniste, universitaire
Nedra BEN SMAIL, psychanalyste
Nour BOUZIANI, médecin psychiatre
Nuran CICEKCILER, psychologue clinicien
Odile ROLLET, médecin psychiatre pour enfants et adolescents
Pascal BOISSEL, médecin psychiatre
Pascal NOTTET, psychanalyste, philosophe
Pedro SANTOS SERRA, médecin psychiatre, chef de pôle
Philippe GASSER, médecin psychiatre
Philippe LUXEREAU, médecin
Roberto BENEDUCE, médecin psychiatre, anthropologue, universitaire
Sabrine FOUREK, juriste, militante pour l’égalité des droits
Saliha FELLACHE, orthophoniste, enseignante
Simona TALIANI, psychothérapeute, anthropologue, universitaire
Sophie BARON-LAFORÊT, médecin psychiatre, psychocriminologue, auteure
Souhéla LOUAHDI-SEKAFI, directrice MECS
Stratos KALAITZIS, médecin chirurgien
Stéphanie LOZET, travailleuse sociale
Sylvie AUDEBERT, médecin psychiatre, addictologue
Sylvie BEGARDS, travailleuse sociale
Tanguy DE FOY, psychologue clinicien
Tatiana BEREGOVAIA, médecin psychiatre
Vincent BUARD, médecin généraliste
Yousra HAJ, psychologue clinicienne
Bernard CLAUDE, cadre de santé
Catherine LUXEREAU, Psychiatre
Malika MANSOUR, Psychanalyste
- Pour vous joindre à l’appel de vos collègues, vous pouvez remplir le formulaire dédié.
- Visitez le site du Réseau Francophone de la santé mentale en soutien à la Palestine.
- Et pour nous contacter : frpmhn@gmail.com
Note :
[*] Nous ne partageons pas le point de vue selon lequel l’attaque du 7 octobre était une ‘attaque terroriste’, mais considérant l’intérêt de l’initiative ici mentionnée, nous n’avons pas voulu nous arrêter à cette différence d’interprétation et nous avons fait le choix de relayer cet important appel – Le comité de rédaction.
Auteur : Réseau francophone de la santé mentale en soutien à la Palestine
* Le Réseau Francophone pour la Santé Mentale en Palestine (Francophone Palestine Mental Health Network ou FRPMHN) a été créé en 2019 comme réseau initialement français. Il s’est élargi en 2024 à la Belgique et a comme vocation de s’étendre à d’autres pays francophones. Ce réseau a rejoint le Réseau Mondial pour la Santé Mentale en Palestine (PalGlobal), établi le 9 juin 2019 par des collègues palestinien.ne.s.Le FRPMHN reconnait l’impact sévère de l’oppression militaire, économique et sociale sur la santé mentale des Palestiniens et Palestiniennes. Il déplore les violations des droits humains perpétrées par l’occupation israélienne et identifie cette dernière comme une cause majeure de traumatisme psychologique pour les communautés palestiniennes et israéliennes.
21 novembre 2024 – Communiqué par le FRPMNH