La Palestine nous expose tels que nous sommes, et ce n’est pas brillant !

6 septembre 2024 - Des enfants palestiniens sont vaccinés contre la polio dans une école de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Des foules se rassemblent lors de la deuxième phase d'une campagne visant à vacciner environ 340 000 enfants dans le sud de la bande de Gaza, après qu'un bébé a été diagnostiqué avec le premier cas confirmé de polio à Gaza en 25 ans, mettant en évidence l'effondrement des systèmes de santé, d'eau et d'assainissement de la bande de Gaza. Selon l'Organisation mondiale de la santé, une couverture vaccinale d'au moins 90 % est nécessaire pour enrayer l'épidémie et réduire le risque de réapparition de la maladie - Photos : Doaa Albaz

Par Tom Suarez

La Palestine est l’illustration parfaite de la stupéfiante hypocrisie occidentale. Le génocide de Gaza nous définit parce qu’il révèle ce que nous sommes.

Les citoyens d’anciennes nations génocidaires se réveillaient chaque matin préoccupés par les défis de la vie quotidienne, et non par les peuples que leurs dirigeants massacraient.

Les victimes pouvaient se trouver sur plusieurs continents ou au sein d’une même population de sorte que la conscience du massacre variait, mais, dans tous les cas, la propagande et la déshumanisation apaisaient la mauvaise conscience des gens et des médias.

Ceux qui résistaient au lavage de cerveau étaient limités dans leur capacité à défier leurs dirigeants et devaient faire face à des conséquences – souvent brutales – s’ils s’y risquaient.

Pourtant, à des degrés divers, la postérité a tenu ces pays et tous leurs habitants pour moralement responsables. Quelles que soient les circonstances atténuantes, la postérité n’a pas vraiment accepté « nous ne savions pas » comme excuse.

Imaginez que dans un siècle, en 2124, vous soyez un étudiant d’histoire et que vous fassiez des recherches dans les archives sur cette tache noire de l’ancien Empire occidental connue sous le nom de génocide palestinien. Que verriez-vous ?

Le génocide d’aujourd’hui n’est pas perpétré par une nation sans foi ni loi, ni par un empire au sens traditionnel du terme, mais par un groupe de pays dirigé par les États-Unis. Nous aussi, citoyens de ces pays, nous nous réveillons chaque matin préoccupés par nos propres problèmes et non par ceux des peuples qui sont massacrés en notre nom.

Nous aussi, nous sommes soumis à une propagande raciste qui veut nous rendre complices de ces horribles crimes, depuis les mensonges grossiers de Fox News jusqu’à la manipulation insidieuse du New York Times et l’arrogance bien-pensante de PBS. Nous sommes nous aussi prisonniers des structures de pouvoir dans lesquelles nous vivons.

Mais il existe une différence fondamentale entre les génocides du passé – l’assassinat des Congolais par la Belgique, des Arméniens par les Ottomans, des Juifs par les Nazis, etc. – et celui d’aujourd’hui, l’assassinat ou l’élimination, en Palestine historique, de tous ceux qui ne sont pas juifs.

Nous ne pouvons pas ne pas nous sentir concernés. Ce génocide est clairement notre œuvre. Et aussi impitoyable que puisse être la répression, on ne risquerait pas la mort en s’y opposant, comme c’était le cas, par exemple, dans l’Allemagne des années 1930.

Contrairement aux génocides passés, nous regardons le nôtre se dérouler en temps réel sur nos téléphones portables. Nous assistons à notre génocide depuis le début.

L’État israélien repose sur une idéologie suprématiste dont l’issue inévitable est le génocide, ses hommes politiques les plus honnêtes reconnaissent sans difficulté que c’est bien leur projet, et l’histoire de cet État le prouve indéniablement depuis soixante-seize ans.

Mais nous – le soi-disant « Occident » et surtout les États-Unis – restons passifs, enfermés dans l’illusion de la supériorité morale que nous procure le sentiment d’appartenir au monde prétendument libre et démocratique.

Nous croyons fermement que nous vivons dans une société ouverte et moderne, guidée par un débat éclairé et une structure politique fondée sur le droit, quelques soient les fautes que nous commettons.

Pour maintenir cette illusion, nous autorisons la liberté d’expression à l’intérieur d’un cadre restreint qui exclut toute critique ou opposition au système. Pendant que les Palestiniens sont massacrés, nous nous réjouissons de pouvoir dire tout ce que nous voulons, à l’intérieur de ce cadre arbitraire.

Toute vérité située en dehors de ce cadre, ne fait pas nécessairement l’objet d’une violente censure ; elle est tout simplement ignorée. Mais ceux qui s’aventurent aux limites du cadre sont immédiatement victimes d’insultes et leurs carrières sont détruites par des accusations d’« antisémitisme », ce qui montre bien que la liberté d’expression est une illusion.

Ainsi, depuis soixante-seize ans, nous faisons tout ce que nous pouvoir pour traverser le plafond de verre imposé par l’Establishment occidental. Nous parlons de ce que fait Israël, de ce que font les États-Unis, qui déplorent les ravages du mal tout en protégeant le mal lui-même.

Les soutiens du génocide sont contents, parce qu’il est impossible de parler de sa vraie cause, à savoir l’existence de l’État israélien lui-même, un État dont le principe même est génocidaire.

Notre système politique est tout aussi malhonnête, avec son monopole bipartite présenté comme une « démocratie ». Quel genre de génocide préférez-vous ? Préférez-vous le génocide Woke, ou le génocide justifié par la menace-contre-la-démocratie ?

La Palestine est loin d’être le seul crime des États-Unis et consorts, mais c’est l’injustice par excellence, celle qui englobe toutes les autres.

Il ne s’agit pas d’un accident, d’un coup d’État, d’une intervention militaire, d’une guerre, d’une politique étrangère, d’un bourbier politique, mais d’une obsession messianique qui imprègne notre psyché, d’une addiction auto-destructrice au génocide.

Pour une grande partie du monde, avec la Palestine, nous avons franchi la « ligne rouge » et affiché notre stupéfiante hypocrisie. Ce génocide nous appartient. Il nous définit. C’est nous.

Novembre 2024, mois des élections, marquera les cent sept ans de la déclaration Balfour de la Grande-Bretagne et les soixante-dix-sept ans de l’adoption par les États-Unis de la résolution 181 (Partition) de l’Assemblée générale des Nations unies.

Dans les deux cas, nous savions parfaitement que ces documents étaient vides de sens et que nous étions en train d’institutionnaliser le nettoyage ethnique, et finalement le génocide, de la population indigène de la Palestine, du fleuve à la mer.

Plus le génocide s’accélère, plus nous nous enfonçons dans nos illusions bien-pensantes : le « non au génocide » ne fait pas partie du menu des élections américaines de novembre, pas plus que les vraies informations sur la Palestine ne sont au menu des grands médias.

À moins que les soulèvements de masse à travers le pays et le monde n’engendrent rapidement une prise de conscience radicale, le mot « génocide » sera écrit sur nos tombes.

8 septembre 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet