Par Robert Herbst
Joe Biden continue de soutenir pleinement le génocide de Gaza parce qu’il ne pense pas que cela lui portera préjudice sur le plan politique et parce qu’il n’a aucune considération pour les Palestiniens. C’est la même arrogance qui a causé la chute de LBJ lors de la guerre du Vietnam.
Le président Biden sent aussi mauvais que LBJ. Ceux d’entre nous qui sont assez âgés pour s’en souvenir, se rappellent de cette puanteur avec tristesse et inquiétude.
Après l’assassinat du président Kennedy, le président Johnson a réussi à faire passer des lois qui renforçaient les droits civiques ainsi que les lois nationales de la Grande Société(1) que JFK n’avait pas pu adopter. Cela aurait suffi à faire de lui l’un de nos grands présidents. Mais il a fait preuve d’une coupable incompétence en ce qui concerne le Viêt Nam.
Johnson avait une interprétation personnelle des enjeux géopolitiques de cette guerre. Il voyait la lutte des nationalistes vietnamiens contre les oppresseurs français, puis américains, et leurs marionnettes sud-vietnamiennes, comme une lutte américaine contre le communisme, l’Union soviétique et la Chine.
Une fois qu’il a eu fait sien ce combat, il ne pouvait plus « reculer », malgré le déroulement désastreux de la guerre et la couverture médiatique et télévisuelle qui révélait petit à petit au peuple américain son erreur d’analyse et les épouvantables violences que lui-même et ceux qu’il soutenait infligeaient aux victimes vietnamiennes qui refusaient de se soumettre, malgré des millions de morts, des millions de mutilés et la destruction d’une grande partie du pays par les bombes et le napalm.
Incapable de reconnaître son erreur et sa défaite, LBJ a persévéré dans une guerre qu’une grande partie du pays a fini par considérer comme immorale et ignominieuse. Le mouvement anti-guerre, mené par des étudiants et des professeurs sur les campus, s’est rapidement développé et a déchiré le pays, créant des divisions qui subsistent encore aujourd’hui.
Lorsque le mouvement s’est mis à organiser des manifestations dans les rues de Chicago à l’extérieur de la convention démocrate, la police s’est déchaînée sous les yeux des caméras de télévision.
La violente répression a joué un rôle dans la courte victoire de Richard Nixon sur Hubert Humphrey lors de l’élection de 1968, une victoire qui a engagé le pays dans la voie plus républicaine et plus conservatrice qui caractérise actuellement notre politique.
Le président Biden a les mêmes défauts. Toute sa vie politique, il s’est accommodé de l’oppression des Palestiniens par Israël. Il n’a jamais émis la moindre critique sur le système d’apartheid mis en place par Israël.
L’argent de l’AIPAC lui a servi de lait maternel politique. Il a longtemps été le premier sioniste chrétien des États-Unis. En tant que président, il a cherché à marginaliser et soumettre les Palestiniens, pour que sa vision géopolitique d’un pacte israélo-saoudien, dirigeant un Moyen-Orient dominé par l’Occident contre l’Iran, puisse voir le jour.
Lorsque le Hamas a frappé le 7 octobre, Biden a été incapable de se rendre compte qu’il s’agissait d’une lutte de résistance contre 75 ans d’oppression. Il n’y a vu qu’un obstacle à son espoir de stabiliser la région pour pouvoir se concentrer sur sa guerre chaude contre la Russie et sa guerre froide contre la Chine. Maudits soient les Palestiniens !
Il a donc lâché Israël contre eux, sachant parfaitement que l’armée d’occupation allait ravager Gaza pour « rétablir la dissuasion ». Malgré ses différends avec Benjamin Netanyahu, il lui a apporté tout son soutien, sans s’imaginer un seul instant que le génocide des Palestiniens par Israël susciterait un tollé aux États-Unis.
Sa récente visite à Michael Douglas et Katherine Zeta Jones pour récolter quelques millions de dollars auprès de contributeurs démocrates fortunés illustre la bulle dans laquelle vit Biden. Il continue de soutenir le génocide à coups de dizaines de milliards parce qu’il ne croit pas vraiment qu’il puisse perdre le pays à cause de cela et parce qu’il n’a aucune sympathie pour les victimes palestiniennes du sionisme.
Il y a là le même relent d’arrogance que celui qui a fait tomber LBJ. La répression actuelle du mouvement anti-génocide qui ne cesse de s’élargir sur les campus reflète ce que nous avons enduré à l’époque, et suggère fortement que nous assisterons à un remake de 1968 lors de la prochaine convention démocrate à Chicago.
Son espoir de remporter une courte victoire sur Trump dans le Michigan et dans les quelques autres États critiques du champ de bataille politique est déjà battu en brèche, et la très probable réprobation de la violence que les autorités déchaînent sur les jeunes Américains dans ces États, éloignera encore plus d’électeurs de Biden. Pourtant, il continue de soutenir le génocide.
Il se contente de parier qu’il finira par l’emporter pour la simple raison qu’il a Trump comme adversaire. Et que les manifestants aillent au diable !
Il a peut-être raison. Mais Biden joue avec la démocratie américaine, uniquement pour permettre aux Juifs israéliens, dont au moins les deux tiers soutiennent le génocide et s’opposent à l’entrée de toute aide humanitaire à Gaza, de continuer à tuer des femmes et des enfants palestiniens par milliers, et de profiter de l’incapacité de leur propre gouvernement à anticiper l’attaque du Hamas pour intensifier leur nettoyage ethnique du peuple palestinien sur toute la terre du Fleuve à la Mer.
En tant qu’avocat spécialisé dans les droits civils, qui a enquêté et poursuivi des affaires dans les tribunaux pénaux internationaux, je peux comprendre le dilemme auquel sont confrontés les électeurs démocrates du Michigan, de Géorgie, de Pennsylvanie et d’Arizona qui hésitent à voter pour un génocidaire, même si son adversaire politique est un insurrectionnaliste.
Il paraît que Jill Biden a dit à son mari il y a quelque temps : « Arrête, Joe, arrête tout de suite ». Un bon conseil qu’il continue d’ignorer – à ses risques et périls, et aux nôtres.
Auteur : Robert Herbst
* Robert Herbst est avocat spécialisé dans les droits civils. Il est coprésident du conseil d'administration de l'ICAHD-USA et a été coordinateur pour Westchester Jewish Voice for Peace de 2014 à 2017. Il a été enquêteur indépendant et procureur pour le Tribunal spécial pour la Sierra Leone et le Tribunal pénal international pour le Rwanda.
6 mai 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet