Par Abdel Bari Atwan
L’envoi de l’émissaire présidentiel américain Amos Hochstein à Jérusalem sous occupation et à Beyrouth cette semaine, signifie que la perspective d’une guerre élargie sur le front libanais s’accroît et s’approche de l’explosion.
Cet émissaire, qui a servi dans l’armée israélienne, apporte en cadeau à ses compatriotes israéliens des armes, des munitions et de l’armement de haute technologie.
Aux Libanais, il apporte des menaces voilées assorties d’une « initiative » visant à arrêter ou à geler la guerre d’usure que le Hezbollah mène courageusement et avec grande intelligence pour soutenir la résistance inébranlable dans la bande de Gaza, et qui s’est intensifiée de manière féroce ces dernières semaines.
Les États-Unis n’ont pas réussi à duper la résistance de Gaza, en utilisant des intermédiaires arabes, pour qu’elle accepte une trêve temporaire qui libérerait les prisonniers israéliens en échange de fausses promesses d’un éventuel futur cessez-le-feu.
Sans la fin de l’assaut sur Gaza, l’extension de la guerre sur le front nord alarme les États-Unis parce qu’ils savent qu’elle serait très coûteuse non seulement pour Israël, mais aussi pour eux-mêmes, pour leur influence au Moyen-Orient et pour la sécurité et la survie de leurs bases militaires dans l’ensemble de la région.
Les médias militaires ont diffusé une vidéo pour commémorer les 250 jours de soutien à Gaza et à sa résistance.
Une deuxième guerre au Sud-Liban, parallèlement à la guerre contre Gaza, en plus de la guerre en Ukraine, serait dévastatrice pour les États-Unis à tous les niveaux.
Hochstein a été envoyé pour désamorcer la tension avant qu’il ne soit trop tard, dans l’espoir de réussir là où son compatriote sioniste Antony Blinken a échoué lors de ses huit voyages au Moyen-Orient depuis le début de l’opération « Déluge d’al-Aqsa ».
Ces derniers jours, quelque 400 missiles et drones du Hezbollah ont atteint Safad et Tabariyya au cœur de la Galilée, bombardé la plupart des colonies du nord et détruit les défenses aériennes de la base de Ramon. Auparavant, ils avaient abattu un drone israélien sophistiqué survolant le Liban et détruit un ballon de surveillance géant d’une importance cruciale.
Ces coups successifs montrent que le « pouvoir de dissuasion » tant vanté par Israël n’a pas seulement été érodé, mais qu’il est sur le point de se désintégrer totalement.
L’État génocidaire va-t-il consommer son propre suicide en envahissant le Liban ?
Alors que j’écrivais cet article, j’ai reçu un appel du président libanais Emile Lahoud, qui m’a souhaité un bon Aïd al-Adha, comme il le fait régulièrement avec ses amis et admirateurs musulmans.
Lorsque je lui ai demandé comment il s’attendait à ce que la situation tendue actuelle évolue, il a répondu en faisant référence à la prochaine visite de Hochstein : « Ils veulent accomplir par la tromperie et les promesses mensongères ce qu’ils n’ont pas réussi à faire lors de la guerre de juin 2006 : éliminer la résistance de la frontière au nord de la rivière Litani sous prétexte d’apaiser les tensions, d’éviter la guerre et d’empêcher que la situation ne devienne incontrôlable ».
L’objectif, a-t-il ajouté, est de sauver Israël et d’endiguer la fuite de ses colons de Galilée et d’ailleurs. « Mais ils échoueront. La résistance sous la direction de Sayid Hassan Nasrallah, que je connais bien, est parfaitement au courant de leurs plans. Elle ne reculera pas d’un seul millimètre et continuera à se battre en solidarité et en soutien à notre peuple dans la bande de Gaza. La résistance est aujourd’hui des dizaines de fois plus puissante qu’en 2006. Je rassure tout le monde : le plan ne passera pas et la victoire est proche ».
Je ne veux pas de guerre au Liban ou ailleurs, mais si la guerre est imposée à la résistance, ce sera la plus grande et la pire des folies du gouvernement israélien, et sa dernière.
La résistance libanaise dirigée par le Hezbollah a déjà saigné l’ennemi israélien – en bombardant ses colonies, en détruisant des avant-postes militaires et en faisant fuir des dizaines de milliers de colons – sans tirer un seul des missiles de précision de son arsenal de 200 000 (selon les estimations des généraux israéliens).
En outre, une confrontation majeure sur le front libanais impliquerait tous les États et groupes paramilitaires de l’axe de la résistance, y compris l’Iran et la Syrie. La résistance libanaise ne serait pas laissée à elle-même, tout comme la résistance palestinienne à Gaza n’a pas été laissée à elle-même.
Des dizaines de milliers de combattants afflueraient au Sud-Liban depuis la Syrie, l’Irak, l’Algérie, le Yémen et peut-être aussi l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan, pour combattre aux côtés du Hezbollah et de ses alliés.
Hochstein a déjà trompé les Libanais avec ses fausses promesses et garanties qu’ils seraient autorisés à extraire leur pétrole et leur gaz offshore pour soulager leur crise économique paralysante.
Il tente aujourd’hui une nouvelle fois de tromper les Libanais en employant un style différent, cette fois-ci accompagné de menaces et de porte-avions américains. Il échouera et reviendra les mains vides.
La résistance libanaise ne veut pas la guerre, mais elle ne la craint pas.
Auteur : Abdel Bari Atwan
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
17 juin 2024 – Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine