Par Qassam Muaddi
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé qu’Israël ne respecterait plus l’accord de désengagement des forces armées conclu en 1974 avec la Syrie, qui a mis fin à la guerre de 1973 entre les deux pays. Netanyahu a fait cette annonce lors d’une déclaration télévisée depuis le plateau du Golan syrien occupé dimanche.
Les déclarations de Netanyahu sont intervenues peu après que les forces israéliennes ont franchi la zone tampon démilitarisée entre le territoire occupé par Israël et le territoire resté sous propriété de la Syrie dans le Golan.
Les forces israéliennes ont envahi et pris plusieurs positions à l’intérieur du territoire souverain syrien, y compris le sommet du mont Al-Sheikh, sans rencontrer de résistance selon les rapports israéliens.
Tôt dimanche, la coalition rebelle syrienne « Hayat Tahrir al-Sham » a annoncé la chute du régime du dictateur syrien Bachar al-Assad. Le régime a dirigé la Syrie pendant plus de deux décennies et a été précédé par le régime du père de Bashar, Hafez al-Assad, depuis les années 1970.
Simultanément, les forces de l’opposition syrienne se sont emparées des principaux bâtiments gouvernementaux à Damas. Quelques heures auparavant, Al-Assad avait fui la capitale syrienne. La Russie a ensuite confirmé que le président syrien avait obtenu l’asile dans le pays.
Dans la nuit de samedi à dimanche, des avions de combat israéliens ont bombardé des cibles importantes à Damas et dans ses environs, notamment l’aéroport militaire de la capitale et le Centre syrien de recherche scientifique.
La Syrie a combattu Israël en 1948, 1967 et 1973. Hafez Al-Assad a pris le pouvoir en Syrie à la suite d’un coup d’État militaire en 1970, dans ce qui était considéré comme l’une des répercussions de la défaite de la Syrie face à Israël en 1967.
Sous Hafez Al-Assad, la Syrie a participé, avec l’Égypte, à la guerre d’octobre 1973 contre Israël et a libéré une partie du territoire occupé par ce dernier sur les hauteurs du Golan.
En 1974, la Syrie et Israël ont signé un cessez-le-feu et un accord de « désengagement des forces », qui a créé une zone démilitarisée entre les territoires occupés par Israël et ceux restés propriété syrienne.
La Syrie d’Assad a également combattu Israël lors de la bataille de Sultan Yacoub, au cours de l’invasion israélienne du Liban en 1982, aux côtés de groupes de résistance palestiniens, mais n’a pas participé directement au reste de la guerre contre le Liban. La Syrie avait envoyé des forces au Liban en 1976, dans le cadre d’une coalition arabe plus large visant à contenir la guerre civile libanaise.
Tout au long des années 1990, Assad a utilisé la présence militaire de la Syrie au Liban pour influencer la politique libanaise et est devenu le principal soutien de la résistance libanaise lors de la montée en puissance du Hezbollah dans le sud du Liban.
La Syrie a représenté le Hezbollah dans les négociations indirectes avec Israël, par l’intermédiaire des États-Unis, lors de l’assaut israélien de 1996 sur le Liban (les « raisins de la colère »), ce qui a conduit à l’« accord d’avril » qui stipulait d’éviter de prendre pour cible les civils des deux côtés.
La Syrie n’a jamais reconnu Israël, même si, sous Hafez al-Assad, elle a engagé des négociations avec l’état sioniste à la fin des années 1990 en vue de parvenir à un accord basé sur la restitution par Israël du plateau du Golan en échange de la reconnaissance d’Israël par la Syrie.
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Le gouvernement d’Hafez al-Assad avait insisté sur le fait qu’il ne signerait la paix avec Israël que si ce dernier signait un accord de paix définitif avec les Palestiniens, qui aboutirait à la création d’un État palestinien. Aucune de ces choses ne s’est jamais produite.
Bachar el-Assad est arrivé au pouvoir après la mort de son père en 2000 et a poursuivi la même politique à l’égard d’Israël, du Hezbollah et de la question palestinienne.
En 2005, la Syrie a retiré ses forces du Liban après les nombreuses manifestations qui ont suivi l’assassinat du Premier ministre libanais Rafiq Hariri. Cependant, elle a renforcé son influence au Liban après la guerre israélienne de 2006 contre le Liban, renforçant le statut du Hezbollah en tant que force de résistance dans la région.
En 2011, dans le cadre des révolutions du printemps arabe, des manifestations ont éclaté dans toute la Syrie contre le régime d’Assad, connu pour sa répression brutale des dissidents et la disparition et la torture de Syriens ordinaires critiques à l’égard du régime.
Assad a répondu par une répression violente des manifestants, y compris par des tirs à balles réelles, tuant des dizaines de Syriens.
Les manifestations se sont rapidement transformées en affrontements armés entre les forces du régime et les rebelles armés, rejoints par des membres dissidents de l’armée.
Simultanément, des groupes armés composés de combattants étrangers ont également commencé à se former, recevant des armes et le soutien de pays régionaux et étrangers hostiles à Assad.
Le plus connu de ces groupes est le « Front Al-Nusra », issu de la branche syrienne d’Al-Qaïda. Son chef, Ahmad Al-Sharaa, aujourd’hui connu sous le nom d’Abu Mohammad Al-Joulani, s’est par la suite dissocié d’Al-Qaïda et est devenu le chef de l’actuelle force rebelle syrienne qui a renversé Assad.
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Tout au long de la guerre civile syrienne, Assad a bombardé des zones civiles, provoquant le déplacement de centaines de milliers de Syriens. Il a été accusé de crimes de guerre par plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, qui ont également accusé les groupes rebelles de commettre des crimes de guerre.
Le régime d’Al-Assad a également joué un rôle clé dans l’alliance militaire dirigée par l’Iran qui a relié les milices à travers l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban.
Après la prise de contrôle d’une grande partie de l’Irak par l’état islamique (ISIS), la « Mobilisation populaire » irakienne a été formée, qui comprenait une coalition de milices irakiennes soutenues par l’Iran. La « Mobilisation populaire » a combattu ISIS et a été reconnue comme un élément clé de sa défaite.
La coalition, qui a ensuite été reconnue comme faisant partie des forces armées irakiennes par l’État irakien, allait rejoindre une alliance militaire dirigée par l’Iran, reliant géographiquement l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban, ce qui a accru l’importance stratégique de la Syrie dans la région, et faisant face à Israël.
Cette alliance a été renforcée après que les milices irakiennes, les conseillers militaires iraniens et les combattants du Hezbollah ont aidé Assad pendant la guerre civile syrienne contre les groupes rebelles entre 2012 et 2018, ce qui a permis à Assad de contrôler de grandes parties de la Syrie.
Israël a alors intensifié ses bombardements sur le territoire syrien, en particulier sur des cibles de l’armée syrienne, tout au long de ces années, affirmant qu’il visait les voies d’approvisionnement entre l’Iran et le Hezbollah. La Syrie n’a jamais répliqué aux attaques israéliennes.
L’effondrement du régime Assad représente un changement majeur dans la carte géopolitique du Moyen-Orient. Ce changement aura des répercussions importantes sur les relations d’Israël avec le reste de la région et sur l’évolution future de la cause palestinienne.
Comme la nouvelle phase de l’histoire de la Syrie n’a pas encore pris forme, cet impact reste incertain.
Auteur : Qassam Muaddi
* Qassam Muaddi est un journaliste palestinien basé à Ramallah. Il couvre l’actualité palestinienne : événements politiques, mouvements sociaux, questions culturelles ... Il écrit pour les quotidiens libanais Assafir et Al Akhbar, les sites Middle East Eye, Mondoweiss et The New Arab, ainsi que pour les journaux électroniques palestiniens Metras et Quds News Network.Son compte twitter.
9 décembre 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine
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