Par Omar Ahmed
Il est logique d’être sceptique face aux tentatives de minimiser le nombre de victimes – morts ou blessés – dans les attaques de représailles, baptisées “Opération Martyr Soleimani” et lancées après l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani, l’Iran ayant décidé de réagir “proportionnellement”.
Immédiatement après les bombardements, les médias iraniens ont affirmé qu’il y avait eu au moins 80 morts américains et jusqu’à 200 blessés, selon des “sources informées”, ce qui ne devrait pas surprendre étant donné la grande influence de l’Iran dans les instances dirigeantes de son voisin irakien, avec ses informateurs infiltrant chaque aspect de la vie politique irakienne selon des informations divulguées en novembre dernier. “Tous les renseignements de l’armée irakienne, considérez-les comme les vôtres”, disait un message transmis à Téhéran par le lieutenant-général Hatem Al-Maksusi.
CNN a initialement indiqué qu’il n’y avait eu de pertes que parmi le personnel irakien, mais la chaîne n’a pas persisté dans cette version.
Ce n’est qu’un peu plus d’une semaine plus tard que le Pentagone a reconnu que 11 soldats américains avaient été blessés, et qu’ils avaient été transportés par avion dans des installations médicales en Allemagne et au Koweït pour qu’y soient dépistés de “possibles lésions cérébrales” prétendument liées à des commotions cérébrales. Il a été suggéré que le Pentagone avait retenu ces informations à des fins politiques, bien que cela ait été nié et que le commandement militaire américain ait prétendu avoir appris ces chiffres qu’une semaine après l’attaque.
Au moment de la rédaction du présent article, de nouveaux rapports faisaient état de soldats américains supplémentaires qui auraient été transférés en Allemagne. Mercredi, certains observateurs critiquaient Trump pour avoir minimisé la gravité des lésions cérébrales, déclarant à des journalistes à Davos : “J’ai entendu dire qu’ils avaient des maux de tête et quelques autres trucs, mais je peux dire que ce n’est pas très grave.”
Cependant, ce qui n’a pas été rendu public, c’est le rapport du journal koweïtien d’Al-Qabas de dimanche selon lequel 16 soldats américains ont été transportés par avion vers un hôpital dans une base aérienne koweïtienne; certains auraient été mortellement blessés et souffriraient de “brûlures graves” et d’autres étaient blessés par des éclats d’obus. Le rapport a ajouté que les soldats blessés ont subi une intervention chirurgicale et sont maintenus dans une unité de soins intensifs.
La base aérienne d’Ayn Al-Assad a été sélectionnée [par les Iraniens] non seulement du fait qu’elle abrite le plus grand nombre de soldats américains dans le pays et a même été visitée par Trump après Noël 2018 lors de sa première visite aux troupes de combat (un retard dans une tradition présidentielle qui a suscité des critiques outre-atlantique), mais aussi parce que c’est là que les drones Reaper sont basés, identiques à ceux qui ont servi pour assassiner le général Soleimani près de l’aéroport de Bagdad.
Ce qui est à relever, et malgré l’avertissement lancé via les autorités irakiennes, aucun des 15 missiles balistiques iraniens n’a été abattu par les systèmes de défense américains, précisément parce qu’il n’y avait pas d’ “options d’interception“, rendant la base vulnérable aux tirs de missiles.
Même si les systèmes de défense Patriot avaient été présents, ils n’auraient pas protégé la base car ils se sont avérés n’avoir servi à rien contre les attaques de Saudi Aramco l’année dernière, “la pâle copie d’un système de défense antimissiles” selon Foreign Policy. Les bunkers datant de l’époque de Saddam Hussein où le personnel militaire s’était réfugié, auraient offert peu de protection contre les missiles, a rapporté CNN. Mais là encore, les Iraniens n’avaient pas l’intention de viser les soldats.
Un jour après la réplique de l’Iran, un commandant en chef du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), le général de brigade Ali Hajizadeh, a précisé lors d’une conférence de presse que l’Iran n’avait pas directement cherché à tuer des soldats américains, mais avait ajouté que “des dizaines de des soldats ont probablement été tués et blessés et ont été transférés en Israël et en Jordanie lors de 9 sorties de vols C-130.”
Hajizadeh a ajouté que, si l’Iran avait eu l’intention de tuer des soldats américains, il aurait pu planifier ses opérations pour un nombre élevé de victimes, tuant alors 500 soldats américains dans une première frappe et 4000 à 5000 autres dans les deuxième et troisième frappes. Il a également affirmé que quelque 104 cibles appartenant aux États-Unis et à leurs alliés ont été identifiées dans la région, au cas où les États-Unis “refassent une erreur”.
Il convient de noter que les frappes initiales ne doivent pas être interprétées comme la réponse complète, et que l’Iran cherchera plutôt à gérer un conflit de longue haleine en appliquant une “dure vengeance”, l’objectif stratégique étant de chasser les États-Unis de la région.
Un article de la semaine dernière sur Citizen Truth va jusqu’à affirmer que 143 militaires ont été tués, réitérant que toutes les victimes ont été embarquées à bord de neuf vols distincts, obtenant apparemment la confirmation des autorités de Téhéran que “de nouvelles preuves seront bientôt rendues publiques”.
Il se pourrait bien qu’en minimisant ou en masquant des faits, cela serve à désamorcer la situation, car les faucons dans l’administration de Trump et certains secteurs du public américain considéreraient l’inaction du président face au nombre des tués et des blessés comme un signe de faiblesse, ce qui serait préjudiciable à la réélection de Trump.
Certains ont émis l’hypothèse que le gouvernement américain opterait plutôt pour une approche plus sûre dans la divulgation du nombre des tués et blessés, en procédant au compte-goutte sur une longue période.
Comme pour la guerre de l’information et la propagande, la vérité se situe probablement quelque part entre les récits iraniens et américains. Faisant allusion à de nouvelles informations à venir, le Commandement central américain a déclaré dans un communiqué mardi “qu’il est possible que d’autres blessures soient identifiées à l’avenir”.
Cela servira de revers tactique à Washington, mais il est clair que davantage d’attaques se produiront, non seulement dans le cadre des représailles iraniennes, mais surtout de la part des organisation de la résistance irakienne, maintenant que les États-Unis sont définitivement considérés comme une force d’occupation en Irak.
Comme l’a souligné le Téhéran Times, [ces attaques] représentent un énorme revers qui non seulement sape la réputation des États-Unis dans la région, mais sert d’alarme pour l’avenir politique de Trump en lui rappelant plus que jamais le sort de l’ancien président Jimmy Carter.
* Omar Ahmed est titulaire d’une maîtrise en sécurité internationale et gouvernance mondiale de Birkbeck, Université de Londres. Il a voyagé à travers le Moyen-Orient, et a étudié l’arabe en Égypte dans le cadre de son diplôme de premier cycle. Ses intérêts incluent la politique, l’histoire et la religion de la région MENA.
24 janvier 2020 – Midele East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine