Par Rasha Abu Jalal
Depuis la fin de la guerre israélienne sur Gaza le 26 août 2014, le Hamas a multiplié ses efforts pour un accord permettant de libérer les prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes.
Grâce à cet accord, le Hamas espère donner l’image d’un parti incontournable dans la résolution du conflit israélo-palestinien. Mais il espère également restaurer sa popularité en constante baisse auprès des Palestiniens, suite à la dégradation des conditions sociales vécues par ces derniers mais aussi et plus généralement à cause des conditions vie.
Azzedine Al Qassam, l’aile militaire du Hamas, a pris en photo 4 prisonniers israéliens qu’il détient, avec les soldats suivants : Aaron Shaul et Hadar Goldin qui ont été capturés durant la guerre israélienne sur Gaza en août 2014, un troisième citoyen israélien Ibrahim Menghisto, d’origine éthiopienne – Israël a annoncé sa disparition officiellement en juin, mais le Hamas n’a émis aucun commentaire à ce propos – et un quatrième soldat, qui se nomme Hashim Al Said, d’origine arabe et résident dans le Negev au sud d’Israël.
Le 20 avril 2015, Israël a annoncé officiellement que ce dernier avait quitté son domicile et n’y est pas retourné. C’est la première fois que le Hamas annonce de manière officielle la capture de ces soldats, tout en refusant fermement de révéler comment ils ont été capturés.
Israël affirme que les soldats Aaaron Shaul et Hadar Goldin ont été tué lors de la guerre d’Israël sur Gaza en 2014. Le 21 avril 2015, le ministre de la défense israélien Moshe Ya’Alon avait annoncé à la radio nationale : « Israël poursuit ses efforts pour retrouver les restes de Goldin et Shaul, qui ont été tués durant l’opération bouclier de défense, et dont les corps sont toujours détenus par le Hamas dans la bande de Gaza ».
Le Hamas a été prudent sur le fait de ne pas donner d’informations gratuites sur les Israéliens capturés. Abu Obeida, le porte-parole des Brigades al-Qassam, est apparu sur toutes les photos prises avec les Israéliens capturés, sur al-Aqsa TV, une chaîne satellite du Hamas. Il a déclaré que le premier ministre Benjamin Netanyahu « ment à son peuple et déçoit les familles des prisonniers. Tant qu’il n’y aura pas de négociation à propos des détenus israéliens, ils resteront détenus. L’ennemi ne recevra aucune information concernant ces Israéliens jusqu’à ce qu’ils payent un prix clair avant et après les négociations ».
Abu Obeida a repris les déclarations de Netanyahu qui disait le 27 mars lors d’une conférence de presse : « Des efforts intenses sont déployés. Je mets en place des conférences sur ce sujet tous les deux ou trois jours. J’ai été informé il y a deux jours d’une importante évolution ».
Le Hamas aspire à conclure un accord majeur du type de celui pour Gilad Shalit, un prisonnier échangé en octobre 2011 suite à un accord qui a permis de libérer 1027 prisonniers palestiniens, mais il refuse toute participation à des négociations avec Israël avant la libération des prisonniers qui ont été ré-arrêtés après avoir été libérés lors de l’accord de Shalit.
Israël a ré-arrêté 70 prisonniers qui avaient été libérés suite à cet accord en juin 2014, au moment du kidnapping par des Palestiniens de trois colons israéliens à Hébron, au sud de la Cisjordanie.
Attallah Abu Al-Salah, ministre des prisonniers pour le Hamas, a confirmé que son mouvement a pour objectif d’utiliser ces prisonniers pour vider les prisons israéliennes de tous les Palestiniens qui y sont détenus.
Il a déclaré au journal Al-Monitor : « La capture de soldats israéliens et leur échange contre des prisonniers palestiniens est une tactique adoptée par les organisations palestiniennes. Israël a une longue liste d’accords d’échange conclues depuis une dizaine d’années avec les factions résistantes telles que le Fatah, le Front Populaire et le Hezbollah au Liban ».
Il a souligné que le Hamas ne divulguera aucune information à propos de ces soldats si rien n’est donné en retour, ce qui avait été le cas en 2009 pour l’accord à propos de Shalit, quand le Hamas a livré à Israël une vidéo attestant que Shalit était en vie, en échange de la libération de 20 femmes palestiniennes détenues.
L’analyste politique Eyad Al-Qara a déclaré au journal Al-Monitor que la libération de prisonniers est une priorité pour le Hamas. Il explique : « Depuis l’occupation des territoires palestiniens en 1967, Israël a détenu tous ceux qui ont adopté une activité de résistance, de manière politique ou militaire. Ainsi, le Hamas pense qu’il y a un devoir national et moral qui requiert la libération de tous ceux qui ont résisté à l’occupation Israélienne. »
Il a également ajouté : « Le Hamas veut prouver qu’il est engagé vis-à-vis du peuple palestinien. Plus précisément concernant la libération des prisonniers, en particulier ceux qui ont une sentence longue et ceux qui ont passé plus de 20 ans dans les prisons israéliennes ».
Selon un rapport établi en décembre par le Club des Prisonniers Palestiniens, il y a environ 7000 palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. Dans un communiqué diffusé le 6 avril, le comité de l’OLP pour les questions des prisonniers a fait savoir que parmi les détenus palestiniens se trouvaient 38 personnes qui sont enfermées depuis plus de 20 ans et 504 autres qui ont une condamnation à vie.
Selon Qara, ce que disent les brigades Al-Qassam à propos des 4 israéliens en leur possession est destiné « à mettre le gouvernement israélien dans la confusion, à le pousser à ouvrir ce dossier, et à pousser le public israélien à exercer une pression sur son gouvernement afin d’aboutir à un nouvel accord d’échange ».
Parlant à Al-Monitor, l’analyste politique Talal Okal explique qu’en plus de la libération des prisonniers, le Hamas tente d’atteindre d’autres objectifs par le biais d’un nouvel accord d’échange avec Israël. Il a déclaré : « Le Hamas veut intensifier la résistance contre Israël en rassurant les Palestiniens par rapport au fait que s’ils sont détenus pendant leurs actions de résistance, la détention ne sera pas longue. Le Hamas veut insister sur le fait que la résistance armée est la seule manière de libérer les prisonniers, et non les négociations de paix ».
Il a ajouté : « Les Israéliens lancent chaque jour des campagnes de détention dans les rangs palestiniens. Par conséquent, il y a un urgent besoin de continuer à détenir des soldats israéliens, ce dont conviennent toutes les factions palestiniennes, sans exception ».
Okal a ajouté : « Le Hamas essaie d’obtenir des gains politiques pour augmenter sa popularité. Popularité qui a fortement baissé depuis la détérioration des conditions de vie et l’accroissement d’un ressentiment par rapport à la dégradation générale de la situation économique et sociale à Gaza ».
Le dernier sondage d’opinion publié par l’institut Arab World for Research and Development et daté du 6 février, a révélé que la popularité du Hamas dans la bande de Gaza est en baisse en faveur du Fatah : 18% des Gazaouis voteraient pour le Hamas, tandis que 45.8% voteraient pour le Fatah lors des prochaines élections législatives, si elles étaient maintenues.
En terme de gains internationaux, Okal pense qu’à travers l’échange de prisonniers, le Hamas veut affirmer sa position et son importance en tant qu’acteur clef qui ne doit surtout pas être négligé dans les efforts pour la résolution du conflit israélo-palestinien.
Auteur : Rasha Abu Jalal
* Rasha Abou Jalal est auteure et journaliste à Gaza. Elle couvre les événements politiques et les questions humanitaires et elle a produit des reportages sur des questions sociales pour le journal local Istiklal pendant six ans. Rasha a également été membre du jury de l'événement annuel sur la liberté de la presse dans la bande de Gaza, Press House, en 2016. Son compte Twitter.
18 avril 2016 – Al-Monitor – Traduction : Kanachiwa