Le lobby israélien dans les médias français : le cas du journaliste Charles Enderlin

22 janvier 2024 - Des Palestiniens déplacés retrouvent leurs habitations complètement détruites et des scènes apocalyptiques de dévastation à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, après le retrait des forces coloniales israéliennes à la suite de l'accord de cessez-le-feu. Les attaques génocidaires d'Israël ont détruit ou endommagé environ 92 % des unités résidentielles. Selon la défense civile de Gaza, plus de 10 000 corps restent coincés sous les décombres des bâtiments détruits, et des dizaines de corps ont été récupérés au cours des deux premiers jours - Photo : Doaa Albaz / Activestills

Par Christophe Oberlin

Je voudrais faire ici le décryptage d’une intervention médiatique récente du journaliste le plus populaire en France sur la question Israël-Palestine : un journaliste qui a été pendant 30 ans le représentant à Jérusalem de la principale chaîne de télévision publique.

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Il s’agit d’une intervention de 35 minutes au cours de laquelle ce journaliste délivre, à propos de la réédition de l’un de ses nombreux ouvrages, une série de messages basés sur des récits incomplets, biaisés, voire mensongers.

Il ne s’agit pas de la propagande pro-israélienne classique, facile à desceller. Au contraire, une expression bien rodée, venant d’une personnalité « bien sous tous rapport », c’est-à-dire « modérée », voire « de gauche ». 

Journaliste : C’est peu de dire que vous avez eu et avez encore des adversaires. On vous traite d’antisioniste, de traitre, de Flavius Joseph de notre temps.

Dès l’introduction le journaliste place Enderlin dans la position de victime de l’extrême droite israélienne.

Journaliste : Êtes-vous sioniste ?

Enderlin : Fin 1973 j’étais en uniforme de l’autre côté du canal de Suez. En 1982 combattant israélien au Liban. J’ai un fils de 29 ans qui fait partie des unités spéciales : 2 périodes de 3 mois « dans le sud », «il repart dimanche », mon petit-fils de 20 ans est combattant « dans le sud » depuis 11 mois.

En évitant de répondre à la question, sioniste ou antisioniste, Enderlin évite la petite phrase qui pourrait faire le buzz. Par contre la suite ne laisse aucun doute sur son positionnement. Il parle du front nord, du front est, du front sud. C’est-à-dire qu’il suggère qu’Israël est attaqué de toute part, alors qu’Israël est occupant et annexionniste.

Alors que le génocide est en cours depuis 11 mois, il se vante qu’à la suite de lui-même ancien combattant, un fils et un petit-fils font partie des troupes au sol qui déciment la population palestinienne.

Il précise même que son fils fait partie des « forces spéciales » c’est-à-dire en réalité des troupes les plus meurtrières de l’armée israélienne. Sans répondre à la question du journaliste, Enderlin se place en héros, alors qu’il est un sioniste militant, militaire, dont la famille participe activement à un génocide en cours.

Enderlin : Je n’ai de leçon de sionisme à recevoir de personne et notamment de ceux qui ne payent pas leurs impôts en Israël.

Enderlin, de nationalité israélienne, se place en victime des juifs jusqu’au boutistes, qui ne vivent pas en Israël et poussent au crime. Il s’attribue ainsi un bon point qui renforce son image d’honorabilité. Il est à la fois victime et héros.

Journaliste : L’affaire al-Durrah vous a valu des attaques insensées. France 2 a attaqué vos ennemis et les a fait condamner.

On se souvient que le début de la deuxième intifada a été marqué par la mort à Gaza d’un adolescent réfugié dans les bras de son père, victime d’un tir de l’armée israélienne. La scène a été filmée par Talal Abu Rahmeh, le cameramen d’Enderlin, alors que ce dernier n’était pas sur place.

L’extrême droite sioniste a alors accusé Enderlin d’un faux reportage et a prétendu que l’enfant était toujours vivant.

L’affaire a été portée devant les tribunaux en France, et devant la Cour suprême israélienne où était réclamée le retrait de son accréditation. Enderlin, à juste titre, a gagné.

L’occasion en or de magnifier une supposée indépendance de la « justice » israélienne. Une certaine façon de masquer de nombreuses « décisions » de la Cour suprême comme celle de « légaliser » la déportation au Liban de 400 Palestiniens en 1992, des annexions de territoire ou l’utilisation de la torture.

Enderlin revient ensuite sur le sujet qui est la réédition de son livre Le grand aveuglement – Israël face à l’islam radical publié en 2009. La thèse générale est qu’Israël, aveuglé, est responsable (le seul ?) de la création et de la montée en puissance du Hamas. Ainsi, dans les années 80, le Sheikh Yassine aurait développé à Gaza des activités sociales « avec la Carte blanche des autorités israéliennes ».

Il s’agit-là de la description classique, raciste, de l’islam politique : l’activité sociale du mouvement n’aurait pour but que de masquer la préparation d’actions violentes, un stéréotype de l’Arabe fourbe et sanguinaire. Et le mouvement n’aurait prospéré que grâce à l‘appui, au financement, d’un Etat israélien « aveuglé ».

Enderlin : Yassine recevait de l’étranger des sommes énormes, fruit de collectes des Frères musulmans dans toute la région, dans tout le proche Orient. L’argent est arrivé en masse contre l’avis d’un de rares justes, Avner Cohen, officier qui comprenait ce qu’était l’islam radical.

Le ton est donné : frères musulmans = islam radical. Les Palestiniens sont des islamistes radicaux par choix ou nature. Effacées l’occupation, les annexions, l’apartheid.

Et Enderlin enfonce le clou : : Yassine = branche la plus radicale, celle de Sayed Qutb pendu par le président Nasser en 1966. Yassine est à Gaza et observe l’arrivée des Israéliens et il publie les œuvres de Qutb qui est le théologien de Al Qaida et Daesh, branche la plus radicale des frères Musulmans.

Rien n’est précisé du programme de Yassine, qu’il n’a jamais interrogé (ou alors il n’en fait pas état). Amalgame avec Daesh, un mouvement que Yassine, assassiné en 2004, n’a évidemment pas connu.

Enderlin insiste ensuite sur sa prétendue connaissance du terrain, de Gaza, où il a eu le loisir et l’audace de rencontrer des responsables du Hamas : « Je prenais le café avec le Dr Mahmoud Zahar, N°3 de ce qui est devenu le Hamas, j’ai été reçu chez Abdelaziz Rantisi. Bien reçu au début, moins bien par la suite « le fait que j’étais juif ne leur plaisait peut-être pas ».

Aucune information sur ce que lui ont dit Mahmoud Zahar ou Abdelaziz Rantisi. Et si Enderlin est moins bien accueilli avec le temps, ce n’est pas parce que les responsables du Hamas ont écouté ses reportages, c’est parce qu’ils ont appris qu’il était juif, et ils sont donc antisémites.

Enderlin : Je commençais à me demander : « Pourquoi on les aide » ?
Il ajoute : En 1988, le masque est tombé et la Mujamma (association fondée en 1973 par le Cheikh Yassine) est devenu le Hamas. Et les brigades El Qassam ont commencé à attaquer l’armée israélienne et des colonies à Gaza.

Ceci est faux. Les brigades el Qassam n’ont été fondées qu’en 1992. Et les actions armées, commencées dans les années 1982-1983, ont concerné initialement les Palestiniens accusés d’espionnage au profit d’Israël.

Enderlin : 1988 c’est aussi Arafat avec la déclaration d’indépendance à Alger. Arafat accepte pour la première fois la résolution 242, donc on va vers des négociations. Solution à deux Etats, on en parle, c’est possible. 1988, c’est la période charnière, les attentats etc. 

En réalité les attentats-suicides commis par le Hamas ne commenceront qu’après le massacre par Baruch Goldstein de 29 Palestiniens en prière dans la mosquée d’Hébron le 25 février 1994.

Enderlin : L’autre période charnière c’est 2005 lorsque Sharon décide d’évacuer les colonies de Gaza. Tout le monde applaudit, mais l’évacuation n’est pas coordonnée avec l’autorité palestinienne.

Ce n’était pas un gros sacrifice : il n’y avait que 8000 colons à Gaza, et ils coûtaient fort cher. Surtout Enderlin passe allégrement de 1988 à 2005. Il oublie de mentionner qu’Israël n’a pas respecté un seul jour les étapes prévues par le « processus d’Oslo » de 1993, et notamment le gel de la colonisation. Tandis que, pendant cette période, le Hamas était écrasé à la fois par Israël et par l’Autorité Palestinienne.

Enderlin : Ensuite Arafat décède.

Erreur de date : Arafat est mort le 11 novembre 2004, avant l’évacuation des colonies.

Enderlin enchaine sur un récit très curieux dont, comme souvent, les Palestiniens sont absents.

Les Américains et les Jordaniens avaient formé un bataillon de police palestinienne à Amman. L’intifada s’est calmée, on est en train de reconstruire les services de sécurité palestiniens en partie détruits par la seconde intifada, Ehud Olmert refuse : « On ne va pas reconstruire la police palestinienne ». Cela veut dire que la Hamas va reprendre le contrôle.

Puis viennent les premières élections libre municipales puis parlementaires, et la position d’Enderlin est claire :
Il n’y a aucune raison pour que le Hamas participe à des élections. Les élections, c’est Oslo, avancer vers la paix, vers un accord. Autoriser le Hamas, c’est faire entrer le loup dans la bergerie.

Et c’est la position qui sera martelée par Israël et ses soutiens occidentaux, jusqu’à nos jours. Enderlin ne se pose pas la question de la représentation des Palestiniens ni de l’autodétermination préconisée notamment par Fatou Bensouda la procureure de la Cour pénale internationale.

Enderlin : Le Hamas gagne, cela ne se passe pas très bien, le monde entier coupe les ponts.

Très étrange façon de raconter l’histoire. Le Hamas remporte en effet la majorité absolue des sièges au parlement palestinien, en toute légalité comme attesté par les observateurs internationaux présents sur le terrain. Cela se passe très bien au contraire. Surtout, le Premier ministre Hamas, Ismaël Haniyeh, constitue un gouvernement d’Union nationale incluant des membres des partis minoritaires. Gouvernement non reconnu par les pays occidentaux.
Aussitôt, comme en attestent le plan Dayton démasqué par Wikileaks, les Américains lancent un immédiatement ce qu’ils appellent le « Plan pour la présidence palestinienne 2007 », recrutent, forment et arment en Jordanie une milice palestinienne de plusieurs milliers d’hommes, destinée à prendre le pouvoir à Gaza au profit de l’Autorité palestinienne.

Enderlin : En 2007 le Hamas prend la grande décision de conquérir Gaza par la force.

Mensonge absolu : c’est exactement l’inverse : le Hamas, élu, met en échec le coup d’Etat fomenté par l’administration américaine.

Enderlin : A Gaza, la police palestinienne d’Abbas n’a jamais été renforcée. Les kalachnikovs qu’ils avaient depuis 15 ans ne fonctionnent plus.

Faux : Le général américain Dayton a formé et armé 2400 soldats palestiniens en Jordanie. Des blindés légers ont même été introduits par Israël dans la Bande de Gaza, je les ai vus personnellement.

Enderlin : Abbas demande 2 hélicoptères apache, et on aurait fait pencher la balance. Olmert refuse.  Gaza dirigée par le Hamas, c’est empêcher l’Etat palestinien. 2009 : Netanyahou arrive au pouvoir. Il poursuit la politique de Sharon avec une différence : Sharon a fait tuer les chefs du Hamas – Yassine, un missile et il s’est envolé rejoindre ses ancêtres. A six reprises Netanyahou a interdit la liquidation de chefs militaires du Hamas.

Ainsi Enderlin applaudit à l’assassinat de Yassine en 2004. Pourtant le mouvement de ce dernier gagne les élections deux ans plus tard, et n’a jamais été aussi puissant qu’en 2023.

Et là, je cite Ami Ayalon [*] :
« Je peux prouver que le Hamas n’est pas devenu plus modéré après l’assassinat du Cheikh Yassine. Lorsque nous nous occupons, non pas de celui qui s’apprête à nous tuer, mais de ceux qui prêchent la résistance, non seulement nous nous engageons dans une voie interdite par le droit international, nous bafouons la justice la plus élémentaire, nous mettons de côté toute considération morale, mais ─ je parle en tant que chef du Shin bet ─ c’est inefficace […] Par ailleurs, il y a un concept appelé « la banalité du mal ». Quand vous commencez à faire cela en masse, quand deux cent personnes ont trouvé la mort à cause de ce qu’on appelle une « élimination ciblée », ce procédé se transforme en travail à la chaîne, et vous vous demandez de moins en moins là où vous allez vous arrêter ».

Enderlin : En 2011 se produit un grand mouvement en Israël, qui a démarré avec l’augmentation du prix du fromage blanc !

Grand classique de la désinformation : citer un micro événement, en tirer des conclusions déterminantes ; mettre en parallèle des évènements qui n’ont aucun lien de causalité, mais qui humanisent les « familles israéliennes » : une population « qui adore le fromage blanc » ne peut rêver d’un génocide.

Enderlin : Netanyahou s’inquiète, on parle d’un printemps israélien comme on parle d’un printemps arabe.
Que faire, se dit Netanyahou ? Et quelqu’un dans l’entourage de Netanyahou dit : « Et si on libérait Gilat Shalit ? »

Incroyable façon de raconter l’histoire ! Pourtant Enderlin connait bien l’affaire : c’est lui qui a lancé, dès la capture du soldat, les éléments de langage qui seront repris jusqu’à la nausée pendant les cinq années que durera la négociation d’un échange de prisonniers.
Le journaliste David Pujadas présente le journal télévisé du 26 juin 2006 : « Le soldat a été enlevé hier par des groupes armés islamistes palestiniens. Paris est concerné car l’otage est aussi français. »

Enderlin, enchaîne, sur fond de reportage réalisé au domicile de la famille du soldat :
La longue attente se poursuit dans l’angoisse. À 19 ans Gilad Shalit effectuait son service militaire obligatoire dans les blindés. Il a la double nationalité par sa grand-mère qui a émigré de France en 1948. Le père Noam voudrait l’intervention du gouvernement français. L’ambassadeur de France Gérard Araud est donc venu apporter son soutien à la famille.

Donc, selon Enderlin, le soldat n’a pas été capturé mais enlevé. Il n’est pas prisonnier mais otage. Il effectuait son service militaire obligatoire, donc il n’est responsable de rien. Même s’il s’agit du canonnier d’un tank, en uniforme, capturé au poste de combat. L’attente dans l’angoisse est de rigueur. C’est un compatriote bien que ni lui ni ses parents n’aient résidé en France, pays dont ils ignorent la langue. La photo géante du soldat Shalit sera exposée sur le parvis de la mairie de Paris pendant des années, la famille sera reçue par le président Sarkozy.

Enderlin : L’idée est : on le libère. Ce qui veut dire plus de 200 Hamas anciens de la branche militaire seront libérés aussi. Olmert et le directeur du Shin bet sont contre. Parmi les libérés Yahia Sinwar, avec l’argument que « Sinwar n’a pas tué de juifs ! »

Vrai : Sinwar a été emprisonné entre 1988 et 2011. Il a été condamné pour l’exécution de 4 Palestiniens accusés d’espionnage au profit d’Israël. Ceci va à l’encontre de la théorie de Sinwar, qui aurait ordonné un « pogrom » le 7 octobre 2023.

Enderlin : En 2014, c’est l’opération bordure protectrice entre Gaza et le Hamas (sic). Netanyahou ne voulait pas de cette guerre. A 9 reprises il a fait des propositions de cesser le feu. A 9 reprises Mohamed Deif, Sinwar était le numéro 2, a refusé.

Donc Netanyahou était un pacifiste, et les Palestiniens responsables de l’offensive israélienne ? La réalité était qu’un gouvernement palestinien d’Union nationale était en voie d’être constitué et Netanyahou n’en voulait pas.

Ce segment de l’Interview d’Enderlin est illustré d’une « photo » de Mohamed Deif. Il s’agit en fait à 100% d’une image de synthèse montrant un personnage grassouillet manipulant une liasse de dollars ! Ceci rappelle la vidéo du même Enderlin (INA 2003, Talal Abu Rahmeh,) montrant soi-disant « la 1ère interview du chef militaire Mohamed Deif ». Or la vidéo montre un combattant masqué défilant dans la rue qui n’est pas Mohamed Deif. La voix que l’on entend n’est pas celle de Mohamed Deif. Une sorte de remake du célèbre faux interview de Fidel Castro par Patrick Poivre d’Arvor le 16 décembre 1991.

Enderlin : Toute opération militaire fait d’importants dégâts et des dommages collatéraux, des enfants tués, etc. Des images terribles qui, à l’étranger, produisent de jour en jour la montée du soutien aux Palestiniens et la condamnation d’Israël.

Ainsi le problème, pour Enderlin, ce ne sont pas les bombardements, ce sont les images des victimes. Ce qui est grave, ce ne sont même pas tant les images, mais ce qu’elles provoquent à l’étranger.

Et Enderlin précise sa pensée : « Gaza, ça j’y étais, j’ai vu les combats, un obus qui explose dans Gaza, c’est des dommages collatéraux, la densité de population l’une des plus élevées au monde.

Cette phrase est prononcée par Enderlin en octobre 2024, c’est-à-dire après un an de bombardements et la décision de la Cour internationale de Justice en application de la Convention sur le génocide. Les 50 000 morts sont des dommages collatéraux. Liés au fait que les Palestiniens sont trop nombreux.

Enderlin : Je suis persuadé que dans l’opération du 7 octobre 2023, Sinwar et son équipe ont non seulement préparé minutieusement l’attaque qui n’était pas seulement la conquête des bases militaires autour de Gaza. Les ordres étaient « vous massacrez les civils ». Je suis persuadé que Sinwar entendait pousser Israël à surréagir. Produire une colère terrible de la part des Israéliens.

Enderlin oublie l’autorisation par Israël de la tenue d’une rave-party en bordure de Gaza, la consigne Hannibal appliquée le 7 octobre, de sorte que seule une enquête internationale indépendante pourra préciser qui, des forces palestiniennes ou israéliennes, est directement responsable de chaque décès.
Enderlin ne dit pas un mot du siège, de l’occupation, des milliers de prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes, des annexions, de la « normalisation ».

Enderlin : Ils ont tué des femmes, des enfants, des bébés, des histoires de viols, c’est épouvantable.

Mensonge : aucun bébé (moins de 3 ans), selon les Israéliens eux-mêmes, n’est mort le 7 octobre. Concernant d’éventuelles agressions sexuelles, aucun prélèvement n’a été présenté (réalisés ?) aux enquêteurs de l’ONU. Les scènes de crime ont été immédiatement modifiées. Enfin, pour un tribunal, la notion d’ordre donné aux combattants palestiniens de commettre des crimes sexuels n’a pratiquement aucune chance d’être retenue.

Enderlin : En parallèle on ne me retirera pas de l’idée que Sinwar et ses associés en Iran, au Liban ou ailleurs, ont préparé l’opération sur les réseaux sociaux de soutien au Hamas. Et on commençait à avoir un mot incroyable : génocide. Tout à coup accuser les juifs de génocide, du point de vue de la communication du Hamas, c’est quand même un coup qui a réussi.

Ici, tout est dit : la faute à l’Iran, aux réseaux sociaux.

Quant au mot génocide, c’est un coup de communication du Hamas, qui précédait l’offensive du 7 octobre. Lors de la diffusion extensive de messages sur les réseaux sociaux, le Hamas avait prévu un génocide des Palestiniens par les Israéliens, et entendait en tirer parti sur le plan de la communication. Alors qu’Enderlin s’exprime le 9 octobre 2024 et que l’arrêt de la Cour internationale de justice remonte au 26 janvier 2024.

A la question du journaliste : « Pourquoi Israël a soutenu le Hamas ? », Enderlin répond : C’est la stratégie « pas d’Etat palestinien ».

Le message est ici particulièrement vicieux. Israël aurait favorisé le Hamas pour empêcher la création d’un Etat palestinien. Alors que moi, Charles Enderlin, je suis un « bon », et j’ai le courage de souhaiter la création d’un Etat palestinien. Et pour cela, il faut bien entendu en passer par des négociations dont les accords d’Oslo ont constitué la première étape.

Enderlin oublie que le Hamas lui-même, réclame depuis des décennies la création d’un Etat palestinien, l’application du droit international, mandate des avocats pour plaider sa cause à la Cour pénale internationale. Il oublie aussi qu’Israël n’a pas appliqué un seul jour les dispositions des « accords d’Oslo » et que renvoyer à Oslo c’est au contraire différer la création éventuelle d’un Etat palestinien.

Enderlin critique ensuite la loi Etat-Nation promulguée en 2018 : Israël s’est transformé ce jour-là. Ce n’est plus le même Israël.

Non, entre Oslo qui prescrivait le gel de la colonisation de la Cisjordanie, et 2018, le nombre de colons y est passé de 200 000 à 700 000. Non, Israël ne s’est pas transformé « ce jour-là ». Il ne suffirait pas de revenir au jour d’avant l’élection du gouvernement « le plus à droite de l’histoire ».

Ensuite Enderlin critique, à juste titre, la charte du Hamas en 2008. Cette-ci est en effet catastrophique, mais Enderlin oublie de dire qu’elle a été réécrite en 2017 et que c’est ce dernier document qui constitue le programme politique du Hamas pour aujourd’hui et pour demain.

Puis Enderlin nous met en garde : Si « l’Autorité palestinienne s’effondre, on va peut-être vers une nouvelle intifada » ! C’est un autre front qu’Israël va être obligé d’ouvrir.

Parce qu’en ce moment, ce n’est pas une intifada ? Après une année de bombardements et 50 000 morts à Gaza, avec les affrontements en Cisjordanie, il faudrait miser sur une « Autorité palestinienne » non élue, abhorrée des Palestiniens, pour « éviter à Israël d’ouvrir un autre front » ?

Enderlin : Les otages constituent une tache indélébile sur la morale et l’éthique israélienne.

Ainsi, la tache indélébile sur la morale israélienne est donc de ne pas avoir libéré les otages, pas d’avoir perpétré un génocide.

Conclusion :

De nationalité israélienne, principal journaliste de la chaine publique française couvrant le conflit pendant 30 ans, Charles Enderlin a communiqué selon la doctrine israélienne de la Hasbara : quelque-soit l’événement, le présenter selon l’aspect le moins défavorable à Israël. D’autant plus efficace qu’il a profité d’une image de « progressiste », « laïc », favorable à la création d’un Etat palestinien,

Enderlin soutient les assassinats politiques, marque un attachement indéfectible au Sharon des « éliminations ciblées ».
Chargé encore en décembre 2024 de la réalisation d’un documentaire en 3 épisodes de 50 minutes pour le service public, son influence continue de s’exercer sur le paysage audiovisuel français.

Note :

[*] Directeur du service du renseignement intérieur israélien entre 1996 et 2000, The Gatekeepers, film documentaire de Dror Morey, 2012, minutes 80 et suivantes.

19 janvier 2025 – Transmis par l’auteur

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