
31 mars 2025 - Les familles et les collègues de huit travailleurs du Croissant-Rouge palestinien assassinés par les forces coloniales israéliennes pleurent la mort de leurs proches, dont les corps ont enfin été retrouvés et transportés à l'hôpital Nasser de Khan Yunis. Les travailleurs ont été tués le 23 mars alors qu'ils intervenaient suite au bombardement israélien du quartier d'Al-Hashasheen à Rafah. L'équipe était composée de neuf ambulanciers et de six agents de la défense civile - Photo : Doaa AlBaz / Activestills
Par Jonathan Cook
Le massacre par Israël de 15 secouristes il y a un mois, a été clairement établi. Alors pourquoi le Guardian et d’autres médias continuent-ils de brouiller les pistes ?
Voici un nouvel exemple de journalisme d’une crapulerie stupéfiante de la part du Guardian, qui illustre parfaitement ce qui se passe dans l’ensemble des médias de l’establishment britannique dans sa couverture des crimes de guerre israéliens à Gaza au cours des 18 derniers mois.
Un mois s’est écoulé depuis qu’Israël a assassiné 15 secouristes et jeté leurs corps dans une fosse commune. Depuis, des images vidéo de cette atrocité ont fait surface, montrant des soldats israéliens tirant sur un convoi de véhicules d’urgence clairement identifiés et dont les feux de détresse étaient allumés.
Les autopsies des victimes ont montré qu’elles avaient été tuées à bout portant dans la tête et le torse. Des témoins directs ont également dénoncé les meurtres.
Tout cela, bien sûr, s’ajoute à des preuves circonstancielles irréfutables. Israël a cherché à détruire les preuves de son crime de guerre en aplatissant les véhicules de secours et en les enterrant, ainsi que les corps des 15 membres de l’équipage, probablement dans l’espoir qu’ils se décomposent et qu’il soit difficile de déterminer exactement ce qui s’est passé.
La dernière preuve en date, rapportée par le journal israélien Haaretz cette semaine, montre que les soldats israéliens ont tiré sans discontinuer pendant trois minutes et demie sur le convoi, bien que les véhicules d’urgence soient clairement identifiés.
Selon les détails d’une enquête interne de l’armée israélienne divulgués au journal, les soldats ont tiré à bout portant et même pendant que les secouristes essayaient de s’identifier. (Il n’est pas surprenant que les autres parties de l’enquête, celles qui ont été rendues publiques, aient été édulcorées et n’aient fait état que de « défaillances professionnelles » et de « malentendus opérationnels »).
Quoiqu’il en soit, ces nouvelles preuves confirment que les soldats israéliens ont intentionnellement abattus la plupart des occupants des véhicules de secours, en les bombardant aveuglément de balles. Ceux qui ont survécu, selon les autopsies, ont été exécutés d’une balle dans la tête ou le torse. Les preuves ont ensuite été enterrées à la hâte.
Rien de tout cela n’est surprenant. Nous savons depuis un certain temps, et les médias israéliens l’ont répété à maintes reprises, que l’armée israélienne a créé des « zones de mort » non déclarées, où tout ce qui bouge est abattu – même les enfants, les travailleurs humanitaires et les équipes d’urgence.
Comme on a pu le constater pendant la majeure partie des 18 derniers mois, Israël met en œuvre une politique visant à détruire le secteur de la santé à Gaza, y compris les hôpitaux et les ambulances, et à tuer ou à enlever le personnel médical, en plus de détruire le reste de l’infrastructure de l’enclave. L’objectif est de forcer la population palestinienne à quitter Gaza et à se réfugier dans le territoire égyptien voisin du Sinaï.
Israël procède à un génocide pour faciliter son plan de nettoyage ethnique.
Le meurtre des 15 ambulanciers s’inscrit parfaitement dans ce plan.
La vidéo a déjà prouvé que l’affirmation initiale d’Israël selon laquelle les ambulances et les camions de pompiers « avançaient de manière suspecte » – quelle que soit la signification de cette expression – était totalement fausse.
L’autre affirmation invraisemblable d’Israël, selon laquelle plusieurs membres du personnel d’urgence étaient en réalité des combattants du Hamas déguisés, a également été complètement démentie. Les biographies des personnes assassinées par Israël montrent qu’elles étaient depuis longtemps des secouristes. Israël s’appuie sur cette excuse à chaque fois qu’il est pris en flagrant délit de mensonge sur son dernier épisode de barbarie.
Alors comment le Guardian peut-il encore titrer : « De nouveaux détails sur le meurtre des secouristes semblent contredire les rapports de l’IDF. »
Ou rédiger un premier paragraphe comme celui-ci :
« De nouveaux éléments sont apparus dans l’affaire du meurtre de 15 médecins et secouristes palestiniens par les troupes israéliennes dans la bande de Gaza le mois dernier, des preuves contredisant l’affirmation des Forces de défense israéliennes selon laquelle les soldats n’auraient pas tiré indistinctement et sans mesure sur les travailleurs médicaux. »
Les « preuves » citées par le Guardian font référence au rapport de Haaretz selon lequel les soldats israéliens ont tiré pendant trois minutes et demie sur le convoi.
La formulation du Guardian laisse croire deux choses, aussi fausses l’une que l’autre. Premièrement, que le récit des meurtres par l’armée israélienne est encore suffisamment crédible pour être contredit. Et deuxièmement, que les derniers éléments de Haaretz ne font que « sembler contredire » un récit qui a déjà été contredit à de si nombreuses reprises qu’il ne peut être considéré comme vrai à quelque niveau que ce soit.
La formulation du Guardian sert totalement les intérêts d’Israël. L’armée israélienne a présenté son enquête interne comme si son objectif était de déterminer si les soldats avaient tiré « indistinctement » ou non – afin de pouvoir ensuite prétendre qu’ils n’avaient pas fait preuve de violence aveugle.
Cela signifie vraisemblablement que l’armée israélienne veut nous faire croire que ses soldats ont tiré sur les véhicules de secours avec précision et discernement – dans ce cas, pour tuer ces « combattants du Hamas » inventés rétroactivement par l’armée israélienne pour justifier sa barbarie.
Le Guardian s’inscrit dans cette logique en suggérant que la partie non publiée de l’enquête a révélé que les trois minutes et demie de tirs réels sur les véhicules étaient en fait plus « indiscriminés » qu’intentionnels.
La réalité est bien pire : il s’agissait des deux. Les soldats israéliens ont tiré sans distinction sur tous les véhicules avec l’intention de tuer tous les secouristes qui s’y trouvaient. La question de la « discrimination » n’est qu’un leurre.
Les Israéliens massacrent délibérement les équipes de secouristes à Gaza
Avant la nouvelle révélation de Haaretz, il était déjà clair que le récit de l’armée israélienne était un tissu de mensonges. Alors pourquoi le Guardian ne fait-il pas son travail ? Pourquoi prétend-il encore, un mois plus tard, que la version de l’armée israélienne n’a pas encore été complètement discréditée ?
Le Guardian aurait au moins pu titrer, sans se mettre en danger le moins du monde : « De nouveaux détails sur le meurtre des secouristes discréditent un peu plus la narrative de l’armée israélienne. »
Et le texte aurait dû être le suivant :
« De nouveaux développements sont apparus dans l’assassinat de 15 médecins et secouristes palestiniens par les soldats israéliens dans la bande de Gaza le mois dernier. Une enquête interne des forces de défense israéliennes aurait révélé que les soldats ont tiré une salve prolongée de balles à bout portant sur un convoi de véhicules d’urgence clairement identifié. »
N’importe quel journaliste débutant sait que les articles du Guardian n’ont rien à voir avec la réalité. Le journal continue d’accorder à Israël le bénéfice du doute, même après que les faits qui condamnent Israël ont été prouvés.
Il ne cesse de falsifier le récit des évènements. Il continue à suggérer que la culpabilité d’Israël n’est pas déjà un fait incontestablement établi.
Si cela n’est pas clair pour vous, imaginez comment cette affaire aurait été traitée si les ambulanciers exécutés étaient ukrainiens et les soldats responsables russes. Les articles seraient entièrement différents, vous pouvez me croire.
Pourquoi les journalistes chevronnés du Guardian se fourvoient-ils de la sorte ? Ce n’est pas parce qu’ils sont incompétents. Ils manipulent les faits parce que c’est ce que l’on attend d’eux : ils travaillent pour un média privé, qui fait partie d’un système d’information privé aux mains de la haute finance privée, elle-même protégée par les structures politiques.
En d’autres termes, ces journalistes – qu’ils en soient ou non conscients – travaillent pour l’establishment britannique, en promouvant les objectifs de la politique étrangère britannique qui sont subordonnés aux besoins impériaux de Washington et de son hégémonie sur le monde.
Le rôle de la publicité est clair. Elle est là pour nous donner envie de consommer, pour nous encourager à penser que nous avons besoin d’avoir toujours plus pour être un être humain à part entière ; elle est là pour cultiver en nous le désir matériel d’un « meilleur » niveau de vie. Les publicitaires ne se considèrent pas comme des monstres. Néanmoins, l’objectif de la profession est de créer une demande infinie qui épuise les ressources d’une planète finie. En fin de compte, il s’agit de provoquer le suicide de notre espèce.
Le rôle des médias privés n’est pas différent. Ils sont là pour créer l’illusion que nous pensons par nous-mêmes. Ils sont là pour nous faire croire que nous sommes parvenus à une compréhension, une vision personnelle du monde, alors que cette vision a été soigneusement élaborée pour nous depuis notre naissance. Il s’agit d’une vision du monde qui correspond très exactement aux intérêts corporatistes d’une minuscule élite de privilégiés dont la richesse dépend du pillage incessant de la planète.
Les journalistes ne se considèrent pas non plus comme des monstres. Néanmoins, ils font partie d’une machine médiatique dont l’objectif est de nous inciter à la passivité alors que nos dirigeants soutiennent activement un génocide, que nos entreprises, nos armées et nos services de renseignement poursuivent des guerres sans fin pour le contrôle des ressources et que les signes d’une possible confrontation nucléaire semblent se multiplier.
Aucun de nous ne se considère comme un monstre. Pourtant, nous n’arrêtons pas de faire des choses monstrueuses.
25 avril 2025 – Substack.com – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet
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