Le mouvement Hezbollah en toute clarté

Hassan Nasrallah, secrétaire général du mouvement Hezbollah, et assassiné à Beyrouth dans un bombardement israélien le 27 septembre 2024 - Photo : Ahmad Al-Rubaye

Par Qassam Muaddi

Malgré les tentatives incessantes d’Israël pour calomnier et faire disparaître le Hezbollah, l’organisation a perduré. Un regard sur l’histoire et les objectifs du groupe explique son pouvoir qui transcende le temps et prouve que ce qui est dit dans les médias occidentaux, n’est qu’un tissu de mensonges.

Le Hezbollah, qui signifie en arabe « le parti de Dieu », également appelé « la résistance islamique du Liban », fait de plus en plus souvent la une des journaux ces derniers mois, alors qu’Israël poursuit sa guerre contre le Liban.

En début de semaine, le nouveau ministre israélien de la guerre, Yizrael Katz, a annoncé la « défaite » du Hezbollah, mais le groupe a réagi en lançant des barrages de roquettes sans précédent et en multipliant les attaques de drones sur Haïfa et Tel-Aviv, démontrant ainsi sa capacité au combat.

Au début du mois d’octobre, Israël a lancé son offensive sur le Liban par des attentats à l’explosif qui ont tué des dizaines de Libanais, pour la plupart des civils.

Ces attaques ont été suivies d’une série d’assassinats des principaux chefs militaires du Hezbollah, qui ont culminé avec l’assassinat du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, puis du candidat le plus sérieux à sa succession, le chef du conseil exécutif du Hezbollah, Hashem Safiyyudin.

Israël a alors entamé une campagne de bombardements massifs sur le sud du Liban, qui s’est étendue à la vallée de la Beqaa et au Mont-Liban, visant prétendument les arsenaux de roquettes du Hezbollah.

Les médias militaires du Hezbollah ont publié une vidéo montrant une attaque à la roquette contre la base de Tirat Carmel, qui a eu lieu le vendredi 15 novembre ; des missiles Nasr-1 ont été utilisés, selon la vidéo.

Mais le Hezbollah ne s’est pas effondré. Au contraire, il a intensifié son action militaire au quotidien, introduisant des roquettes plus lourdes et de plus grande portée, et opposant une résistance farouche aux tentatives d’incursion israéliennes dans le sud du pays.

Comme pendant la guerre syrienne qui a duré dix ans et dans laquelle le Hezbollah a joué un rôle majeur, et comme en 2006, lorsque le Hezbollah a repoussé une nouvelle offensive israélienne au Liban, le groupe est devenu l’objet de spéculations, de curiosité et de récits contradictoires à son sujet.

Alors, qu’est-ce que le Hezbollah ? Que veut-il ? Comment fonctionne-t-il ? Et quelle est la part de vérité dans ce qui est dit à son sujet en Occident et dans les médias ?

Libanais, chiite ou pro-palestinien ?

D’une certaine manière, le Hezbollah est le produit du croisement des conflits politiques, sectaires, de classe et régionaux au Liban dans les années 1980. Le groupe est né en réponse à l’invasion et à l’occupation du Liban par Israël en 1982, mais ses racines remontent au mouvement chiite qui a commencé comme un mouvement de protestation sociale.

La plupart des fondateurs du Hezbollah ont fait leurs premiers pas en tant que militants dans les rangs du « Mouvement des déshérités », lancé par le religieux et leader social irano-libanais Mousa Sadr au milieu des années 1970, alors que les chiites faisaient partie des communautés les plus marginalisées et les plus pauvres du Liban.

Alors qu’Israël attaquait le Liban à plusieurs reprises pour contrer les résistants palestiniens basés dans le sud du pays, Mousa Sadr a été l’un des premiers à appeler à une résistance libanaise organisée et a fondé les « Légions de la résistance libanaise », dont l’acronyme en arabe se lit « Amal », qui signifie également « Espoir ».

Le groupe est rapidement devenu la milice chiite engagée dans la guerre civile, surtout après la disparition de Sadr en 1978.

Après l’invasion du Liban et l’occupation de Beyrouth par Israël en 1982, le parti communiste libanais a lancé le « Front de résistance nationale libanais », rejoint par d’autres partis de gauche et nationalistes, et qui est devenu la principale force de résistance à Israël.

C’est Israël qui a déclenché la guerre avec le Liban, et non le Hezbollah

C’est alors que plusieurs militants islamiques d’Amal, d’autres groupes chiites, d’organisations caritatives, de mosquées et d’associations de quartier se sont réunis à l’école religieuse islamique Al-Muntazar, dans la ville de Baalbek, et ont décidé qu’ils avaient besoin d’une force islamique dédiée uniquement à la résistance à l’occupation israélienne.

Ils l’ont baptisée « Hezbollah », en référence au verset 56 de la sourate 5 du Coran, qui dit que « les partisans de [ou ceux qui sont fidèles à] Dieu seront victorieux ».

Le groupe fondateur avait deux choses en commun : la priorité de la résistance à Israël, en mettant de côté toutes les autres divergences politiques, et leur accord sur la référence religieuse.

La « référence religieuse » est une tradition chiite vieille de plusieurs siècles, selon laquelle chaque communauté choisit un érudit religieux qui remplit certaines conditions, et accepte son jugement religieux sur les questions majeures sur lesquelles la communauté ne parvient pas à se mettre d’accord.

Les membres fondateurs du Hezbollah qui se sont réunis à Baalbek ont convenu d’accepter, comme référence religieuse, le clerc et dirigeant iranien, l’ayatollah Khomeini.

« Aux ordres de l’Iran » ?

La relation entre le Hezbollah et l’Iran a toujours été un sujet controversé, le groupe ayant été accusé d’être le mandataire de l’Iran au Liban et dans la région. Cependant, la relation entre les racines du Hezbollah et l’Iran est plus ancienne que la création du régime iranien actuel et plus complexe qu’elle n’est souvent présentée.

En fait, ce sont des érudits religieux, des mystiques et des prédicateurs libanais du mont Amel, connu aujourd’hui comme le sud du Liban, qui ont introduit le chiisme en Iran au XVIIe siècle. Les liens entre les chiites des deux pays se sont ensuite approfondis, avec l’échange de chefs religieux, d’érudits et d’étudiants, et l’établissement de liens familiaux.

Mais en 1982, cette relation a pris une nouvelle dimension.

Alors que les forces israéliennes assiègent Beyrouth, la toute nouvelle République islamique d’Iran envoie des membres de sa garde révolutionnaire dans la Syrie voisine et propose au gouvernement syrien de l’aider à lutter contre l’invasion israélienne.

Cette force iranienne a ensuite changé de mission, lorsqu’il est devenu clair qu’Israël n’avait pas l’intention d’envahir la Syrie, et a commencé à proposer une formation à tous les Libanais qui souhaitaient résister à l’occupation.

L’organisation naissante, le Hezbollah, est devenue le principal recruteur de volontaires et le principal organisateur des combattants nouvellement formés, ce qui lui a permis d’accroître son corps militant en peu de temps. La relation entre le groupe libanais et la garde révolutionnaire iranienne s’est développée et s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui.

Cependant, le défunt dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a expliqué à plusieurs reprises dans des interviews accordées aux médias la distinction entre la relation du groupe avec l’État iranien et avec son chef suprême.

Selon M. Nasrallah, le Hezbollah considère l’Iran comme un pays « ami et allié », tandis qu’il considère le guide suprême, Khomeini et son successeur Khamenei, comme sa « référence religieuse », à laquelle il ne se réfère que pour les questions qui requièrent une décision religieuse.

Cette distinction reste floue pour beaucoup, car le guide suprême est aussi le chef de l’État en Iran, et parce qu’au niveau idéologique, il est aussi la « référence religieuse » de l’État iranien.

Toutefois, d’autres partis libanais entretiennent des relations plus déséquilibrées, plus dépendantes et plus explicites avec des pays étrangers.

Un exemple est la relation entre l’Arabie Saoudite et le parti « Futur » du Premier ministre assassiné Rafiq Hariri, qui est en concurrence pour représenter la communauté sunnite.

Un autre exemple est celui du parti d’extrême droite anti-palestinien des Phalanges libanaises, qui a monopolisé la représentation des chrétiens maronites pendant la guerre civile, et ses relations avec les États-Unis, la France et même Israël lors de l’invasion de 1982.

Un contexte complexe qui rend la relation du Hezbollah avec l’Iran loin d’être étrange dans la culture politique libanaise.

Le Hezbollah en politique

Au cours de ses quarante-deux années d’existence, le Hezbollah est devenu une force politique majeure au Liban. Il n’est resté qu’un mouvement de résistance jusqu’en 1995, date à laquelle il s’est présenté pour la première fois aux élections législatives.

À l’époque, la guerre civile libanaise venait de s’achever et la nouvelle génération de jeunes Libanais cherchait quelque chose de nouveau en quoi croire et autour duquel s’unir, ce que la bataille pour le sud occupé leur a apporté, augmentant ainsi la popularité du Hezbollah.

Le groupe a également commencé à mettre en place des programmes sociaux pour aider les familles de ses combattants tombés au combat, comme des établissements de soins de santé et des écoles, ce qui a également permis d’aider les Libanais les plus déshérités.

Cette popularité s’est encore accrue après le retrait d’Israël du Liban en 2000, qui a marqué la première libération inconditionnelle d’un territoire arabe occupé.

Le Hezbollah a continué à remporter des succès lors des élections, maintenant une présence croissante au parlement libanais et dans de nombreuses municipalités, en particulier dans les régions chiites comme le sud et la Beqaa, forgeant des alliances avec d’autres partis libanais.

Vidéo – La résistance libanaise dévoile une partie de ses capacités offensives

En 2008, le Hezbollah a conclu un accord d’alliance avec la nouvelle force chrétienne émergente, le « Mouvement patriotique libre », dirigé par l’ancien général de l’armée Michel Aoun, qui, ironiquement, s’était forgé une image héroïque dans les années 1980 en s’opposant à la présence militaire syrienne au Liban.

Cette alliance chiite-chrétienne inhabituelle a permis au Hezbollah d’exercer une influence sans précédent sur la politique libanaise lorsque M. Aoun est devenu président du Liban en 2016.

Dans la constitution libanaise, le président doit être un chrétien maronite, et le Hezbollah a soudain eu un allié puissant qui a accédé au palais présidentiel de Baabda, avec le soutien du Hezbollah. Ce fait, parmi d’autres, comme la capacité militaire du Hezbollah à déclencher ou à empêcher une guerre avec Israël, lui a valu d’être accusé de contrôler l’État libanais.

Cependant, le Hezbollah n’a jamais été le seul parti à exercer une telle influence sur la politique libanaise, et la position générale de l’État libanais est inébranlable sur plusieurs questions, contrairement à celle du Hezbollah.

Par exemple, le Liban n’a jamais accepté les propositions du Hezbollah de demander l’aide de l’Iran pour moderniser et renforcer l’armée libanaise, ou d’acheter du carburant à l’Iran pour résoudre la crise du carburant dans le pays en 2021.

Plus important encore, le Hezbollah n’a accédé qu’aux fonctions étatiques accessibles par les élections, au parlement ou dans les municipalités, mais il ne s’est jamais vu confier de poste administratif clé dans les agences gouvernementales ou dans le système judiciaire.

Selon le Hezbollah et ses alliés, cette situation est due aux pressions extérieures exercées sur le Liban, principalement par les pays occidentaux, qui considèrent le Hezbollah comme une organisation terroriste.

Plus qu’un groupe militant

Une désignation de « terrorisme » qui a placé le Hezbollah dans le collimateur des administrations américaines successives, qui ont systématiquement apporté un soutien inconditionnel à chaque guerre israélienne visant à détruire le Hezbollah, même si cela entraînait la destruction du reste du Liban.

Dans la dernière tentative en cours, Israël a fait de son mieux en ciblant le premier responsable de l’organisation pyramidale du Hezbollah, Nasrallah, et plusieurs dirigeants clés qui l’entourent.

Cependant, la capacité du parti libanais à encaisser les coups et à poursuivre le combat sans faiblir a démontré que, contrairement aux idées reçues sur les organisations arabes et moyen-orientales, le Hezbollah n’est pas une secte idéologique dirigée par un ou quelques hommes charismatiques.

En fait, Nasrallah lui-même a déclaré à plusieurs reprises que le Hezbollah n’avait pas de leader, mais un « système de leadership », géré par des institutions, avec un processus continu de formation de nouveaux leaders, prêts à prendre la relève dès qu’il y a une vacance.

Mais l’aspect le plus important du Hezbollah, et le plus négligé aussi, est qu’il est bien plus qu’un groupe militant avec une cause et des armes. Le Hezbollah représente la tradition et la lutte menée depuis des décennies par une composante essentielle de la société libanaise.

Il est également le représentant le plus fort, aujourd’hui, du choix politique de la résistance aux États-Unis et à Israël au Liban, qui est beaucoup plus ancien et beaucoup plus diversifié que le Hezbollah lui-même.

C’est aussi une force sociale très présente dans tous les domaines de la vie publique libanaise, qu’il s’agisse de la politique, de l’éducation, de la charité, de l’art ou de la culture.

Et en temps de guerre, il représente les sentiments d’une grande partie de la société libanaise, qui dépassent les limites des communautés religieuses ou du sectarisme politique.

15 novembre 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine