Le premier ministre israélien, handicapé par des difficultés nationales et une Knesset aux aguets, est impatient de mettre l’Iran sous les projecteurs, pour démontrer qu’on ne doit pas faire confiance aux rusés mollahs de Téhéran, sur quoi que ce soit, depuis le développement de l’armement et jusqu’aux ambitions sécuritaires. (De pareils objectifs présentent des équivalences du du côté des accusateurs : c’est à dire, nier qu’Israël soit un État nucléaire. Chacun voit midi à sa porte.)
L’effort consistant à lier l’Iran aux accords forgés avec les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations-Unies et l’Allemagne – le soi-disant accord nucléaire iranien ou Plan d’Action Global Conjoint – a eu pour effet de stopper le nucléaire perse, ce qui semble avoir du sens. L’argument ultime étant la stabilité régionale : dès l’instant où l’Iran a acquis un tel dispositif, l’Arabie-Saoudite a promis de causer des troubles, augurant d’un danger imprévisible. Cependant, remettre la république islamique sur le droit chemin aurait au moins, permis de garder une sorte de statu quo tendu.
Benjamin Netanyahou ne veut rien entendre à tout cela. Il se trouve dans une nouvelle phase d’alerte d’urgence contre l’accord, enfilant son treillis de l’apocalypse dans l’espoir que les dirigeants écouteront ses avertissements d’un Armageddon théocratique à faire glacer le sang. Ses cris d’effroi ont été entendus dans différentes capitales, ne suggérant rien d’autre qu’un certain degré d’incitation.
Tout est arrivé comme une aubaine, un lundi soir à la fin du mois d’avril : la mise en scène d’une information devenue la matière première d’une politique artisanale, un exposé sous les lumières des projecteurs, destiné à l’audimat des réseaux de télévision étrangers. « C’est ce qu’il recherchait, » écrit Yossi Verter pour le Haaretz. « Et voilà pourquoi la représentation était en anglais, de toute façon cette langue est la zone de confort de Bibi. Quant à nous les indigènes, nous ne sommes que du menu fretin. »
Le titre du discours et de la représentation globale a vite été adopté : « L’Iran a menti ». Pendant son discours, il fit bon usage d’accessoires, tirant un rideau pour révéler des étagères sur lesquelles s’empilaient des dossiers, des CD et de nombreuses copies de documents originaux iraniens, rassemblés par des agents israéliens. Ce sont les « archives nucléaires » couvrant la période allant de 1999 à 2003 du programme d’armement nucléaire iranien connu sous le nom de Projet Amad, qui ne constitue pas en soi une violation de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien ou le Plan global d’action conjoint (JCPoA). N’ayant pas révélé la nature ou l’étendue de ce programme, l’Iran, a conclu l’entente sous de faux prétextes, a allégué Netanyahou,
Comme l’a noté Or Rabinowitz avec un certain mordant, « l’accord n’exige pas que l’Iran dise la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. » On attendait surtout que Téhéran fournisse à l’AIEA (L’Agence internationale de l’énergie atomique) des « explications aux questions en suspens », manier la vérité avec parcimonie n’invalide pas l’accord.
Alors que les archives révèlent des bouts d’information dévoilant les éléments que l’on garde, généralement au sein de la communauté du renseignement, le but implicite de Netanyahou était d’imputer [à l’Iran] la mauvaise foi, en insinuant que le développement de l’armement s’était poursuivi après 2003.
Cette démonstration extravagante avait pour but explicite de, non seulement, faire l’amalgame entre le pays et ses dirigeants, mais également de contrôler les membres de son cabinet. A tout le moins, elle permettrait au premier ministre des pouvoirs presque impériaux pour aller en guerre même en l’absence de la convocation du cabinet de sécurité.
Elle a également été conçue pour bousculer l’idée selon laquelle Netanyahou aurait eu des difficultés concernant les succès des questions du renseignement, lié qu’il était au cafouillage du Mossad en 1997 lors de la tentative d’assassinat du haut responsable du Hamas, Khaled Meshaal, en Jordanie. (Pour sauver les agents à découvert du Mossad de la condamnation et de l’exécution par la Jordanie, Netanyahou a fourni, en contrepartie, l’antidote qui a sauvé Meshaal du poison.)
Comme l’a fait remarquer le dirigeant du parti travailliste, Avi Gabbay, le discours était « un inestimable cadeau » prouvant que Netanyahou était capable « de mêler des considérations politiques à la sécurité de l’État ». Surtout, la trouvaille du nucléaire iranien a permis à Netanyahou une ligne d’action, avec Yaïr Lapid de Yesh Atid et Gabbay, lui-même ayant retiré la motion de censure de l’ordre du jour. Le spectacle de théâtre a fait le reste.
Netanyahou est tellement convaincu à propos de l’Iran qu’il a cherché à faire pression sur ses alliés en Syrie.
Vladimir Poutine a été invité à freiner les avancées iraniennes en Syrie et au Liban, un objectif qui rapprocherait Téhéran des frontières israéliennes. Moscou a clairement indiqué que les frappes israéliennes continues comme celles qui ont eu lieu sur l’aérodrome T-4 à Homs doivent cesser. De tels actes d’agression sont jugés déstabilisateurs, bien qu’ils soient devenus la norme dans le brutal conflit syrien.
C’est à la Maison-Blanche que Netanyahou a le plus de sympathisants, où il se trouve déjà sous de bons auspices. Donald Trump ne flirtait pas seulement avec l’idée de se retirer de l’accord nucléaire iranien ayant promis de prendre sa décision le 12 Mai.
La belligérance israélienne et l’écumante insistance pour invalider le JCPOA ont une conséquence logique et dangereuse. Elles sont du pain béni pour les super-patriotes et les réactionnaires, sans parler du fait que posséder de telles armes tombe à point nommé. Ils nous trouvent horribles ; pourquoi les décevoir ?
Tout au plus, les archives dévoilés par Israël montrent que les dirigeants de Téhéran prennent à la légère leurs obligations en tant qu’État non-nucléaire et partie du Traité de non-prolifération. Mais tant que des puissances telles qu’Israël continuent d’être des États nucléaires non déclarés, et que l’Iran garde sa réputation dans certains milieux, de méchant sanguinaire, de telles violations sont inévitables.
* Binoy Kampmark était boursier du Commonwealth à Selwyn College, Cambridge. Il enseigne à l’Université RMIT de Melbourne. Email: bkampmark@gmail.com
8 mai 2018 – CounterPunch – Traduction : Chronique de Palestine – Fadhma N’sumer