![Photo : Wahaj Bani Moufleh / Activestills](https://www.chroniquepalestine.com/wp-content/uploads/2025/02/00-12-678x455.jpg)
1er février 2025 - Les Palestiniens célèbrent et observent à Ramallah la libération de 32 prisonniers palestiniens dans le cadre de l'échange de prisonniers négocié entre le Hamas et Israël. Au total, 183 prisonniers palestiniens ont été libérés aujourd'hui, les 150 autres ayant été relâchés à Gaza. Il s'agit du quatrième échange de prisonniers dans le cadre de l'accord de Gaza. Selon le bureau d'information sur les prisonniers du Hamas, ce quatrième lot comprend 18 prisonniers condamnés à la prison à vie, 54 prisonniers condamnés à de lourdes peines et 111 prisonniers de la bande de Gaza qui ont été arrêtés après le 7 octobre 2023. Leur libération intervient après celle de trois prisonniers israéliens plus tôt dans la journée. Les forces coloniales israéliennes ont continué à envahir un certain nombre de maisons de captifs libérés et ont menacé leurs familles afin d'empêcher toute célébration. Il y a environ 14 000 captifs palestiniens dans les prisons israéliennes, dont un tiers en détention administrative, sans aucune charge - Photo : Wahaj Bani Moufleh / Activestills
Par Jonathan Kuttab
Célébration de joie pour la libération des otages israéliennes, mais, qu’en est-il des otages palestiniens ?
C’était vraiment magnifique de voir avec quelle joie a été célébrée la libération de trois otages israéliennes, libérées cette semaine dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu/échange de prisonniers. Elles semblaient en bonne condition et bien nourries, même si je suis sûr qu’elles garderont longtemps les cicatrices psychologiques de leur captivité.
Mais, qu’en est-il des prisonniers palestiniens ?
90 d’entre eux, tous des femmes et des enfants, ont été libérés le même jour. Mais nous ne les avons pas vus dans les grands médias, nous n’avons pas entendu parler de leur calvaire, ni de leur angoisse, et nous n’avons pas été témoins des célébrations de leurs familles.
En fait, Israël a interdit toute célébration publique (ou expression de joie) pour leur libération à l’intérieur de ses frontières. La police a même rendu visite aux familles des prisonniers libérés à Jérusalem-Est pour leur rappeler cette loi.
Selon le discours israélien les prisonniers palestiniens sont des « terroristes et des criminels endurcis du Hamas », qui seront probablement pourchassés et arrêtés à nouveau ou assassinés une fois qu’Israël aura récupéré tous ses otages, comme l’ont déclaré certains responsables israéliens dans les médias hébreux.
Du point de vue palestinien : il y a environ 13 000 prisonniers et détenus palestiniens dans les prisons israéliennes qui sont tout autant dignes de notre sollicitude et méritent également notre sympathie, et dont les familles se réjouiront de leur libération tant attendue.
De plus en plus de Palestiniens sont arrêtés, en permanence, y compris le personnel médical des hôpitaux de Gaza et des Palestiniens ordinaires en Cisjordanie.
En fait, Israël vient d’arrêter 60 Palestiniens supplémentaires, la totalité des fidèles males se trouvant dans une mosquée de Qalqilia, le jour même de la libération des trois otages israéliennes.
Comme s’il voulait compenser la libération des 90 Palestiniens libérés ce jour-là.
Trois mille des prisonniers palestiniens (otages est un terme plus approprié) sont des « détenus administratifs,» c’est-à-dire qu’ils sont détenus sans inculpation ni procès.
Au nombre des prisonnières libérées dimanche dernier(20 janvier) il y avait Khalida Jarrar, élue au parlement palestinien, qui lors de sa libération avait l’air d’un spectre, la chevelure devenue totalement blanche, et la silhouette squelettique.
Elle a dit avoir été placée à l’isolement pendant 150 jours avant sa libération.
En fait, toutes les Palestiniennes libérées avaient visiblement l’air affaiblies ayant perdu de 14 à 18 kg en moyenne, et disent avoir subi de graves abus, tels que des coups, la privation délibérée de nourriture et des mauvais traitements flagrants.
Le Ministre de la Police, israélien Itamar Ben Gvir, a fièrement déclaré que depuis le 7 octobre, il a veillé à accroître la souffrance des prisonniers palestiniens et à aggraver de façon proactive leur situation.
Il a réduit de manière significative leurs rations alimentaires, leur quantité d’eau chaude et la possibilité de faire de l’exercice.
Il a confisqué les livres, les documents, et autres effets personnels, ainsi que les produits d’hygiène et autres « privilèges. »
Il a coupé l’accès aux familles ainsi qu’à la Croix Rouge, a doublé le taux d’occupation déjà élevé des cellules, et mis en place un régime de passages à tabac, de punitions, d’humiliations quotidiennes.
En plus des « détenus administratifs, » environ 10 000 autres détenus purgent des peines de prison diverses après avoir été jugés par des tribunaux militaires israéliens.
Ma propre expérience d’avocat, partagée par des associations de défense des droits humains palestiniennes, israéliennes et internationales me fait dire que ces tribunaux militaires sont de véritables simulacres. Avec un taux de condamnation de 99%, les verdicts reposent presque exclusivement sur des aveux signés obtenus des prévenus ou autres « témoins » palestiniens par la torture ou mesures coercitives.
L’un des prisonniers devant être libéré est bien connu de la communauté FOSNA. Vous pouvez obtenir ici et ici des informations sur son dossier. Je me réjouis d’annoncer qu’il est prévu que Mohammad Halabi soit libéré au cours de la phase I de l’accord.
Le Palestinien Mohammed El Halabi, victime de fausses accusations et d’un déni de justice
Lorsqu’il sera libéré, nous partagerons cette merveilleuse nouvelle et tiendrons au courant tous ceux et celles qui ont suivi son cas.
Mohammad Halabi, arrêté il y a six ans, était le directeur de World Vision International (WVI) à Gaza. Il a été faussement accusé de faire passer l’aide au développement de World Vision au Hamas, c’est-à-dire de détourner au profit du Hamas des fonds d’aide et des matériaux de construction via le passage de Rafah pour la construction de tunnels.
Les accusations étaient objectivement ridicules, étant donné que les montants invoqués dépassaient le budget de World Vision et parce que WVI n’importait pas de tiges d’acier ni d’autres matériaux à double usage comme prétendu.
Deux audits internationaux ont confirmé qu’il n’y avait pas de fonds manquants ou non comptabilisés. M. Halabi a persisté à clamer son innocence, refusant d’accepter un marché qui lui aurait permis de rentrer chez lui en échange d’un aveu.
Ses avocats (entravés par les exigences de confidentialité et les menaces) se sont battus pour sa libération tout au long des 160 audiences jusqu’à ce que finalement ne tombe le jugement le condamnant à une peine de 11 ans d’emprisonnement.
L’appel est toujours pendant. Il n’a pas pu obtenir justice devant les tribunaux israéliens, mais maintenant il figure sur la liste des prisonniers devant être libérés au titre de l’accord de cesser-le-feu/échange d’otages.
La vérité est que chaque foyer de Cisjordanie et de Gaza a eu un membre ou proche parent emprisonné à un moment ou à un autre. Tous sont susceptibles de faire l’objet d’une détention arbitraire à n’importe quel moment.
Le principal objectif du Hamas en faisant des prisonniers le 7 octobre était d’obtenir la libération de prisonniers palestiniens.
La prise d’otages civils (par opposition à des combattants armés) constitue une violation du droit international, ainsi que de la moralité élémentaire. Toutefois, de nombreux Palestiniens estiment qu’il n’y a pas d’espoir de libération de leurs êtres chers sinon grâce à un quelconque accord politique ou en se dotant d’un moyen de pression comme la capture d’Israéliens pour les échanger contre leurs propres otages emprisonnés.
Nous nous réjouissons avec ceux dont les proches sont libérés, et aussi de la restitution à leurs êtres chers de la dépouille de ceux qui ont été tués pour de véritables obsèques. (Israël détient les restes de centaines de martyrs palestiniens, qu’il refuse de rendre à leur famille). Ils devraient, espérons-le, être restitués au cours de la phase III du présent accord.
Tout en nous réjouissant de cette victoire partielle pour tout le monde, souvenons-nous avec empathie et humanité de tous ceux qui sont emprisonnés dans cette tragédie en cours. Nous prions pour la libération de tous les prisonniers et otages et, pour qu’entre temps, ils soient traités avec humanité jusqu’au jour de leur libération.
Auteur : Jonathan Kuttab
* Jonathan Kuttab est cofondateur du groupe palestinien de défense des droits Humains Al-Haq et cofondateur de Nonviolence International. Avocat international réputé dans le domaine des droits humains, il pratique le droit aux États-Unis, en Palestine et en Israël. Il siège au conseil d'administration du Bethlehem Bible College et est président du conseil d'administration du Holy Land Trust. Il est cofondateur et membre du conseil d'administration de Just Peace Advocates. Il a dirigé le comité juridique chargé de négocier l'accord du Caire de 1994 entre Israël et l'OLP. Son compte Twitter/X
24 janvier 2025 – FOSNA – Traduction: Chronique de Palestine – MJB
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