Par Salman Abu Sitta
Il y a près de mille ans, le pape Urbain II a exhorté les rois européens à partir en croisade vers la Terre sainte. La semaine qui vient de s’écouler a montré que les croisades sont toujours d’actualité.
Il y a près de mille ans, le 27 novembre 1095, le pape Urbain II a exhorté les rois, princes et ducs d’Europe à mettre fin à leurs querelles et à partir en croisade pour libérer la Terre sainte de ses habitants (pour la plupart musulmans).
Il leur a dit : « Partez pour le Saint-Sépulcre [à Jérusalem], et emparez-vous de la terre de ces impies ».
Ils l’on fait et sont restés quelques centaines d’années. Toujours et partout, l’épée et le sang étaient leur seul mode de relation. Ils sont entrés dans Jérusalem en marchant dans le sang des habitants massacrés. À Acre (Akka), ils ont été accueillis par un peuple chrétien ami. Mais les croisés les ont pris pour des musulmans à cause de leurs robes blanches et les ont massacrés.
Les Croisés ont disparu, mais leur tribut sanglant est resté gravé dans les mémoires et leurs héritiers sont toujours aussi assoiffés de sang.
J’ai vu tous les dirigeants européens se mettre à genoux devant l’Israël sioniste, et lui offrir leurs bombes, leurs avions et leurs médias pour diffuser une répugnante propagande qui vilipende ceux qui défendent leurs maisons.
Ils sont venus en masse. Ils sont venus d’Angleterre, avec le premier ministre d’origine indienne Rishi Sunak et le ministre des affaires étrangères James Cleverly poussant sous le tapis les 300 ans de brutalité britannique, dont le massacre d’Amritsar.
Macron est venu de France, avec son épouvantable bilan d’un million d’Algériens tués par asphyxie au gaz toxique dans des grottes ou largués d’un hélicoptère dans la mer.
Les Belges sont venus les mains couvertes du sang d’un million d’Africains.
Les Hollandais sont venus, les mains dégoulinantes de celui des Africains d’Afrique du Sud qu’ils faisaient vivre dans un système d’apartheid qui a inspiré celui que les Israéliens imposent désormais aux Palestiniens dans une version plus large et plus perfectionnée.
Ensuite, nous avons le nouveau venu du XXe siècle, les États-Unis, avec son bilan d’un million d’Irakiens massacrés et sa fuite honteuse du Viêt Nam et de Kaboul, accroché à la queue des hélicoptères. Le petit dernier de l’armée des croisés envoie son porte-avions vers nos côtes ainsi que des armes et des bombes au phosphore, tout cela pour soumettre 1500 jeunes réfugiés dans un camp de Gaza qui ont osé, la semaine dernière, abattre la clôture de leur camp de prisonniers, attaquer les squatters qui leur ont pris leur terre, dans le simple but de faire quelque chose de tout à fait normal : rentrer chez eux.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a fièrement proclamé qu’il n’agissait pas seulement en tant que ministre américain des affaires étrangères, mais aussi en tant que juif dont le grand-père a échappé à la mort en Europe.
Il n’a pas expliqué pourquoi il mobilisait toute la puissance américaine pour attaquer des innocents qui n’ont jamais vu son grand-père. Ni pourquoi il ne combattait pas plutôt ceux qui ont vraiment attaqué et assassiné beaucoup de juifs comme son grand-père ? Il s’agit manifestement d’un acte de lâcheté qui consiste à laisser les vrais coupables tranquilles et à s’attaquer et massacrer, à la place, des gens sans défense.
Et les attaquer et les massacrer, ça ils ne s’en sont pas privés. Les sionistes ont commis 356 crimes de guerre, dont 90 massacres, entre 1948 et 1949, et ont dépeuplé 560 villes et villages palestiniens. Ils n’ont jamais cessé depuis, pas une fois en 27 000 jours, et pendant tout ce temps, la conscience “civilisée” de l’Europe était plongée dans un profond coma.
Les nouveaux croisés, dont le petit dernier, les États-Unis, ont mené une guerre de propagande contre les réfugiés qui ont tenté de sortir d’un camp de concentration pour rentrer chez eux. Ils ont répandu l’ignoble mensonge selon lequel les résistants avaient fracassé la tête des bébés et violé les femmes. Ils se sont rétractés, mais l’horrible calomnie a produit son effet.
L’ironie, mais les médias le cachent, c’est que les Israéliens sionistes, eux, ont bien commis de tels crimes. Le 13 mai 1948, ils ont attaqué le village d’Abu Shusha, dans le district de Ramleh, tuant un grand nombre de personnes dans les maisons, les rues et les champs. Un soldat a poussé une femme et son enfant dans un coin et il a fendu la tête de l’enfant avec une hache, en disant : « Va raconter aux autres ce qui t’est arrivé ».
C’est pareil en qui concerne le viol des femmes, les livres d’histoire écrits par les sionistes eux-mêmes, y compris ceux de l’historien sioniste Benny Morris, sont pleins de récits de viols.
Le camp de concentration de Gaza n’est pas le seul ni le premier, Israël a créé 17 camps de concentration et de travail forcé en Palestine entre 1948 et 1953, dans lesquels les fermiers capturés étaient forcés de travailler comme esclaves. Cela s’est passé seulement trois ans après la destruction de ces camps en Allemagne. Les preuves proviennent des archives du CICR et des témoignages des survivants.
Le camp de concentration de Gaza qui a 75 ans, a dépassé en durée et en taille ceux d’Auschwitz, de Treblinka et de Dachau. La population de Gaza s’élève à 2,3 millions de personnes, soit une densité de 7000 personnes/km2 sur 1,3 % de la Palestine. Elles ont été expulsées de 247 villages du sud de la Palestine. Les colons présents sur leurs terres sont moins nombreux que les réfugiés entassés à Rafah dans la bande de Gaza.
Ils ne sont pas encore libérés. Au contraire, ils sont maintenant attaqués par les mêmes puissances qui se vantent d’avoir libéré les prisonniers des camps de concentration d’Europe.
L’interdiction des manifestations en Europe et aux États-Unis en faveur des droits des Palestiniens ou de leur droit au retour chez eux, et la criminalisation de la défense de la Palestine prouvent que les croisades sont toujours d’actualité.
Mais les Palestiniens, même après trois générations, n’ont pas oublié où se trouvent leurs maisons et sont toujours déterminés à y retourner.
Ce sont eux qui feront l’avenir. Car une chose est sûre, même si leurs ennemis ne le comprennent pas : on ne peut pas vaincre ceux qui se battent pour leur liberté.
Auteur : Salman Abu Sitta
* Le Dr Salman Abu Sitta est né en 1937 à Ma'in Abu Sitta, dans le district de Beersheba de la Palestine mandataire. Ingénieur de profession et chercheur, il est surtout connu pour son projet novateur de cartographie de la Palestine aux 21e, 20e et 19e siècles et pour l'élaboration d'un plan pratique pour la mise en œuvre du droit au retour des réfugiés palestiniens. Le travail d'Abu Sitta consiste non seulement à documenter la Nakba, mais aussi à veiller à ce que « les souvenirs et l'identité de la patrie occupée ne soient jamais perdus ». Il est l'auteur de plusieurs ouvrages et très nombreux articles et documents sur la Palestine, dont The Atlas of Palestine, 1917-1966. Il est le fondateur et le président de la Palestine Land Society.
16 octobre 2023 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet