Par Tareq S. Hajjaj
L’armée israélienne assiège la ville de Gaza une semaine après le début de l’invasion de Shuja’iyya. Les habitants sont contraints de dormir dans les rues, n’ayant plus d’endroit où aller, et certains d’entre eux affirment que les forces israéliennes se heurtent à une résistance féroce.
L’invasion par l’armée israélienne du quartier de Shuja’iyya, à l’est de la ville de Gaza, est entrée dans sa deuxième semaine et s’étend maintenant à d’autres parties de la ville. La ville entière est assiégée et les quelque 300 000 habitants restants sont piégés au milieu de la ville et n’ont nulle part où aller.
L’invasion de Shuja’iyya a commencé par l’est, lorsque l’armée israélienne a lancé une attaque surprise sans prévenir les habitants. Les habitants ont soudainement trouvé des chars de l’armée entre leurs maisons, ce qui les a poussés à quitter en masse les zones d’al-Nazaz, d’al-Mantar et d’al-Mansoura. Les personnes qui sont restées se sont repliées dans les régions nord et sud de Shuja’iyya.
Jusqu’à présent, l’opération israélienne a suivi un schéma clair. Les forces militaires lancent des incursions dans différents quartiers à différents moments, prenant d’assaut une zone après l’autre jusqu’à ce qu’elles considèrent que la résistance y est éliminée.
Souvent, l’armée rencontre plus de combattants que prévu, ce qui l’incite à envahir de vastes zones urbaines pour tenter d’étouffer la résistance. L’opération engloutit d’autres quartiers et l’armée donne des ordres d’évacuation aux habitants qui sont restés.
Souvent, la zone d’évacuation est la même que celle où les forces israéliennes opèrent.
Le dimanche 7 juillet, l’armée a ordonné aux habitants de différents quartiers de Shuja’iyya, comme al-Daraj et al-Tuffah, ainsi qu’aux habitants de la vieille ville de Gaza, de quitter leur quartier et de se diriger vers l’ouest.
Après avoir obéi aux ordres de l’armée, les habitants ont constaté que des chars israéliens arrivaient de la direction qu’on leur avait dit de fuir, ce qui indiquait que la ville était encerclée de tous les côtés.
Des milliers de personnes ont tenté de rejoindre le siège des Nations unies dans l’ouest de la bande de Gaza, mais les chars y étaient également stationnés. Des tirs, des missiles et des « ceintures de feu » les ont encerclés, ne laissant aux personnes déplacées aucun endroit où se réfugier.
Beaucoup de ces réfugiés ont été contraints de passer la nuit dans la rue, surtout après que l’armée a bombardé il y a deux jours une école abritant un grand nombre de personnes déplacées dans l’ouest de la ville de Gaza, tuant des dizaines de Palestiniens.
Les témoignages recueillis par Mondoweiss auprès des habitants de Shuja’iyya confirment que les opérations de l’armée israélienne continuent de se heurter à une résistance farouche, plusieurs habitants décrivant l’intensité marquée des tirs d’artillerie et des frappes aériennes de l’armée dans le quartier.
Les résidents disent à Mondoweiss que les bombardements à al-Shuja’iyya, al-Tuffah, et dans la vieille ville ne s’arrêtent pas. Plusieurs disent que le bombardement est « incomparable » à tout ce qu’ils ont connu jusqu’à présent.
Dormir dans la rue
Lina Hajj Ahmad, 31 ans, qui vit dans le quartier de Daraj, raconte à Mondoweiss qu’il y a deux jours, elle préparait à manger pour ses quatre enfants lorsqu’elle a entendu des gens crier à l’extérieur de sa maison et courir dans les rues. Elle n’a pas fini de préparer le repas et est sortie pour voir ce qui se passait. Elle a appris que leur quartier venait de recevoir un ordre d’évacuation.
Son mari n’était pas à la maison, mais elle a emporté ce qu’elle pouvait et est partie avec ses enfants sans attendre son retour.
En chemin, elle a réussi à retrouver son mari. Ils se sont arrêtés pour essayer de savoir où ils allaient, mais lorsque le bruit des bombardements a commencé et que l’on a entendu au loin l’avancée des chars israéliens, ils se sont mis à courir sans décider ni connaître leur destination.
« Même si je n’ai jamais quitté la ville de Gaza, j’ai été déplacée plus de dix fois », explique Lina à Mondoweiss. « Je ne peux plus compter le nombre de fois où j’ai dû porter ma famille et quitter la maison sans rien pour garantir mon retour chez nous. »
« Chaque fois que nous retournons dans notre maison après le dernier déplacement, nous trouvons de nouvelles parties détruites ou endommagées », poursuit-elle. « Nous essayons de la restaurer autant que possible, mais je ne sais pas ce qui va se passer cette fois-ci. Ils font exploser des zones résidentielles entières et les gens ne savent plus où se trouvent leurs chez-eux. »
Tout au long de la nuit, elle n’a cessé de serrer ses enfants dans ses bras, essayant de les faire se sentir un peu plus en sécurité. Ils ont tous dormi à même le sol, comme beaucoup d’autres familles dans la même situation. Le matin venu, ils ont repris leurs bagages et ont commencé à chercher de l’ombre pour se protéger de la chaleur du soleil.
De nombreux témoignages similaires continuent de parvenir de la ville de Gaza, décrivant comment les habitants déplacés se rassemblent sur ce qui reste des places publiques et des parcs, où ils dorment à la belle étoile.
Tous les autres abris civils continuent d’être bombardés, y compris l’hôpital arabe al-Ahli, qui a été attaqué lors de deux raids et menacé d’évacuation pour empêcher les gens de s’y rendre.
Lorsque les habitants des quartiers est de la ville de Gaza ont obéi aux ordres de l’armée d’occupation de se déplacer vers l’ouest – pour se retrouver face à d’autres chars – des témoins directs affirment que la résistance a fait face à l’incursion venant de l’ouest.
Les habitants de la région affirment que la résistance n’a pas cessé à Shuja’iyya. Plusieurs rapportent que l’armée tente d’établir de vastes zones militaires dans le quartier, qu’elle prépare en défrichant de grandes étendues de terre après avoir fait exploser les blocs d’habitations qui s’y trouvaient auparavant.
L’armée installe ensuite des sites militaires en y stationnant des dizaines de véhicules militaires.
Alors que de grandes parties de la ville sont transformées en zones militaires, les instructions sur les endroits où les habitants doivent se rendre les mènent invariablement à des impasses ou à encore plus de mort et de destruction.
« Ils nous poussent dans un piège pour nous massacrer », explique Lina à Mondoweiss. « Où que nous allions, nous ne trouvons que la mort, des bombardements constants et des corps démembrés. »
Auteur : Tareq S. Hajjaj
* Tareq S. Hajjaj est un auteur et un membre de l'Union des écrivains palestiniens. Il a étudié la littérature anglaise à l'université Al-Azhar de Gaza. Il a débuté sa carrière dans le journalisme en 2015 en travaillant comme journaliste/traducteur au journal local Donia al-Watan, puis en écrivant en arabe et en anglais pour des organes internationaux tels que Elbadi, MEE et Al Monitor. Aujourd'hui, il écrit pour We Are Not Numbers et Mondoweiss.Son compte Twitter.
8 juillet 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine