Par James North
Un article non sourcé du Telegraph britannique affirmant que le Hezbollah stocke des armes dans l’aéroport de Beyrouth est le dernier exemple en date de médias grand public préparant le terrain pour une guerre israélienne contre le Liban.
La guerre entre Israël et le Hezbollah pourrait être sur le point de s’intensifier de façon dramatique – et les médias grand public, comme à leur habitude, sous-estiment et dénaturent ce danger croissant.
Un article anonyme irresponsable sur le site d’information du Telegraph britannique a même fait craindre qu’Israël n’envisage d’attaquer l’aéroport de Beyrouth, ce qui provoquerait une dangereuse onde de choc dans toute la région et pourrait même entraîner l’Iran dans le conflit.
En attendant, un Benjamin Netanyahu égoïste et malhonnête tirerait personnellement profit d’une guerre plus étendue – un point que de nombreux Israéliens n’hésitent pas à soulever, mais que la presse américaine ignore.
L’article du 23 juin qui a fait couler beaucoup d’encre sur le site du Telegraph est manifestement dangereux.
Il affirme, sans aucune preuve, que le Hezbollah « stocke d’énormes quantités d’armes, de missiles et d’explosifs iraniens dans le principal aéroport civil de Beyrouth ». Il cite des « dénonciateurs » anonymes à l’aéroport et semble même encourager l’armée israélienne avec cette phrase timide : « Les révélations vont faire craindre que l’aéroport Rafic Hariri, situé à seulement quatre miles du centre-ville, ne devienne une cible militaire ».
L’article a déclenché une tempête de condamnations, y compris de la part d’autres journalistes. Abbie Cheeseman, ancienne journaliste du Telegraph dans la région, a déclaré qu’elle avait « cessé de travailler pour le Telegraph le mois dernier et qu’elle n’avait pas eu connaissance de cet article incroyablement irresponsable jusqu’à ce qu’il soit publié aujourd’hui ».
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Gregg Carlstrom, correspondant au Moyen-Orient pour l’hebdomadaire conservateur The Economist, a qualifié l’article de « message politique de mauvaise qualité » et a ajouté : « J’aimerais bien savoir qui, au Telegraph, a décidé de publier quelque chose de si transparent que personne… n’a voulu mettre son nom… ». « J’aimerais bien savoir qui, au Telegraph, a décidé de publier quelque chose de si transparent que personne n’a voulu y mettre son nom. »
Jusqu’à présent, les médias américains semblent ignorer l’histoire de l’aéroport de Beyrouth.
Par ailleurs, le courant dominant américain déforme le danger croissant d’une guerre régionale. Le sous-titre du Washington Post du 23 juin n’en est qu’un exemple : « On craint de plus en plus que les affrontements frontaliers entre Israël et le groupe militant libanais Hezbollah ne dégénèrent en une guerre totale qui consumerait le Moyen-Orient ».
Le titre est exact, mais trompeur. Ces « affrontements frontaliers » n’ont rien de nouveau. Ils ont commencé juste après le 7 octobre, et une impasse s’est installée depuis lors. Ce qui a changé ces dernières semaines est enfoui dans le paragraphe 13 du rapport du Post : le 11 juin, Israël a assassiné Taleb Sami Abdullah, un commandant de haut rang du Hezbollah.
Un autre haut responsable du Hezbollah a rapidement promis des représailles, « en termes de sévérité, de force, de quantité et de qualité ». Le New York Times n’accorde pas non plus une attention suffisante à l’assassinat provocateur d’Israël.
Le journal, et c’est tout à son honneur, a rapporté l ‘assassinat d’Abdullah le jour même où il s’est produit, mais dans une plus longue étude du 18 juin sur les tensions croissantes, sa mort est cachée au paragraphe 13.
La National Public Radio a été encore pire. Un reportage du 20 juin comprenait une interview de Jane Arraf, la correspondante de la NPR à Beyrouth, mais elle n’a pas expliqué une seule fois que l’assassinat d’Abdallah par Israël était à l’origine de la menace de guerre.
Jane Arraf a déclaré que Hassan Nasrallah, le premier dirigeant du Hezbollah, avait parlé pendant plus d’une heure la veille, « dans ses remarques les plus percutantes depuis le début de la guerre à Gaza en octobre dernier ». Elle a ajouté que M. Nasrallah avait déclaré que « le Hezbollah ne voulait pas entrer en guerre, mais il a prévenu qu’il y avait une possibilité que les combats actuels dégénèrent ».
Au cours de cette heure, le dirigeant du Hezbollah a certainement condamné l’assassinat d’Abdullah par Israël, survenu seulement neuf jours auparavant, mais Arraf a inexplicablement omis de mentionner ce fait.
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Le lendemain, la NPR a produit un rapport encore plus tendancieux intitulé : « Le système de défense antimissile israélien Iron Dome pourrait-il résister à une guerre contre le Hezbollah ? ». Le reportage de 4 minutes ressemblait à une publicité pour le Dôme de fer.
L’idée développé était que le Hezbollah était l’agresseur potentiel, et Israël la victime innocente. (Bien sûr, NPR n’a pas demandé à Jane Arraf au Liban comment les Libanais se protégeraient des roquettes et des frappes aériennes israéliennes).
L’assassinat d’Abdallah par Israël est presque une répétition exacte de sa dernière escalade provocatrice – l’assassinat aérien à Damas, le 1er avril, d’un général iranien de haut rang, qui a ensuite provoqué un barrage de missiles téléguidés de l’Iran contre Israël.
Pourquoi Israël, qui s’enlise dans la bande de Gaza, prendrait-il une nouvelle fois le risque d’une guerre régionale plus large ? La réponse tient en deux mots : Benjamin Netanyahu.
Un grand nombre d’Israéliens n’hésitent pas à accuser Netanyahu de faire passer sa survie politique avant le bien du pays, d’autant plus que s’il perd son poste, il sera jugé pour corruption et pourrait finir en prison.
Les deux membres de son cabinet de guerre qui auraient pu le freiner même légèrement l’ont quitté, et il est maintenant complètement entouré de ministres qui sont presque aussi désespérés que lui de s’accrocher au pouvoir.
Les proches des Israéliens retenus prisonniers à Gaza l’accusent, dans des manifestations de colère dans les rues, de faire passer ses intérêts en premier.
Il suffirait à un journaliste américain d’en faire s’exprimer quelques-uns, mais les médias américains sont, pour une raison ou une autre, trop timorés pour dire la vérité.
Auteur : James North
* James North est rédacteur en chef de Mondoweiss et a réalisé des reportages en Afrique, en Amérique latine et en Asie pendant quarante ans. Il vit à New York. Suivez-le sur Twitter/X.
25 juin 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine