Par Ahmed Abu Artema
Lorsque les peuples autochtones sont écrasé sous un ennemi colonial, la seule arme qui leur reste est celle de la détermination, qui leur permet de résister aux efforts du colonisateur pour les exterminer.
Cela s’est produit à plusieurs reprises dans l’histoire. Cela se produit à nouveau en Palestine, où les gens résistent au projet colonial sioniste.
Le rapport des forces est largement biaisé en faveur d’Israël.
La soi-disant communauté internationale, dirigée par les États-Unis, apporte à Israël un soutien politique, militaire et économique inconditionnel. La supériorité matérielle d’Israël lui permet de contrôler la vie des Palestiniens vivant entre le Jourdain et la Méditerranée, et de contrecarrer toute velléité de résistance.
Israël bénéficie également d’une atmosphère régionale bien complaisante, caractérisée par des dictateurs qui ont de fait ou officiellement prêté allégeance à Israël.
Ces régimes craignent qu’un soulèvement national palestinien puisse inciter les populations soumises à leur autorité à lancer leurs propres rébellions, ce qui menacerait leurs intérêts.
Ils croient fondamentalement que l’apaisement d’Israël est le chemin le plus sûr vers les faveurs de Washington. C’est pourquoi les États arabes se sont empressés d’officialiser l’année dernière des années de relations secrètes avec Israël.
Les régimes arabes sont complices du siège oppressif des Palestiniens par Israël, privant ceux-ci d’alliés régionaux qui pourraient être en mesure d’apporter soutien et assistance.
L’un des principaux atouts d’Israël est l’étroite collaboration de l’Autorité palestinienne avec les forces d’occupation israéliennes sous la bannière de la “coordination de la sécurité” en Cisjordanie occupée.
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De cette façon, l’Autorité palestinienne agit comme un tampon, retardant une révolte collective nationale qui pourrait affronter directement l’occupant.
Avec tous ces déséquilibres qui permettent à l’État colonial de brandir son épée sur les justes Palestiniens, que peuvent faire les Palestiniens ?
Faire face au colonisateur
Les Palestiniens n’ont que deux choix : accepter la défaite et se soumettre à la volonté des colonisateurs sionistes, ou dire “non” et rester résolu dans leur résistance et payer le coût qui accompagne cette position.
Ces dernières semaines, les Palestiniens ont dit “non” à plusieurs reprises lors de deux événements hautement symboliques.
Le premier événement a eu lieu le 21 août, lorsque des organisations syndicales et politiques palestiniennes ont appelé à une manifestation près de la clôture orientale de Gaza la séparant d’Israël. Des milliers de personnes ont répondu à l’appel et se sont rassemblées pacifiquement pour protester contre la poursuite du siège israélien vieux de 14 ans sur l’enclave côtière et la pratique de la punition collective de toute la population civile.
Comme d’habitude, les tireurs d’élite israéliens positionnés derrière la clôture ont commencé à tirer à balles réelles, à balles d’acier recouvertes de caoutchouc et avec des bombes lacrymogènes sur les manifestants qui ne représentaient aucune menace imminente.
Les forces israéliennes ont blessé plus de 40 Palestiniens ce jour-là, dont 24 enfants. Deux des blessés sont morts par la suite, dont Omar Abu al-Nil, un tout jeune garçon de 13 ans qui observait les manifestations sans y participer.
Les Palestiniens de Gaza étant réputés pour leur courage, plusieurs jeunes se sont approchés d’un mur de séparation contrôlé par Israël, à travers lequel un tireur d’élite tirait sur les Palestiniens par une ouverture, et ont tenté de faire tomber son arme.
Un homme portant une arme de poing s’est dressé face à la mort et a passé sa main par la petite ouverture d’où le sniper commettait ses meurtres et a tiré en sa direction.
L’armée israélienne a annoncé plus tard que le sniper avait été grièvement blessé, l’identifiant comme le sergent Barel Hadaria Shmueli de la police des frontières israélienne. Il est décédé par la suite.
Le deuxième événement s’est produit le 6 septembre, lorsqu’un tunnel d’environ 30 mètres a été découvert à l’intérieur de Gilboa, l’une des prisons les plus surveillées d’Israël.
Malgré la sécurité renforcée d’Israël, six prisonniers palestiniens, pour la plupart condamnés à perpétuité, avaient réussi à creuser ce tunnel et à s’échapper.
Ils ont été libres de circuler en Israël et en Cisjordanie pendant plusieurs jours avant que les forces israéliennes n’en kidnappent deux le 10 septembre, deux autres le 11 septembre et les deux derniers le 18 septembre.
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Ces événements ont donné un formidable coup de fouet au moral des Palestiniens et des défenseurs des droits de l’homme dans le monde entier.
Riche de symbolisme
L’élément le plus important à retenir de ces deux événements est la détermination des Palestiniens. Par les moyens les plus simples, les Palestiniens ont démontré leur refus de se soumettre à l’occupation israélienne ou de céder à sa volonté.
Ces deux événements étaient riches de symbolisme.
Les Palestiniens, aussi insurmontable que soit le mur qui les assiège, ne désespèrent pas de tenter de le percer.
Il suffit d’une petite ouverture pour que les Palestiniens envoient leurs voix ou leurs balles à travers ce mur. C’est tout ce dont les Palestiniens ont besoin pour se confronter aux forces coloniales lourdement armées d’Israël.
C’est exactement ce qui s’est passé lorsqu’un Palestinien a ouvert le feu sur un tireur d’élite israélien depuis l’ouverture même par laquelle ce dernier tirait sur les Palestiniens.
L’armée israélienne a tiré les leçons des précédents rassemblements de la Grande Marche du retour à Gaza. Elle a renforcé ses fortifications en construisant un mur épais pour abriter ses soldats.
Le contact direct avec les manifestants était limité à de petites fentes de tir. Ces fentes étaient tout ce dont un Palestinien avait besoin pour riposter et frapper le sniper.
La scène est devenue virale sur les médias sociaux, saluée comme une démonstration d’héroïsme et de fierté.
Elle était très significative, illustrant le courage des Palestiniens face au danger et à la mort. Elle a également prouvé l’intrépidité des Palestiniens face à l’ennemi.
Malgré la forte disparité des forces en présence, les Palestiniens ne veulent pas jouer le rôle de la victime. Ils sont plus passionnés par le défi, la confrontation et le succès.
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Cet incident a montré que les Palestiniens étaient capables de résister à l’occupation israélienne avec le moins de ressources possible, de trouver de petites ouvertures pour percer les murs. L’incident était une représentation littérale de cette brèche dans le mur.
La lumière au bout du tunnel
Le tunnel de la liberté, par lequel six Palestiniens se sont échappés, est également chargé de sens symbolique.
Israël refuse aux Palestiniens détenus dans ses prisons les droits les plus simples et les plus fondamentaux. Les autorités pénitentiaires israéliennes les surveillent de près et les inspectent quotidiennement.
Outre cet état de surveillance permanente, la prison est conçue comme une forteresse, avec des murs en béton, des barreaux de fer et des gardes pour enfermer les Palestiniens comme des prisonniers de guerre.
Tous ces éléments n’ont pas réussi à tuer la volonté de résister dans le cœur des prisonniers. C’est leur sens de la détermination qui les a poussés à tailler dans la roche et à creuser dans le béton.
Bien que la tâche soit difficile, il vaut mieux tout tenter que de se résigner à la mort dans les prisons israéliennes.
La réputation d’Israël a été gravement ternie par l’évasion de six hommes de derrière les murs de la prison.
Pour renforcer l’illusion qu’il est imbattable, Israël tente de maintenir l’image de sa supériorité militaire et technologique dans la psyché palestinienne et arabe.
Le maintien de cette image est crucial pour Israël, et celui-ci craint que si cette image est endommagée, les Palestiniens deviennent plus rebelles.
Le scandale – en ce qui concerne Israël – va bien au-delà de l’évasion de six détenus. Le statut d’Israël a été mis à mal. Israël craint que les gens découvrent qu’il a des points de pression qui peuvent être exploités.
Le tunnel de la liberté a également une signification symbolique, puisque les Palestiniens ont pu percer la roche pour briser la volonté de l’ennemi. Il ne s’agit pas seulement pour les Palestiniens de s’engager dans un tunnel en espérant qu’il y ait la lumière au bout, mais de commencer à creuser avec la conviction qu’il y aura de la lumière au bout.
L’évasion a renforcé le sentiment d’identité nationale chez les Palestiniens.
Chaque foyer palestinien était rempli d’un sentiment de fierté après que les hommes aient réussi à s’échapper de l’emprise de leurs geôliers, et chaque foyer palestinien était attristé d’apprendre qu’Israël les avait à nouveau enlevés.
Si les Palestiniens souhaitaient qu’Israël ne parvienne pas à capturer les hommes, ce n’est pas une si grande réussite pour Israël que de les arrêter à nouveau, compte tenu de de sa puissance technologique et militaire.
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Mais Israël avait déjà perdu – et la plus grande victoire remportée par les prisonniers est symbolisée par la détermination inébranlable des Palestiniens et l’humiliation d’Israël. Rien de tout cela n’est diminué par leur ré-arrestation.
La leçon la plus importante que nous tirons des événements de ces derniers mois en Palestine est que la volonté de la résistance palestinienne est plus puissante que toutes les prisons – aussi grandes que la bande de Gaza ou aussi petites que Gilboa – construites par le colonisateur.
Auteur : Ahmed Abu Artema
* Ahmed Abu Artema est un journaliste palestinien et militant pour la paix. Il est l'auteur du livre "Organized Chaos" et de nombreux articles et l'un des fondateurs de la Grande Marche du Retour. Il est réfugié du village d'Al Ramla en Palestine. Il peut être suivi sur Twitter.
23 septembre 2021 – The Electronic Intifada – Traduction : Chronique de Palestine