Les Palestiniens de Cisjordanie suffoquent littéralement sous une toile carcérale

Photo : Oren Ziv / ActiveStills

Une militante palestinienne se protège le visage alors que des gaz lacrymogènes sont tirés par l'armée israélienne lors d'une manifestation contre l'occupation dans le village de Nabi Saleh en Cisjordanie, le 20 janvier 2012 - Photo : Oren Ziv / ActiveStills

Par Fahya Shalash

Mahmoud Hamdouni vit avec les autres habitants dans le petit village de Mriha, situé au sud de la ville de Jénine, et qui ressemble à une cage depuis que l’armée israélienne a bouclé ses quatre entrées.

Le village, qui n’est qu’à quelques kilomètres de la ville de Ya’bad, en est devenu isolé et ses habitants ont beaucoup de mal à en sortir.

La souffrance des habitants du village reflète celle de nombreux villages et villes palestiniens de Cisjordanie, qu’« Israël » a décidé d’assiéger – à la fois pour faciliter la circulation de ses colons et pour mieux contrôler le territoire.

Le nombre de points de contrôle militaires et de barrières métalliques a augmenté de façon inégalée sous des prétextes sécuritaires, coïncidant avec le début de l’agression dans la bande de Gaza il y a plus d’un an.

Ces mesures restreignent considérablement les déplacements des Palestiniens, les obligeant à emprunter de longs détours chaotiques, tandis que les colons bénéficient de raccourcis aisés et protégés, sous la garde de l’armée israélienne.

Les barrières tuent

La vie à Mriha est devenue très dure, comme l’a expliqué M. Hamdouni à Al Mayadeen. L’entrée principale est fermée depuis le début de la guerre par un portail en fer, et l’entrée ouest est bloquée par un poste de contrôle militaire permanent.

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« Il y a deux autres entrées via les champs que les gens ont commencé à utiliser comme alternative aux entrées fermées, mais l’armée israélienne les a bloquées en formant des talus, de sorte que nous nous retrouvons complètement encerclés », a-t-il ajouté.

Mriha, qui est habitée par 450 Palestiniens sur une superficie ne dépassant pas 80 dunums, a fait l’objet d’attaques israéliennes féroces qui ont visé ses terres en volant et en démolissant ses maisons, forçant plus de 40 familles à partir.

Suite à la pression populaire, aux protestations et aux sit-in, l’armée d’occupation a décidé d’ouvrir le point de contrôle militaire pour seulement trois heures, réparties sur toute la journée, ce qui n’a pas fait de différence significative pour les résidents.

« Les écoles sont constamment perturbées parce que les enseignants de l’extérieur du village ne peuvent pas entrer. Les élèves qui vont à l’école à 800 mètres de là sont constamment harcelés par les soldats et les colons alors qu’ils empruntent des chemins de terre de contournement », a déclaré M. Hamdouni à Al Mayadeen. Quiconque veut quitter le village réfléchit mille fois avant de le faire, car il sait qu’il risque de passer la nuit à l’extérieur de la maison en raison de l’étroit bouclage ».

De nombreux décès ont été enregistrés à Mriha en raison de ces mesures. Le père de Hamdouni est lui-même tombé malade en mars dernier ; il a appelé une ambulance qui n’a pu arriver que cinq heures plus tard pour le transférer à l’hôpital de Jénine, où il est décédé deux heures après son arrivée.

Même les femmes enceintes sont obligées de rester dans la ville de Ya’bad, quelques jours avant la date prévue de leur accouchement, car elles savent qu’il est difficile de se rendre à l’hôpital si elles sont à l’intérieur de leur village.

Déplacements interdits

Sous prétexte d’assurer la sécurité, « Israël » a établi plus de 800 points de contrôle militaires fixes – à l’exclusion des points de contrôle « volants » – de différents types, y compris des remblais de pierre et de terre.

En outre, environ 150 barrières militaires en fer bloquent les complexes résidentiels, piégeant les résidents derrière elles et limitant considérablement leurs déplacements.

Depuis le début de la guerre génocidaire contre Gaza, « Israël » a installé des barrières en fer à l’entrée des villages, des villes et des camps palestiniens pour entraver la circulation de leurs habitants afin de garantir la liberté de mouvement des colons.

Ces portes sont fermées en permanence et rendent la vie des Palestiniens plus difficile, car ils sont obligés d’emprunter des itinéraires alternatifs à l’intérieur des villages voisins dont les rues ne sont pas préparées pour une circulation intense ou pour le passage de camions et de bus, ce qui crée des embouteillages compliqués qui peuvent durer des heures.

Marwan Sabah, responsable du conseil du village d’Umm Safa, au nord de Ramallah, a déclaré à Al Mayadeen que les entrées étaient fermées depuis plus d’un an par des barrières en fer et des talus de terre.

Dans ce village, où vivent près d’un millier de Palestiniens, « Israël » tente de s’emparer de terres pour y installer de grandes colonies, en donnant la priorité à cette expansion au détriment de la vie des Palestiniens.

Pour ce faire, il a restreint la vie des habitants et les a empêchés de se déplacer, les obligeant à passer par trois villages voisins pour sortir.

« Ils ont bloqué toutes les entrées et nous ne pouvons pas sortir du village, même si nous ne sommes qu’à quelques mètres de la rue principale, mais si quelqu’un s’en approche, il est immédiatement abattu », a-t-il ajouté.

Les habitants ont fait une petite tranchée dans le talus de terre pour pouvoir passer à pied, mais les soldats l’ont refermée et les ont menacés s’ils s’approchaient.

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Au même moment, alors que les habitants étaient confinés à l’intérieur du village et empêchés d’en sortir, le gouvernement israélien a envoyé un groupe de colons pour les attaquer et voler l’une des montagnes du village, sous la protection sans faille de l’armée israélienne.

Des objectifs inavoués

En plus de contraindre les Palestiniens et de rendre leur vie plus difficile, les commentateurs s’accordent à dire que l’imposition de ces restrictions massives a des objectifs à long terme non déclarés.

Suhail Khaliliyah, directeur de l’unité de surveillance des colonies à l’institut Areej, a déclaré que l’objectif était de réorganiser la géographie politique de la Cisjordanie.

Ces barrières donneront naissance à de nouveaux réseaux routiers et chemins, prélude à une division géographique de la Cisjordanie, de sorte qu’il y aura un réseau routier pour les colons et un réseau routier pour les Palestiniens.

Ce dossier demande du temps, mais « Israël » a déjà commencé à en poser les bases. Le concept ressemble beaucoup à la proposition de l’ancien président américain Donald Trump, qui prévoit des ponts et des tunnels pour relier les colonies.

« Ce plan est élaboré lentement, et Israël cherche un soutien international et un financement pour que ce projet gagne en légitimité », a-t-il ajouté.

1er novembre 2024 – Al-Mayadeen – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah