La lutte armée palestinienne est légitime et conforme au droit international

30 janvier 2025 - Des combattants de la résistance armée palestinienne remettent le prisonnier israélien Arbel Yehud à Khan Yunis, dans le sud de Gaza, devant les restes de la maison détruite de l'ancien dirigeant du Hamas Yahya Sinwar, assassiné l'année dernière. Une foule nombreuse se rassemble pour saluer les forces de la résistance et assister à la cérémonie de remise, au cours de laquelle huit prisonniers, trois Israéliens et cinq Thaïlandais, ont été libérés en échange de 110 prisonniers palestiniens, dont 30 enfants, dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu. Environ 14 000 prisonniers palestiniens sont détenus dans les geôles israéliennes, soumis aux mauvias traitements dont la torture et la négligence médicale. Un tiers d'entre eux sont en détention administrative, c'est-à-dire détenus sans aucune accusation - Photo : Yousef al-Zanoun / Activestills

Par Ramzy Baroud

Le 22 février 2024, l’ambassadeur de Chine à La Haye, Zhang Jun, a fait une déclaration inattendue. Son but, comme celui d’un certain nombre d’autres personnes, était d’aider la Cour internationale de justice (CIJ) à formuler un avis juridique critique sur les conséquences juridiques de l’occupation de la Palestine par Israël, ce qu’elle aurait dû avoir fait depuis longtemps.

Zhang a exposé la position chinoise qui, contrairement au témoignage de l’envoyé américain, était entièrement conforme au droit international et au droit humanitaire. Mais il a abordé un sujet tabou, que même les plus proches alliés de la Palestine au Moyen-Orient et dans les pays du Sud n’ont jamais osé évoquer : le droit de résister par tous les moyens, « y compris la lutte armée ».

« Le recours à la force par le peuple palestinien pour résister à l’oppression étrangère et établir un État indépendant est un droit inaliénable », a déclaré l’ambassadeur chinois. « La lutte menée par les peuples pour leur libération et leur droit à l’autodétermination, y compris la lutte armée contre le colonialisme, l’occupation, l’agression et la domination des forces étrangères, ne doit pas être considérée comme un acte terroriste », a-t-il insisté.

Ni les gouvernements ni les intellectuels, y compris de nombreux représentants de la dite gauche, n’ont rebondi sur ces déclarations pour faire avancer la cause palestinienne. Il est bien plus commode d’attribuer aux Palestiniens le rôle de victime ou de méchant.

Un Palestinien qui résiste à l’occupation – un Palestinien qui agit et prend en main son destin – est toujours un sujet dangereux sur lequel il vaut mieux ne pas s’appesantir, surtout si on veut le faire avec honnêteté.

Les remarques de Zhang, cependant, se situaient entièrement dans le contexte du droit international. Romana Rubeo et moi-même ne pouvions donc pas laisser passer l’occasion de soulever la question lors d’un récent entretien avec le professeur Richard Falk, éminent spécialiste du droit international et ancien rapporteur spécial des Nations unies pour la Palestine.

Richard Falk n’est pas seulement un expert juridique accompli. C’est aussi un intellectuel lucide qui sait tirer les leçons de l’histoire. Il choisit ses mots, mais il n’a pas peur de dire ce qu’il pense.

Ses idées peuvent paraître « radicales », mais seulement par rapport à la bien-pensance étriquée des médias grand public et du monde universitaire. En outre, son discours ne s’appuie pas sur le «sens commun », selon le principe gramscien (*), mais sur le « bon sens », c’est un discours parfaitement rationnel, même s’il est souvent en contradiction avec la pensée dominante.

Nous avons interrogé le professeur Falk sur le droit du peuple palestinien à se défendre et, plus précisément, sur la lutte armée et sa conformité (ou son absence de conformité) avec le droit international.

« Oui, je pense qu’il s’agit là d’une interprétation correcte du droit international, dont l’Occident, dans l’ensemble, ne veut pas entendre parler », a déclaré M. Falk en réponse aux commentaires de M. Zhang à La Haye. « Le droit à la résistance a été affirmé au cours du processus de décolonisation dans les années 1980 et 1990, et cela inclut le droit à la résistance armée. Cependant, cette résistance est soumise au respect du droit international de la guerre. »

D’ailleurs le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule que « C’est pourquoi il est essentiel, pour que l’homme ne soit pas contraint de recourir, en dernier ressort, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression, que les droits de l’homme soient protégés par l’État de droit ».

La situation à Gaza est l’un des exemples les plus flagrants du mépris total d’Israël, non seulement pour les lois de la guerre, mais aussi pour l’ensemble de l’appareil des lois internationales et humanitaires.

Les Palestiniens, quant à eux, sont en état permanent d’autodéfense. Ils sont animés par un ensemble de valeurs différentes de celles d’Israël et sont pleinement conscients de la nécessité de maintenir la légitimité morale de leurs méthodes de résistance.

Ainsi, le « respect des lois de la guerre » implique l’engagement de protéger les civils, de respecter et de protéger les « blessés et les malades… en toutes circonstances », de « prévenir les souffrances inutiles » en limitant « les moyens et les méthodes de guerre » et de mener des attaques « proportionnées », entre autres principes.

Cela nous amène aux événements du 7 octobre 2023, à l’opération Déluge d’Al-Aqsa, dans la région qui enveloppe Gaza, au sud d’Israël.

« Dans la mesure où il existe des preuves réelles d’atrocités accompagnant l’attaque du 7 octobre, celles-ci constitueraient des violations, mais l’attaque elle-même est quelque chose qui, dans son contexte, semble tout à fait justifiable et inévitable », a déclaré M. Falk.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la déclaration ci-dessus est bouleversante. Il s’agit de l’une des distinctions les plus claires entre l’opération elle-même et certaines allégations, dont beaucoup se sont déjà avérées fausses – de ce qui a pu se passer lors de l’incursion transfrontalière de la résistance palestinienne.

C’est pourquoi Israël, les États-Unis et leurs alliés au sein des gouvernements et des médias occidentaux se sont efforcés de dénaturer les événements qui ont conduit à la guerre génocidaire en cours et ont relayé les mensonges sur des viols collectifs, la décapitation de bébés et le massacre insensé de participants innocents à un festival de musique.

En créant ce récit trompeur, Israël a réussi à détourner l’attention des événements qui ont conduit au 7 octobre et à placer les Palestiniens sur la défensive, alors que les israéliens sont accusés d’avoir perpétré des horreurs indicibles contre des civils innocents.

« L’Occident et Israël ont presque réussi à décontextualiser le 7 octobre, de sorte qu’il semble être sorti de nulle part », a expliqué M. Falk. « Le secrétaire général des Nations unies a même été traité d’antisémite pour avoir simplement souligné le fait le plus évident, à savoir qu’il y avait eu une longue histoire d’abus à l’encontre du peuple palestinien avant le 7 octobre. »

Il s’agit d’une référence à la déclaration d’Antonio Guterres selon laquelle le 7 octobre « ne s’est pas produit dans le vide ».

Richard Falk est une figure emblématique et l’un des universitaires et défenseurs du droit international les plus influents de notre époque.

L’histoire de la Résistance n’est pas seulement l’histoire de la résistance armée. La résistance armée n’est qu’une des formes de la longue histoire de résistance populaire qui touche tous les aspects de la société, y compris, la culture, la spiritualité, la désobéissance civile, les grèves générales, les protestations de masse et les grèves de la faim.

Toutefois, si les Palestiniens parviennent à inscrire leur résistance armée – pour autant qu’elle respecte les lois de la guerre – dans un cadre juridique, les efforts visant à délégitimer la lutte palestinienne ou de larges pans de la société palestinienne seront affaiblis et, enfin, vaincus.

En attendant, Israël continue de jouir d’une totale impunité. Les institutions internationales ne font rien, et ce sont les Palestiniens qui continuent d’être vilipendés, au lieu d’être soutenus dans leur lutte légitime pour la liberté, la justice et l’indépendance.

Mais les rares voix courageuses comme celles de Zhang et de Falk, entre autres, finiront sans nul doute par détrôner les discours mensongers.

3 avril 2025 – Middle east Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

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