Lutter contre la « pauvreté énergétique » à Gaza

2021 - Dans le cadre d'un programme des Nations Unies, Ghada Krayem, réfugiée palestinienne, reçoit une formation professionnelle sur l'installation, l'exploitation, la maintenance et la programmation de systèmes solaires photovoltaïques - Photo : UNRWA P/ Mohammed Hinnawi

Par Asmaa Abu Mezied

Les Palestiniens de Gaza souffrent d’une crise énergétique de plus en plus grave en raison du siège permanent imposé par le régime israélien. Ils ont donc adopté différentes stratégies d’adaptation, notamment la technologie de l’énergie solaire pour compenser les pénuries d’électricité.

Téléchargez le document en format PDF.

Introduction

Depuis 2006, les Palestiniens de Gaza souffrent d’une crise énergétique de plus en plus grave en raison du siège implacable du régime israélien. Ils ont donc cherché des sources d’énergie alternatives financées avec l’aide des donateurs, ainsi que par des initiatives gouvernementales et du secteur privé.

Si ces projets peuvent fournir aux Palestiniens des solutions à court terme pour répondre à leurs besoins énergétiques, ils ne s’attaquent pas aux obstacles de base imposés par le siège israélien, ce qui dépolitise la crise énergétique et perpétue le statu quo.

La complexité de la crise énergétique à Gaza dépasse le cadre de cette note d’information. Il s’agit plutôt de contextualiser la crise énergétique plus large de Gaza dans le cadre du siège du régime israélien afin d’examiner de plus près la crise de l’électricité dans l’enclave, ainsi que les stratégies adoptées par les Palestiniens pour y faire face, y compris la technologie de l’énergie solaire.

Comme le montre clairement l’analyse, toute tentative d’adoption de sources d’énergie alternatives dans le contexte d’un siège économique fait peser des charges excessives sur les ménages palestiniens qui souffrent déjà d’un accès limité aux besoins de base.

La note se termine par des recommandations politiques à l’intention des dirigeants palestiniens, de la communauté internationale des donateurs et des défenseurs de l’environnement, afin d’atténuer la crise énergétique à Gaza et de contribuer à l’autodétermination économique des Palestiniens.

Le secteur de l’énergie sous blocus

La politique israélienne consistant à priver les Palestiniens de l’accès à l’énergie est multiforme dans l’ensemble de la Palestine colonisée, entraînant une pauvreté énergétique chronique.

Dans la zone C de la Cisjordanie, le régime interdit aux Palestiniens de se connecter aux réseaux électriques et leur refuse les permis d’installer des systèmes d’énergie solaire.

En 2018, il a également menacé de détruire des projets d’énergie solaire dans les zones A et B – ostensiblement sous la gouvernance de l’Autorité palestinienne (AP) – parce qu’ils n’ont pas été autorisés conformément à la loi israélienne.

À Gaza, non seulement le régime israélien prive les Palestiniens de ressources énergétiques, mais il cible également la seule centrale électrique au diesel dans ce qui s’apparente à une vengeance politique, dévastant systématiquement l’économie de Gaza et les moyens de subsistance des Palestiniens.

Cette situation est d’autant plus préoccupante que les Palestiniens dépendent de plus en plus de l’énergie importée d’Israël.

En effet, entre 2010 et 2020, les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza ont augmenté leurs importations d’électricité en provenance du régime israélien de 56 %, ce qui représente 91 % du total de l’électricité importée. Ce chiffre est 11 fois plus élevé que les achats d’électricité auprès de la Palestine Electric Company à Gaza.

En 2017, les ménages et les entreprises palestiniens, ainsi que la Gaza Power Generating Company (GPGC), ont dépensé 769,7 millions de dollars (22 % du PIB de Gaza) pour des sources d’énergie importées du régime israélien, notamment du pétrole, du diesel, de l’essence, du gaz propane liquide et de l’électricité, entre autres produits et dérivés.

L’approvisionnement de chaque source fluctue en fonction des conditions politiques et économiques qui prévalent.

Par exemple, en 2017, le régime israélien a puni collectivement les Palestiniens de Gaza à la suite du refus de l’Autorité palestinienne de payer les factures d’énergie. D’une moyenne quotidienne de 120 mégawatts (MW), Israël a limité sa fourniture mensuelle d’énergie à Gaza à 70 MW par jour au cours des six derniers mois de 2017.

De même, lors de son assaut sur Gaza en mai 2021, Israël a réduit sa fourniture d’énergie à Gaza à 86 MW par jour.

Il est important de noter que l’accès à l’énergie en Palestine – y compris les sources d’énergie importées telles que les combustibles fossiles, l’électricité et les énergies renouvelables – dépend des stipulations du Protocole économique de Paris (PEP) de 1994, qui garantit le contrôle du régime israélien sur les leviers de l’économie palestinienne.

En effet, la clause 12 du PEP conditionne les importations palestiniennes d’essence au respect des normes européennes et américaines en matière de carburants, appliquées en Israël. Le PEP stipule également que la différence entre les prix de vente de l’essence entre les territoires de 1948, la Cisjordanie et Gaza, ne doit pas dépasser 15 %.

Il est donc devenu de plus en plus inabordable pour l’Autorité palestinienne d’importer du carburant d’autres pays. En conséquence, les Palestiniens paient les prix les plus élevés de la région pour l’énergie, alors qu’ils consomment le moins, ce qui alourdit leurs charges financières. [1]

Le cercle vicieux de l’aide des donateurs

Le refus de la communauté internationale de tenir le régime israélien pour responsable garantit la perpétuation de la dépendance des Palestiniens à l’égard de l’aide des donateurs pour leurs besoins fondamentaux.

Il s’agit notamment des ressources énergétiques qu’Israël bloque à Gaza et des infrastructures vitales qu’il détruit.

En effet, Israël a démoli des projets d’énergie solaire financés par des donateurs dans la ville industrielle de Gaza et des panneaux solaires dans la zone C de la Cisjordanie, mais les donateurs continuent de fermer les yeux sur ces violations tout en déversant de l’aide pour aider les Palestiniens à répondre à leurs besoins de base.

De 2006 à 2009, l’UE a fourni du carburant au GPGC, tandis que le Qatar et la Turquie ont offert des subventions pour couvrir le coût du diesel industriel et la taxe bleue que le régime israélien impose sur les achats de carburant des Palestiniens.

19 août 2020 – Des enfants palestiniens font leurs devoirs à la lueur des bougies, dans leur maison à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza – Photo: Activestills / Mohammed Zaanoun

Bien que l’utilisation de l’énergie solaire soit en constante augmentation à Gaza, 69,2 % des institutions qui l’ont adoptée depuis 2010 ont indiqué qu’elle ne pouvait couvrir que 20 % de leurs coûts de consommation d’énergie.

Aussi essentielle que soit l’aide des donateurs pour les Palestiniens de Gaza, l’absence d’un plan visant à orienter ces investissements vers l’autodétermination des Palestiniens garantit la prolongation du siège israélien.

En fin de compte, en continuant à ignorer les appels des Palestiniens à la souveraineté sur leurs terres et leurs ressources naturelles, et en continuant à protéger Israël de toute responsabilité, les donateurs ne font rien d’autre que d’ancrer l’oppression palestinienne et la pauvreté énergétique.

Le renoncement de la communauté internationale à demander des comptes au régime israélien garantit la pérennisation de la dépendance des Palestiniens à l’égard de l’aide des donateurs pour répondre à leurs besoins essentiels. Il s’agit notamment des ressources énergétiques qu’Israël bloque à Gaza et des infrastructures cruciales qu’il détruit.

En effet, Israël a démoli des projets d’énergie solaire financés par des donateurs dans la ville de Gaza et des panneaux solaires dans la zone C de la Cisjordanie, mais les donateurs continuent de fermer les yeux sur ces violations tout en envoyant de l’aide pour aider les Palestiniens à répondre à leurs besoins humanitaires.

De 2006 à 2009, l’UE a fourni du carburant à GPGC, tandis que le Qatar et la Turquie ont subventionné le coût du diesel industriel et la taxe bleue que le régime israélien impose aux Palestniens sur les achats de carburant.

Bien que l’utilisation de l’énergie solaire soit en constante augmentation à Gaza, 69,2 % des institutions qui l’ont adoptée depuis 2010 ont indiqué que ce mode de production d’énergie ne pouvait couvrir que 20 % de leurs besoins.

Aussi essentielle que soit l’aide des donateurs pour les Palestiniens de Gaza, l’absence d’un plan visant à orienter ces investissements vers l’autodétermination garantit la prolongation du siège israélien.

En fin de compte, en continuant à ignorer les appels des Palestiniens à la souveraineté sur leurs terres et leurs ressources naturelles, et en continuant à écarter Israël de toute responsabilité, les donateurs ne font rien d’autre que de renforcer l’oppression et la pauvreté énergétique des Palestiniens.

Avec un regard plus approfondi sur la crise de l’électricité

Questions structurelles

En 2020, 83,8 % de l’approvisionnement en électricité de la Cisjordanie et de Gaza, et la quasi-totalité de sa demande en combustible, ont été importés du régime israélien. Le reste a été importé de la Palestinian Electricity Transmission Company (5,3 %) et de Jordanie (2,6 %).

Le reste de l’approvisionnement (8,3 %) a été acquis localement à la Palestine Electric Company par l’intermédiaire de GPGC. À Gaza, l’électricité provenant de la GPGC ne représentait que 35 % de l’électricité achetée en 2020, le reste étant importé du régime israélien. [2]

L’approvisionnement en électricité de l’enclave assiégée par la GPGC dépend de la disponibilité de fonds pour acheter le diesel nécessaire à l’alimentation de la centrale. En 2021, le régime israélien a encore restreint l’entrée de carburant à Gaza pendant un mois après le cessez-le-feu de mai 2021 avec le Hamas. Par conséquent, la centrale n’a pu fonctionner qu’à moitié de sa capacité la plupart du temps, produisant en moyenne 65 mégawatts (MW) par jour.

Outre les restrictions de l’approvisionnement en électricité, la demande globale d’électricité à Gaza augmente avec la croissance de la population. Les ménages représentent le pourcentage le plus élevé de la consommation d’électricité (60,69 %) par rapport aux secteurs de l’industrie, des transports et du commerce.

En 2021, alors que la demande moyenne quotidienne d’électricité était de 500 MW, l’approvisionnement moyen n’était que de 190 MW (120 provenant d’Israël et 70 de GPGC), ce qui a entraîné un déficit de 310 MW. Ce déficit est une crise chronique qui touche presque tous les ménages de Gaza.

La crise de l’électricité est aggravée par de fréquentes coupures, qui empêchent les organismes du secteur public de fournir des services de base liés à la gestion de l’eau et des déchets, aux soins de santé et à l’éducation.

Par exemple, les stations d’épuration de Gaza sont souvent incapables de traiter les eaux usées en raison du manque d’électricité, ce qui entraîne le déversement quotidien d’une grande quantité d’eau partiellement traitée dans la mer Méditerranée, menaçant ainsi la vie marine et l’industrie vitale de la pêche à Gaza.

La disponibilité de soins de santé est également gravement affectée par les pénuries d’électricité. Les hôpitaux de Gaza sont souvent contraints de reporter les opérations chirurgicales non urgentes, les délais d’attente atteignant 16 mois en 2021 contre trois mois en 2005.

Les établissements d’enseignement sont également touchés, notamment pendant la pandémie de COVID-19, lorsque les fréquentes coupures de courant ont empêché les enseignants d’utiliser les technologies pour l’enseignement et que de nombreux étudiants ont été contraints d’étudier à la lueur des bougies.

La crise de l’électricité a également un impact sur le secteur privé. Certaines entreprises ont été contraintes de réduire leurs activités ou de cesser complètement de travailler.

D’autres ont fait état d’une augmentation de 30 % des coûts de fonctionnement pour s’approvisionner en électricité à partir d’autres sources pendant les pannes. Les marges bénéficiaires s’en trouvent réduites, ce qui décourage les investissements dans le secteur privé de Gaza.

Pour les travailleurs, la situation est encore plus précaire, nombre d’entre eux étant contraints d’adapter leurs horaires de travail aux horaires de la fourniture d’électricité dans les entreprises et les usines, ou d’accepter des réductions de leur salaire journalier en raison de la diminution de leurs heures de travail.

Effets disproportionnés pour les femmes

Les problèmes structurels décrits ci-dessus mettent également en évidence la corrélation directe entre la pauvreté énergétique et la perpétuation de l’inégalité entre les hommes et les femmes à Gaza. Par exemple, certaines entreprises profitent de la crise pour justifier leur refus d’employer des femmes sous prétexte qu’elles ne seraient pas en mesure de travailler de nuit en cas d’interruption d’électricité pendant la journée.

Cela est dû à la pression patriarcale selon laquelle les femmes qui travaillent devraient le faire moins d’heures et uniquement en journée. [3]

La pénurie d’électricité a également un impact sévère sur le travail domestique, dont les femmes palestiniennes, comme les femmes du monde entier, sont responsables de manière disproportionnée.

En effet, la pauvreté énergétique à Gaza signifie que de nombreuses femmes travaillent encore plus d’heures dans des tâches ménagères non rémunérées, ce qui leur laisse peu ou pas de temps libre – un phénomène connu sous le nom de « pauvreté en temps ». Cette situation entraîne une augmentation du stress et de la pression générale, qui se traduit souvent par des problèmes de santé mentale.

À Gaza, les femmes assument le rôle de soutien de famille et rompent avec les normes culturelles en s’efforçant de joindre les deux bouts. « Chaque jour où vous sortez, vous ne savez pas si vous reviendrez » dit Madleen Kullab les yeux fixés sur la mer, dans le port de Gaza. « C’est une situation difficile. Quand nous approchons du cinquième mille, nous commençons à nous faire tirer dessus. Il y a vraiment beaucoup de risques, mais je le fais parce que je dois le faire ». Kullab, à l’âge de 22 ans, a repris le rôle de son père comme pêcheur et soutien de sa famille, après que les médecins lui ont diagnostiqué une myélite, une inflammation de la moelle épinière qui le laisse handicapé – Photo: Ezz Zanoun/Al Jazeera

En outre, de nombreuses femmes ont recours à des techniques de transformation alimentaire artisanales, telles que la production de fromage. Les fréquentes coupures d’électricité endommagent les appareils électriques nécessaires à ces techniques, ce qui entraîne une détérioration et des coûts de réparation inabordables qui pèsent lourdement sur la famille et les entreprises à domicile.

En outre, en raison des risques de maladies d’origine alimentaire qui peuvent résulter d’aliments périssables mal conservés pendant les longues coupures d’électricité, les femmes sont souvent obligées de faire cuire tous les aliments pour éviter qu’ils ne se gâtent.

Elles sont donc souvent obligées de recourir à des conserves pour nourrir leur famille ou de cuisiner et de cuire au bois, ce qui aggrave les problèmes de santé et d’environnement.

En outre, l’électricité est vitale pour aider les Palestiniens de Gaza à faire face à la crise climatique qui s’aggrave et provoque des températures extrêmes.

Par conséquent, les Palestiniens dépendent de plus en plus des appareils électriques, tels que les ventilateurs et les climatiseurs, pour atténuer la chaleur étouffante de l’été, et des appareils de chauffage pour survivre au froid glacial de l’hiver.

Vivre dans ces conditions climatiques avec une électricité limitée affecte particulièrement les femmes, car ce sont elles qui portent généralement le fardeau de s’occuper de leur foyer et de leur famille, en particulier des enfants et des personnes âgées.

En fin de compte, si tous les Palestiniens de Gaza souffrent des conséquences de la pauvreté énergétique, les effets sur les femmes sont sans aucun doute disproportionnés en raison des inégalités qui prévalent entre les sexes.

Stratégies d’adaptation des Palestiniens

Une étude réalisée en 2021 a révélé que la facture énergétique mensuelle de la moitié des ménages palestiniens soumis à une enquête à Gaza se situait entre 40 et 50 dollars US), soit un cinquième du revenu mensuel moyen des ménages de Gaza, qui s’élève à 342 $. En conséquence, les Palestiniens de Gaza ont mis au point des méthodes pour économiser l’électricité, ce qui leur a permis de réduire leur consommation de moitié par rapport à celle des ménages palestiniens de Cisjordanie.

L’énergie solaire n’est pas étrangère aux Palestiniens de Gaza. Grâce à une moyenne quotidienne de huit heures d’ensoleillement, 88 % des familles de Gaza possédaient des chauffe-eau solaires thermiques en 2004, une pratique adoptée dans les années 1970.

Bien que des chiffres plus récents sur l’ampleur de l’utilisation des chauffe-eau solaires à Gaza ne soient pas disponibles, en 2015, 56,5 % des ménages palestiniens de Cisjordanie et de Gaza utilisaient des chauffe-eau solaires, et en 2017, des enquêteurs ont constaté que les chauffe-eau solaires permettaient aux Palestiniens de Gaza d’économiser 24,8 % de leurs factures d’électricité annuelles.

L’énergie solaire photovoltaïque comme alternative pour la fourniture d’électricité

Depuis 2013, certains Palestiniens de Gaza qui en ont les moyens ont commencé à adopter la technologie solaire photovoltaïque (PV), soit en se connectant à un réseau électrique existant (système en réseau), soit par le biais d’un modèle hybride, soit entièrement hors réseau.

Contrairement aux panneaux solaires thermiques, qui convertissent le rayonnement solaire en chaleur, la technologie photovoltaïque convertit la lumière du soleil en électricité, ce qui permet aux ménages d’alimenter des appareils électriques en plus de chauffer de l’eau.

Bien que les estimations existantes sur la contribution de la technologie photovoltaïque à l’approvisionnement en électricité à Gaza ne soient pas des plus fiables, les enquêteurs ont pu déterminer que le nombre de systèmes photovoltaïques installés à Gaza est passé de 591 en 2015 à 8760 en 2019, tandis que la surface des panneaux solaires est passée de 115 mètres carrés en 2012 à 20 000 mètres carrés en 2019. [4]

Malgré son potentiel, la technologie photovoltaïque est coûteuse. Le prix de l’installation d’un système photovoltaïque hors réseau d’un kilowatt (KW) se situe entre 1000 et 2500 dollars, sans compter les coûts de maintenance.

Ces systèmes couvrent l’éclairage domestique, tandis que le fonctionnement d’autres appareils électriques tels que les réfrigérateurs, les ventilateurs et les machines à laver nécessite une capacité plus importante de trois KW, pour un coût de 3000 à 5000 dollars. En revanche, un KW d’un système en réseau – largement utilisé en Cisjordanie – coûte entre 850 et 1000 dollars. [5]

Au-delà du coût, le régime israélien a régulièrement restreint l’entrée des matériaux nécessaires à l’installation des équipements d’énergie solaire au cours des deux dernières décennies.

De plus, ses attaques successives sur Gaza ont détruit les infrastructures nécessaires à l’installation de ce type de systèmes, dont les bâtiments résidentiels nécessaires pour loger une population en pleine expansion, qui devrait atteindre 3,1 millions d’habitants en 2030.

Combinées à la diminution de la surface des terrains et des toits, ces réalités font qu’il est extrêmement difficile pour la plupart des Palestiniens de Gaza d’envisager l’adoption de la technologie photovoltaïque.

En effet, bien que les Palestiniens de Gaza sont généralement favorables à l’utilisation de l’énergie solaire pour réduire les dépenses des ménages et faire face aux coupures de courant, ils soulignent néanmoins que l’accessibilité et le caractère abordable sont les principaux obstacles à cette utilisation.

Par exemple, les fournisseurs d’énergie solaire indiquent que si l’aide des donateurs a largement couvert les coûts d’installation des systèmes photovoltaïques dans les communautés marginalisées de Gaza, les systèmes fonctionnent à des capacités minimales (un KW), tout juste suffisantes pour l’éclairage.

De leur côté, les employés du secteur public travaillant dans le secteur de la santé ont indiqué que le montant maximum qu’ils peuvent économiser pour l’installation d’un système solaire est de 1300 dollars, ce qui est inférieur au montant nécessaire à l’achat d’un système d’une capacité d’un KW.

L’accès aux sources d’énergie alternatives, en particulier pour l’électricité, est donc un luxe. Dans une société marquée par des divisions socio-économiques croissantes, nombreux sont ceux qui ne peuvent se permettre cette dépense.

Dans les villages et les camps de réfugiés, les familles dépendent des bougies et des réchauds à essence pour alimenter leurs foyers pendant les pannes, des solutions moins coûteuses mais qui peuvent être dangereuses et mettre la vie en danger.

Funérailles des victimes de l’incendie dans le camp de réfugiés de Jabalia à Gaza, ville de Gaza, le 18 novembre 2022 – Photo : Mohammad Asad/Middle East Monitor

Pour rappel entre 2012 et 2022, 35 Palestiniens de Gaza ont été tués et 36 blessés, principalement des enfants et des femmes, suite à des incendies provoqués par des bougies et/ou d’autres flammes nues.

Dans le cadre de son plan stratégique pour 2020-2030, l’Autorité palestinienne de l’énergie et des ressources naturelles (PENRA) s’est fixé l’objectif ambitieux de produire 500 MW d’électricité d’ici 2030, dont 80 % grâce à l’énergie solaire, pour un coût de 650 à 734 millions de dollars.

Initiatives gouvernementales et privées

L’AP a également publié des décrets en 2015 et 2017 pour encourager les investissements du secteur privé dans l’énergie solaire renouvelable. Ces décrets prévoient des incitations fiscales et des investissements pour les entreprises produisant de l’électricité à partir de sources renouvelables, telles que des tarifs de rachat et la facturation avec « compteur intelligent » ou net-metering (seule cette dernière est mise en œuvre à Gaza).

Cependant, le siège israélien et la division politique entre le Fatah et le Hamas créent des disparités dans la mise en œuvre de ces initiatives de financement vert à Gaza.

En effet, les initiatives de la PENRA et de sociétés privées comme le Fonds d’investissement palestinien pour encourager le choix de l’énergie solaire par les ménages se sont principalement étendues à la Cisjordanie.

À titre d’exemple, SUNREF, un projet parrainé par l’UE, a fourni 25 millions d’euros de prêts sans intérêt à des entreprises du secteur privé pour investir dans les énergies renouvelables entre 2017 et 2021 [6], tandis que les entreprises basées à Gaza n’ont reçu qu’environ 6 % de ces prêts. [7]

Par conséquent, l’adoption de la technologie de l’énergie solaire à Gaza a été largement limitée aux établissements de soins de santé, aux institutions publiques et aux entreprises privées qui peuvent supporter les coûts d’installation et d’exploitation.

Mais l’octroi de prêts aux ménages ne résoudrait pas le problème. Le Fonds solaire renouvelable de Gaza, lancé par la Banque mondiale et la PENRA, est une initiative visant à fournir aux petites entreprises et aux ménages des prêts sans intérêt.

Toutefois, la division politique entre le Fatah et le Hamas continue d’éloigner de nombreux Palestiniens de leurs dirigeants, notamment en raison des coupes budgétaires opérées par le gouvernement dans les salaires des fonctionnaires.

Par conséquent, l’initiative du Fonds solaire renouvelable de Gaza, comme d’autres, n’a suscité qu’une faible adhésion de la part des consommateurs, même avec la possibilité de payer en plusieurs fois.

En effet, la compagnie de distribution d’électricité de Gaza a également lancé un projet proposant l’installation de systèmes solaires pour les ménages, payables par mensualités.

Mais le forfait le moins cher est de 1892 dollars sur 28 mois, ce qui dépasse le montant maximum que les employés du secteur public ont déclaré pouvoir économiser pour des systèmes d’énergie solaire.

D’autres entreprises ont emboîté le pas en proposant des programmes de paiement échelonné pour encourager l’adhésion des consommateurs, avec un succès limité.

Comme difficulté supplémentaire, les conditions requises pour bénéficier d’un financement vert – notamment la preuve d’un emploi, d’un salaire régulier et d’un compte bancaire enregistré – signifient que peu de Palestiniens de Gaza peuvent en faire la demande, laissant la majorité d’entre eux dépendre du régime israélien et/ou de l’aide des donateurs pour l’accès à l’électricité.

Cette situation met en évidence l’écart critique entre les politiques du secteur privé, des donateurs et du gouvernement, et les besoins de la population palestinienne de Gaza. Malgré les initiatives mises en œuvre par l’Autorité palestinienne pour réduire la pauvreté énergétique à Gaza, leur portée et leur concrétisation ont été limitées.

Recommandations

Il est impératif de mettre en avant les droits des Palestiniens de Gaza à accéder à l’énergie dans le contexte du siège israélien, de la division politique palestinienne et de la complicité des donateurs. Le débat sur l’adoption de l’énergie solaire comme solution à la crise énergétique à Gaza doit donc être recadré d’une question technique à une question politique, avec la justice et la libération des Palestiniens au centre de ses préoccupations :

  • Les dirigeants palestiniens, les défenseurs de l’environnement et les financeurs doivent concentrer leurs efforts sur l’adoption de mesures de rétorsion à l’encontre du régime israélien et sur la promotion de la souveraineté politique et économique des Palestiniens.
  • L’Autorité palestinienne de l’énergie et des ressources naturelles (PENRA) doit étendre ses initiatives en matière d’énergie solaire aux communautés marginalisées de Gaza, ce qui nécessiterait une coordination entre les dirigeants politiques palestiniens. Il s’agit notamment d’encourager les investissements dans les systèmes d’énergie solaire communautaires et de pousser les municipalités à travailler en collaboration avec la PENRA pour inciter les ménages à passer à l’énergie solaire en leur offrant des exonérations fiscales.
  • Les municipalités et les ministères doivent collaborer avec la PENRA pour intégrer des sources d’énergie diversifiées dans les projets d’urbanisme et de reconstruction à Gaza. Il s’agit notamment d’allouer des terres gouvernementales (y compris des terres waqf, ou terres en donation) pour le développement de systèmes d’énergie solaire, en particulier dans les zones où l’infrastructure électrique est limitée.
  • La PENRA et les autres autorités publiques doivent encourager le secteur privé à fournir des solutions en matière d’énergie solaire. Il s’agit notamment d’offrir des subventions publiques et des incitations fiscales, ainsi que d’utiliser des terrains appartenant à l’État pour des projets d’énergie solaire.
  • Afin de déterminer l’ampleur de la crise énergétique en cours, le Bureau central palestinien des statistiques et les centres palestiniens de recherche sur l’énergie doivent : cartographier et enregistrer tous les systèmes d’énergie solaire installés à Gaza afin de garantir des statistiques officielles et fiables ; couvrir les questions de genre, de conditions socio-économiques et de démographie des ménages, entre autres ; et veiller à ce que ces données informent toutes les initiatives de financement vertes et les projets d’énergie solaire mis en œuvre à Gaza.

Notes :

[1] Dans le même temps le régime israélien poursuit ses initiatives d’écoblanchiment, y compris au niveau régional. Les projets d’énergie solaire font partie de ces efforts, Israël pouvant gagner jusqu’à 435 millions de dollars grâce à eux.
[2] L’électricité de Gaza provient de trois sources principales : les lignes électriques du régime israélien, d’une capacité supposée de 120 MW par jour ; les lignes électriques de l’Égypte, d’une capacité de 30 MW par jour ; et les fournitures d’électricité de la GPGC, alimentée au diesel, d’une capacité de 140 MW par jour.
[3] Ces informations sont basées sur un entretien que l’auteur a mené avec un expert de l’emploi des femmes dans le secteur privé à Gaza.
[4] Le secteur privé (y compris les entreprises manufacturières, les hôpitaux, les grands supermarchés, etc.) et les ménages palestiniens à Gaza sont ceux qui adoptent le plus la technologie solaire photovoltaïque.
[5] Ces informations sont basées sur des entretiens que l’auteur a menés avec différentes parties impliquées, notamment des experts en énergie solaire et des fournisseurs.
[6] SUNREF II, lancé en 2022, s’est engagé à verser 50 millions d’euros en subventions vertes.
[7] Ces informations sont basées sur des entretiens menés avec les autorités de PENRA et les fournisseurs d’énergie solaire du secteur privé.

29 mars 2023 – Al-Shabaka – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah