Samedi dernier il y a eu à Paris trois importantes manifestations. Mais sur les trois, une seule a concentré l’attention des quatre principales chaînes de télévisions officielles qui l’ont toutes suivie en direct, puis en ont discuté pendant près de dix heures d’affilée.
La manifestation contre la réforme du chômage
La première était une manifestation syndicale contre la réforme du chômage qui va bientôt priver entièrement ou partiellement de leur assurance chômage les chômeurs encore indemnisés, c’est-à-dire déjà moins de la moitié d’entre eux. Le soi-disant déficit de l’assurance chômage a été créé volontairement, notamment en obligeant la caisse à financer Pôle emploi. Il s’agit comme dans le cas des autres biens et services de la nation, de la mettre en faillite pour avoir un prétexte pour la supprimer.
Les imbéciles et destructrices mesures Covid ont fait un million de pauvres supplémentaires en France, la destruction de l’assurance chômage va en faire un million de plus. Mais comme disent les cyniques prédateurs que les lobbys portent au pouvoir dans nos démocratures, il faut mieux prendre le nécessaire des pauvres que le superflu des riches. Les pauvres ne peuvent pas se défendre et ils sont infiniment plus nombreux.
Cette manifestation, jugée sans doute trop dangereuse pour le pouvoir en place, a été bloquée et dispersée après quelques contrôles d’identité, des contrôles routiniers dont personne ne songe plus à s’émouvoir dans notre société de surveillance généralisée. Aucune des quatre grandes chaînes d’info ou plutôt de propagande en continue ne l’a mentionnée, même pas par un bandeau évasif en bas d’écran.
La lutte contre la suppression de l’assurance chômage est interdite en Macronie où il devient plus rapide de dire ce qui est permis que ce qui est interdit, une inversion complète du contrat démocratique qui veut que la liberté soit la norme et la privation de liberté l’exception.
Seule RT France, qui joue, chez nous, un peu le rôle d’une chaîne d’opposition, en a parlé. RT France s’est attirée la haine de Macron et sa mafia en devenant la chaîne des Gilets jaunes. Elle a, en effet, été la seule à couvrir de manière équilibrée leurs manifestations et à donner respectueusement la parole à des GJ pour exprimer leurs revendications. Depuis, Macron et ses mignons (*) la poursuivent de leur vindicte. Mais Macron ne peut pas l’interdire, il peut juste la persécuter, car sinon Poutine interdirait aussi les médias français en Russie.
La manifestation de solidarité avec la Palestine
La seconde manifestation a été ignorée des télévisions officielles avec le même ensemble que la première et donc, sans doute, pour obéir aux mêmes ordres. Celle-là a pourtant été la plus spectaculaire des trois. La place de la République, où elle a été cantonnée par ordre du Préfet-estropieur, était noire de monde. Et des milliers de personnes ont manifesté leur soutien à la Palestine dans toute la France. Cette fois encore, seule RT France a couvert les manifestations.
Il faut dire que samedi dernier, les apprentis dictateurs qui nous gouvernent ou plutôt nous répriment, car c’est à peu près tout ce qu’ils font, ont eu faux sur toute la ligne. Notre ministre de l’Intérieur, un petit coq aussi bête que méchant (c’est la marque de la Macronie), avait décidé d’interdire la manifestation pro-palestinienne, en plein milieu des sadiques bombardements israéliens sur Gaza, destinés à assassiner le plus de femmes et d’enfants possible pour se venger du Hamas, l’intrépide mouvement armé de libération de la Palestine.
Israël et ses larbins de la « Communauté internationale » c’est à dire l’Occident de l’ouest, brandissent, sur les plateaux, dans les médias, et dans les organisations internationales, le droit d’Israël à se défendre contre les « terroristes » palestiniens. Comme le souligne Patrick Gathara, qui vit à Nairobi au Kenya et sait de quoi il parle, cela relève de l’imposture : « Les occupants coloniaux ont toujours revendiqué un “droit” à se défendre contre la résistance des communautés autochtones, y compris en commettant des meurtres de masse. L’histoire de la colonisation africaine est jonchée de fosses communes et des cadavres de ceux qui ont osé résister aux Européens, militairement supérieurs ».
Hélas pour les amateurs de la colonisation et du nettoyage ethnique, « l’idée que les impérialistes voleurs de terres ont le droit de terroriser, brutaliser, torturer et assassiner ceux qu’ils dépouillent, sous couvert de ‘légitime défense’ va à l’encontre de la résolution 37/43 de 1982 de l’Assemblée générale des Nations unies, qui reconnaît ‘la légitimité de la lutte des peuples pour l’indépendance, l’intégrité territoriale, l’unité nationale et la libération de la domination et de l’occupation coloniales étrangères par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée’. Cette résolution réaffirme spécifiquement ce droit dans le cas de la lutte palestinienne. »
L’interdiction de la manifestation en soutien de la Palestine ensanglantée, a eu le même effet que la même interdiction en 2014, lors du précédent raid assassin d’Israël contre la population assiégée de Gaza. Les Parisiens, indignés par le massacre, sont quand même sortis dans la rue, et on a assisté à une course poursuite des manifestants par la police dont la répression des opposants est devenue la mission principale, laissant aux assurances le soin de s’occuper de tout le reste (vols, destructions de biens privés et publics, escroqueries en tout genre, etc.).
Les télés officielles ont couvert l’opération de police organisée par la Macronie contre les manifestants pour le plus grand bonheur des habituels squatteurs de plateaux. Ils se sont réjouis en chœur de ce que la police repousse ces empêcheurs de coloniser en rond dans la banlieue d’où ils n’auraient jamais dû sortir, leur arrache leurs bannières, les arrose d’eau et de gaz lacrymogène, les arrête et les embarque.
S’il y avait un concours du deux poids deux mesures, le traitement médiatique de ce que les adorateurs de la brutale et sanguinaire colonisation israélienne appellent pudiquement le « conflit israélo-palestinien », en renvoyant dos à dos les « deux parties » comme s’il n’y avait pas un état colonisateur armé jusqu’aux dents et un peuple colonisé sans défense, gagnerait la coupe. Et pourtant le deux poids deux mesures règne partout, que ce soit en matière politique étrangère ou intérieure, dans notre Ripoublique.
Mais tout cela est en train de changer
D’abord il faut noter que c’est au moment où Israël et ses commanditaires croyaient la « question palestinienne » enterrée, et les Palestiniens définitivement vaincus et même en voie de disparition, que les Palestiniens se sont réveillés. « Enfin unifié, le peuple palestinien ressuscite ! » s’exclame le journaliste palestinien Ramzy Baroud, tout émerveillé par le soulèvement général de la jeunesse palestinienne : “Sans coordination préalable et sans manifeste politique, cette nouvelle génération palestinienne fait maintenant entendre sa voix.”
Elle envoie à Israël et à sa société de droite sectaire le message clair et net que le peuple palestinien n’est pas une victime passive ; que le nettoyage ethnique de Sheikh Jarrah et du reste de Jérusalem-Est occupée, le siège prolongé de Gaza, l’occupation militaire en cours, la construction de colonies juives illégales, le racisme et l’apartheid ne passeront plus inaperçus ; bien que fatigués, pauvres, dépossédés, assiégés et abandonnés, les Palestiniens continueront à tout faire pour préserver leurs droits, leurs lieux sacrés et la sainteté de leur peuple. »
Et c’est le Hamas qui mène désormais le mouvement de libération de la Palestine, comme Arafat l’avait fait en son temps.
Ensuite, le soutien inconditionnel à Israël de l’Empire qui a lui aussi bâti son existence sur le massacre d’un autre peuple, est en train de diminuer. Là aussi, c’est la jeune génération, imbibée de wokenisme qui est à la manœuvre. Philippe Grasset l’analyse finement dans un article intitulé : « Le wokenisme contre Israël ? ». Le mouvement woke est antiraciste, anticolonial et indigéniste et Black Lives Matter en est l’emblème. Or, lundi dernier, après une semaine de bombardements le groupe a tweeté : « “Black Lives Matter est solidaire des Palestiniens… Nous sommes un mouvement engagé à mettre fin au colonialisme de peuplement sous toutes ses formes et nous continuerons à plaider pour la libération de la Palestine. (Nous l’avons toujours fait et nous le ferons toujours). #freepalestine”. »
Black Lives Matter dicte son agenda aux Démocrates étasuniens aussi sûrement que les syndicats de police dictent les lois sécuritaires que votent la Macronie, la droite et l’extrême-droite.
Le wokenisme, qui est devenu l’essence de la bien-pensance progressiste, balaie tout sur son passage et les élites françaises, qui sont parmi les plus colonialistes de la planète, devront rapidement s’aligner, ou disparaître des radars médiatiques …
La marche jaune
La troisième manifestation, celle qui a eu la faveur de nos médias de propagande, était une marche blanche, en hommage à Marjorie, une malheureuse jeune fille de 17 ans, assassinée par un collégien de 14 ans, dont les motivations ne sont pas claires, suite à des « embrouilles » sur les réseaux sociaux selon les mots de l’agresseur.
J’ai regardé la marche sur les quatre grandes chaînes TV, la couverture était exactement la même, à part les noms des commentateurs, tout en suivant, en parallèle, la manifestation pro-palestinienne sur mon ordinateur.
D’abord, la mort de cette pauvre jeune fille est tout aussi choquante que celle de n’importe quelle jeune fille palestinienne, le problème n’est pas là et ne comptez pas sur moi pour participer à la surenchère victimaire à laquelle se livrent les opportunistes de tous poils. Je ne crois pas une seconde que les médias à la solde d’un pouvoir corrompu jusqu’à l’os et qui ne pense qu’à sa survie, éprouvent la moindre compassion pour Marjorie et sa famille. Il s’agit encore et toujours d’instrumentalisation. Et donc la question qui m’intéresse ici, c’est : en quoi la couverture inédite de cette marche sert-elle les intérêts de la classe dirigeante/possédante ? Oui, inédite, car je ne crois pas qu’aucune autre marche blanche ait jamais retenu l’attention de tous les médias dominants pendant dix heures consécutives.
Il s’agissait bel et bien d’effacer, de discréditer, les appels à la justice de la manifestation pro-palestinienne, dont l’emprisonnement sur la place de la République faisait écho à celui des Palestiniens à Gaza, en leur opposant une marche libre, digne, silencieuse et émouvante, qui, elle, n’avait probablement même pas eu besoin d’autorisation pour avoir lieu, tellement elle allait de soi.
Selon un commentateur, le silence des médias s’expliquerait par la crainte que le « conflit-israélo palestinien » ne s’exporte en France, à travers la communauté arabe. Mais ce qui choque cette communauté ainsi que tous ceux qui ont un brin d’humanité, c’est le soutien servile de la Macronie, de la droite et de l’extrême droite à la sanglante occupation israélienne.
La France a détruit la Libye et essayé de détruire Bashar el Assad pour bien moins que cela ! Imaginez que la Russie, la Chine, la Corée du nord, ou le Venezuela fassent 230 morts (dont 65 enfants, 39 femmes et 17 personnes âgées) et 1710 blessés, en pilonnant avec des avions de guerre, pendant 11 jours et 11 nuits, une prison à ciel ouvert dont ils détiennent la clé ! Imaginez qu’un de ces pays aient tué plus de 3000 mineurs depuis l’année 2000 ! C’est inimaginable, n’est-ce pas ? Eh bien quand il s’agit d’Israël cela devient miraculeusement normal et même légitime…
En fait, si la Marche jaune a bénéficié d’une telle couverture, c’est surtout parce que, contrairement à la manifestation de solidarité avec les Palestiniens, elle ne remet aucunement en question les pouvoirs établis. Au contraire même, car la famille de la jeune victime a tenu à souligner l’unique responsabilité des parents : « C’est à nous de nous occuper de nos enfants, pas à l’Éducation ni à la justice. » C’est exactement ce que nous répète la Macronie pour se dédouaner de sa politique d’abandon des populations, des services publics et des biens publics.
Seuls deux services fonctionnent toujours très bien en France : les impôts et la police dans sa fonction répressive. Ils suffisent à l’Establishment néolibéral pour asseoir son pouvoir et achever de dépouiller la France et les Français.
Le désolant meurtre de Marjorie a permis de remettre sur le tapis la manifestation des policiers où le ministre de l’Intérieur est allé manifester contre lui-même, propulsant le « en même temps » de la Macronie à son zénith. Jusqu’ici la Macronie se contentait de commenter l’action politique comme si elle n’était pas au pouvoir, mais maintenant elle milite « en même temps » dans la majorité et dans l’opposition !
On a pu gloser doctement pendant dix heures sur tous les plateaux de la police, de la justice, du contrôle et de la punition des mineurs, et même de la peine de mort qui parait-il revient en force dans les sondages. Sans doute qu’il n’y a pas assez de morts. Il faut que l’État s’y mette aussi !
La moraline a dégouliné et dégouliné. On s’est désolé que la société de consommation pousse les jeunes vers l’avoir et le paraître, au lieu de l’être. On s’est lamenté sur la perte des valeurs de générosité, d’honnêteté, de respect, sur le culte de l’honneur et de la vengeance. « Il faut enseigner aux enfants le respect de la vie des autres ». « On leur donne trop souvent le mauvais exemple ! » ont-osé les plus audacieux des commentateurs, sans toutefois aller jusqu’à « traverser la rue » comme aime à le conseiller Macron, pour dénoncer avec les manifestants de la place de la République un de ces iniquités perpétrées au grand jour et avec la complicité des pouvoirs publics, une de ces injustices qui trahissent toutes les valeurs que nous tentons d’inculquer à nos enfants.
Pendant que les bavardages inutiles et spécieux, les contorsions émotionnelles, les indignations de pure forme, les déclarations d’intention et les conseils sirupeux se multipliaient sur les médias officiels, j’écoutais, de l’autre oreille, sur RT France, les slogans chantés par les participants de la manifestation de soutien à la Palestine : « Nous sommes tous des enfants de Gaza ! Halte à la torture des enfants palestiniens ! Droit au retour des Palestiniens ! Israël apartheid Boycott ! De Paris à Gaza résistance, résistance ! Palestine vivra, Palestine vaincra ! Nous sommes tous des Palestiniens ! Israël assassin, Macron complice ! Solidarité avec le peuple palestinien ! One, two, three, vive la Palestine ! Israël casse toi, la Palestine n’est pas à toi ! Je voyais flotter les drapeaux palestiniens et je lisais les pancartes : Gaza se meurt. Boycott Israël, Stop à la colonisation. Stop à l’État d’apartheid. Solidarité avec la Palestine.
Et mon cœur était rempli de l’espoir que bientôt peut-être l’apartheid israélien s’effondrerait comme s’est effondré l’apartheid afrikaner et que justice serait faite au peuple palestinien dans un seul État où tous les citoyens auraient les mêmes droits sans considération de race, de religion, d’origine sociale ou de sexe.
Le massacre de Gaza vu par la chaîne de service public
Lorsque la Marche jaune s’est terminée vers 17h30, la chaîne d’info du service public, France info, est passée à un sujet beaucoup plus urgent que la manifestation de soutien à la Palestine : « Peut-on se passer du nucléaire ? ». C’est seulement à 18h30, alors que la police a commencé à arriver avec les canons à eau pour disperser la manif, qu’on a vu apparaître un journaliste qui, depuis la place de la République, nous a informés rapidement que, pendant la manif, on avait entendu des cris de soutien au Hamas (ce qui est très mal), mais pas de propos antisémites, ouf !
A 20h30, la question palestinienne a eu droit à 10 mn d’antenne dans l’émission Vrai ou fake de France info, une émission qui vend les fake news officielles en dénonçant des vérités non officielles. Le présentateur, on ne peut pas appeler cela un journaliste, voulait à toute force faire dire à une chercheuse qu’en Israël la liberté de la presse était totale tandis que le Hamas contrôlait toute la communication. Comme elle essayait de résister, il lui a cloué le bec si fermement qu’elle en a bredouillé. Puis il s’est tourné vers un participant résolument pro-israélien. Mais la chercheuse a repris ses esprits et elle a réussi à dire : « Il y a aussi une histoire de contrôle très étroit de la communication par l’armée israélienne. ». Furieux, le petit valet sioniste a rétorqué que les deux armées le font (ce qu’il avait nié précédemment), renvoyant une fois de plus dos à dos l’agresseur et l’agressé.
Dans l’émission suivante, intitulée les Informés, qui est, comme son nom l’indique, un petit chef d’œuvre d’entre soi et de désinformation, on a eu droit au même discours convenu : Le Hamas est un mouvement terroriste et Israël, la seule démocratie du Moyen-Orient, a le droit de se défendre. Michel Toube, un sioniste pur et dur, a même pu dire, sans être contredit, tout le bien qu’il pensait de Trump et des accords d’Abraham, les accords de normalisation entre Israël et les Émirats arabes unis d’une part et entre Israël et Bahreïn d’autre part, qui, entre parenthèse, ont probablement fait long feu avec cette dernière agression israélienne.
Bref à les entendre, tout est de la faute du Hamas et des Palestiniens, car s’ils embrassaient avec ferveur et humilité les bottes couvertes de leur sang des soldats de l’armée d’occupation, Israël ne serait pas obligé de tuer, encore et encore, leurs femmes et leurs enfants pour leur faire entendre raison…
Et vous voulez qu’après ça nos enfants aient le respect de la vie humaine ?
Note :
(*) Des fameux « mignons d’Henri III » subsiste l’image de beaux éphèbes enrubannés, froufroutants et parfumés. Des grands coquets délicats qui, dans le sillage du Roi leur maître, s’adonnent à la débauche et aux plaisirs. Pourtant, sous leurs dehors élégants, les mignons sont de véritables spadassins, parfois fins politiques, d’une fidélité indéfectible. Quant à Henri III, de tous nos Rois, il est celui dont la réputation d’homosexualité est la moins justifiée, et fait partie de ceux dont la personnalité est la plus complexe.
Auteur : Dominique Muselet
24 mai 2021 – Transmis par l’auteure.