Par Tareq S. Hajjaj
Lundi, en fin de journée, 300 000 Palestiniens déplacés de force ont regagné la ville et le nord de Gaza pour la première fois depuis le début de la guerre génocidaire d’Israël.
Une véritable vague humaine s’est engouffrée dans les deux voies de la rue al-Rashid, la route côtière de l’ouest de la bande de Gaza désignée pour le retour vers le nord dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.
Alors que des milliers et des milliers de personnes marchaient à l’ouest, à l’est, les véhicules étaient alignés pare-chocs contre pare-chocs et autorisés à passer après inspection dans la rue Salah al-Din.
Telles étaient les scènes à Gaza lundi, alors que des centaines de milliers de Palestiniens qui avaient été déplacés dans le sud de la bande de Gaza depuis le début de la guerre commençaient à rentrer chez eux.
Les familles qui ont parlé à Mondoweiss ont exprimé leur joie et leurs sentiments d’espoir en traversant le nord de la bande de Gaza, où ce qui restait de leurs maisons les attendait.
Les habitants de la ville de Gaza attendaient leurs proches déplacés venant du sud, brandissant des drapeaux palestiniens et des signes de victoire et accueillant les rapatriés.
« Nous avons tout enduré pendant la guerre et nous sommes restés forts, mais nous avons encore pleuré davantage lorsque nous avons rencontré nos proches après être rentrés chez nous », a déclaré à Mondoweiss Ahmad Hussam, une personne qui est retournée dans le nord de la bande de Gaza.
Depuis vendredi soir dernier, les familles ont démonté leurs tentes dans le sud de la bande de Gaza et se sont dirigées vers le point le plus proche sur l’axe de Netzarim, en attendant de faire le voyage pour retourner chez elles dans le nord de la bande de Gaza.
Nombre d’entre elles ont campé dans le froid pendant la nuit afin d’être les premières à être autorisées à passer.
Conformément à l’accord de cessez-le-feu, les personnes déplacées étaient censées rentrer chez elles dans le nord de la bande de Gaza dimanche matin, mais Israël a fait obstruction à leur retour sous prétexte qu’une prisonnière israélienne, Arbel Yehuda, ne figurait pas parmi les quatre femmes soldats libérées par le Hamas samedi.
Arbel Yehuda n’est pas détenue par le Hamas, mais par le Jihad islamique palestinien à Gaza.
Dimanche, les médias locaux ont rapporté qu’un accord avait été trouvé. La prisonnière israélienne serait remis avant samedi prochain, date à laquelle l’échange régulier de prisonniers est censé avoir lieu.
Lundi soir, le bureau des médias du gouvernement à Gaza a déclaré que 300 000 Palestiniens étaient arrivés dans la ville de Gaza et dans le nord de Gaza en provenance du sud.
« J’ai rêvé de ce moment toutes les nuits »
La joie est palpable parmi les foules qui envahissent le nord de Gaza, retournant chez elles après 15 mois de déplacement.
Fatima Abd Rabbo, 44 ans, porte un sac sur le dos et marche vers le nord. Elle sait que sa maison dans le quartier de Jabalia a été détruite et qu’elle dormira au milieu de ses décombres, mais elle ne peut contenir sa joie d’avoir survécu à 15 mois de guerre génocidaire et que ses enfants reviennent avec elle.
« Mes sentiments aujourd’hui sont indescriptibles ; c’est comme si un poids avait été enlevé de nos épaules », déclare Fatima. « Même si nous ne savons pas ce que nous ferons une fois rentrés chez nous, nous sommes heureux. Nous pouvons tout reconstruire tant que nous sommes sur notre terre et en bonne santé ».
« J’ai rêvé de ce moment toutes les nuits », poursuit-elle en marchant. « Dieu merci, nous avons vécu pour le voir. » « Cette fois, je ne quitterai pas ma maison, quoi qu’il arrive », jure Fatima.
Fatima et sa famille vivent dans une tente à Khan Younis depuis plusieurs mois. Bien qu’elle se dirigeait vers sa maison détruite, elle ne pouvait pas transporter toutes ses affaires à pied. Elle a donc laissé la moitié de ses affaires à Khan Younis, restant sans oreillers, couvertures ou matelas pour dormir.
« Nous avons emporté la moitié de nos biens pour atténuer la difficulté du voyage. Nous savons que nous souffrirons dans le nord et que nous dormirons sur les décombres, mais nous sommes heureux parce que nous allons reconstruire », dit-elle.
Depuis l’est de la bande de Gaza, via la rue Salah al-Din, les voitures se pressent à l’entrée de l’axe de Netzarim.
Akram Safi, 36 ans, est assis dans sa voiture avec sa femme et ses enfants sur la banquette arrière, sa petite fille tenant un morceau de papier déchiré d’un cahier. Sur la page, on peut lire : « Retourner à Gaza, la fierté ».
Akram et sa famille ont attendu dans la voiture pendant deux nuits jusqu’à ce qu’ils puissent entrer dans le nord.
« Je retrouverai ma famille dès mon arrivée. Mes frères et sœurs, nous ne les avons pas vus depuis le début de la guerre », explique Akram à Mondoweiss. « Nous remercions Dieu de nous voir revenir aujourd’hui. Nous avons assez souffert dans les camps de déplacés. »
« Il n’y a pas de douleur comparable à celle d’être privé de sa maison, et il n’y a pas de bonheur comparable à celui d’y retourner », ajoute-t-il.
La première phase de l’accord de cessez-le-feu avec Israël stipule que l’armée israélienne doit se retirer des zones résidentielles de Gaza. Le retrait a commencé à partir de l’axe de Netzarim, qui sépare le nord et le sud de la bande de Gaza, et s’est poursuivi jusqu’à la frontière avec l’Égypte et la zone tampon autour de la bande de Gaza.
Après la première phase, qui durera 42 jours, deux autres phases devraient être mises en œuvre, dans le but de mettre un terme définitif à la guerre. Les négociations pour la deuxième phase devraient commencer le seizième jour de la phase actuelle.
Hasan Suleih a recueilli des témoignages à Gaza pour ce rapport.
Auteur : Tareq S. Hajjaj
* Tareq S. Hajjaj est un auteur et un membre de l'Union des écrivains palestiniens. Il a étudié la littérature anglaise à l'université Al-Azhar de Gaza. Il a débuté sa carrière dans le journalisme en 2015 en travaillant comme journaliste/traducteur au journal local Donia al-Watan, puis en écrivant en arabe et en anglais pour des organes internationaux tels que Elbadi, MEE et Al Monitor. Aujourd'hui, il écrit pour We Are Not Numbers et Mondoweiss.Son compte Twitter.
27 janvier 2025 – Mondoweiss – traduction : Chronique de Palestine
Soyez le premier à commenter