Par Adnan Abu Amer
Il semble que les élections internes tenues par le Hamas en mai ne soient plus une affaire exclusivement palestinienne. De nombreux dirigeants régionaux ont félicité les dirigeants du Hamas après qu’Ismail Haniyeh ait été élu responsable du bureau politique du Hamas en Palestine et à l’étranger et après qu’Yahya al-Sinwar ait été élu responsable du bureau politique du Hamas dans la bande de Gaza en février dernier.
L’Iran a félicité le Hamas en dépit de la relation plutôt tiède qui prédominait suite à des vues divergentes depuis 2012 sur la guerre en Syrie. Il semble que l’Iran soit optimiste quant à la capacité de la nouvelle direction du Hamas à rétablir de solides relations entre les deux parties.
Plusieurs officiels iraniens ont fait référence au Hamas après l’élection de leur nouveau leadership, le plus récemment étant le 29 mai lorsque Ali Larijani, responsable de l’Assemblée consultative islamique iranienne, a félicité Haniyeh pour son élection en tant que chef du mouvement. Larijani a souligné par la même occasion que l’Iran considèrait que le soutien à la lutte du peuple palestinien était une priorité absolue, en louant la fermeté du Hamas et de Gaza.
Le 10 mai, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a envoyé un télégramme de félicitations à Haniyeh, mettant en exergue le soutien indéfectible de l’Iran à la résistance palestinienne. De son côté, l’administrateur général de l’Assemblée consultative islamique, Hossein Amir-Abdollahian, a envoyé un télégramme similaire à Haniyeh le même jour.
Le général Qasem Soleimani, commandant de la Force Qods du Corps de la Garde révolutionnaire islamique, a envoyé un message de félicitation à Haniyeh le 8 mai, disant qu’il attendait avec impatience ce qu’il a qualifié d’une administration judicieuse du nouveau leadership du Hamas pour mener à bien l’intégration du mouvement dans ce qu’il a décrit comme une alliance dans l’axe de résistance sous la conduite de l’Iran.
Khaled Kaddoumi, représentant du Hamas en Iran, a déclaré à Al-Monitor: “Avec le début de l’année 2017, la relation entre le Hamas et l’Iran est entrée de plein pied dans une nouvelle phase positive, laissant derrière elle les complications passées. Aujourd’hui, le Hamas ouvre un nouveau chapitre avec l’Iran. Les deux parties savent bien que la période à venir est grave et devra être traitée différemment. Indépendamment de son ampleur, le soutien politique, financier et militaire fourni par l’Iran au Hamas n’a jamais cessé – et bien que cette relation ne dépende pas du changement de direction du Hamas, les récentes élections internes aideront certainement le mouvement à renouveler ses relations avec les Arabes et les partis islamiques”.
Les informations sur un rétablissement progressif des relations du Hamas avec l’Iran ont coïncidé avec les déclarations du Cheikh Hussein al-Islam, ministre adjoint des Affaires étrangères, le 30 avril, décrivant les actions de l’Autorité palestinienne contre Gaza comme un crime commis sous les ordres des États-Unis et d’Israël. Dans le même temps, Nabil Abu Rudeina, porte-parole de l’ex-président palestinien, a condamné l’hostilité iranienne contre Mahmoud Abbas, accusant l’Iran de pousser à la division palestinienne.
Walid al-Moudallal, professeur de science politique à l’Université islamique de Gaza et responsable du Centre d’études politiques et de développement, a déclaré à Al-Monitor: “Avec les récentes élections au Hamas, ceux qui ont appelé au rapprochement du mouvement avec l’Iran ont le vent en poupe. La route est maintenant tracée pour une pleine reprise des relations avec tout le soutien financier et militaire qui en dépend. De plus, le sommet saoudien auquel a participé le président américain Donald Trump le 21 mai, au cours duquel il a qualifié le Hamas de groupe terroriste, pourrait inciter ceux qui avaient toujours des doutes à pousser finalement à un rapprochement avec l’Iran”.
Il a ajouté: “La région a été divisée en deux camps. Le premier comprend les pays du Golfe, l’Égypte, la Jordanie et l’Autorité de Ramallah, tandis que le second comprend l’Iran, le Hezbollah et le Hamas. Les dirigeants du Hamas résidant au Qatar risquent à présent de devoir déménager à Téhéran à cause de la pression croissante sur Doha, qui est accusé par certains pays voisins, comme l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte, de soutenir le terrorisme et de donner refuge aux dirigeants du Hamas”.
Abdullatif al-Kanou, porte-parole du Hamas à Gaza, a déclaré à Al-Monitor: “Les relations entre le Hamas et l’Iran se sont récemment améliorées. Notre mouvement est désireux de développer la relation pour mieux servir la cause palestinienne. Si les dirigeants du Hamas doivent faire une tournée à l’étranger bientôt, ils pourraient se rendre à Téhéran, d’autant plus que le Hamas espère que le soutien financier et militaire de l’Iran ira en augmentant, dans l’intérêt de la résistance palestinienne”.
Au cours des dernières années, le Hamas a montré beaucoup de circonspection sur ses relations régionales. Il évitait d’être trop proche de l’Iran afin de ne pas incommoder l’Arabie saoudite et les États sunnites, tout en évitant de couper tous les liens avec Téhéran de peur de se retrouver sans son soutien financier et militaire – lequel a pu sans doute diminuer mais sans jamais cesser, bien qu’il n’y ait pas de données très précises.
Mukhaimer Abu Saada, professeur de science politique à l’Université d’al-Azhar à Gaza, a déclaré à Al-Monitor: “La situation dans laquelle le Hamas s’est retrouvé ces dernières semaines – suite aux sanctions de l’Autorité palestinienne et à la pression croissante contre Gaza, l’amélioration des relations arabo-américaines et leur impact négatif sur le Hamas et l’Iran – poussera le mouvement palestinien de la résistance islamique et Téhéran à se rapprocher”.
Un membre de l’Assemblée consultative islamique de l’Iran a déclaré à Al-Monitor sous réserve de l’anonymat: “Le fait que l’Iran ait bien accueilli les récentes élections au Hamas signifie qu’il considère à présent que les dirigeants du Hamas ont accepté de se tourner vers Téhéran après avoir écarté tout ce qui faisait auparavant obstacle au mouvement pour rejoindre l’axe de la résistance. Téhéran est persuadé que Haniyeh et Sinwar aideront leur mouvement à surmonter tous les obstacles qui ont maintenu le Hamas à distance de l’Iran”.
Les événements successifs dans la région peuvent avoir un effet négatif sur le Hamas, car il peut se retrouver dans l’œil du cyclone après que les États-Unis l’aient placé dans la même catégorie que l’Iran, le Hezbollah et l’État islamique. Cela pourrait le mettre face à de nouvelles politiques d’ostracisme qui renforceraient alors grandement sa volonté de rétablir des liens avec l’Iran. Le Hamas pourrait se retrouver dans une machine à voyager dans le temps qui le renverrait en 2012 avant sa prise de distance avec Téhéran, adoptant des positions politiques qui ne lui laisseront d’autre choix qu’une totale normalisation avec Téhéran .
* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé en Histoire de la question palestinienne, sécurité nationale, sciences politiques et civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.
2 juin 2017 – Al-Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah