Par Asma Barakat
Depuis le 6 octobre, les forces d’occupation israéliennes se sont rapprochées du nord de Gaza, intensifiant le siège, le déplacement et le massacre des Palestiniens dans les zones de Jabalia, Beit Lahiya et Beit Hanoun. L’armée israélienne a assassiné au moins 770 Palestiniens dans le nord, au cours de cette dernière vague de violence coloniale, comme le rapporte Al Jazeera.
Alors que le siège dans le nord entre dans sa troisième semaine, les hôpitaux et le personnel médical sont débordés par l’arrivée massive de blessés et de morts. Face à l’escalade de la brutalité du régime sioniste, les responsables palestiniens de Gaza ont déclaré : « Nous ne savons pas combien de personnes le régime sioniste a tuées : « Nous n’arrivons pas compter le nombre de personnes assassinées. Les chiffres sont terrifiants ».
Dans le même temps, les trois hôpitaux du nord encore partiellement opérationnels ont été bombardés et l’armée israélienne a ordonné leur évacuation.
Le ciblage des hôpitaux n’est pas seulement illégal, il a un terrible effet multiplicateur sur le nombre de morts car les hôpitaux servent aussi d’abris pour les personnes déplacées depuis le début du génocide.
Les massacres constants commis par le régime israélien, associés à une famine délibérément provoquée et aux déplacements forcés, ont créé une situation absolument sans issue pour tous les habitants de Gaza, qui n’ont plus aucun espoir de voir leur martyr s’adoucir.
Il y a cependant encore des journalistes qui s’efforcent de documenter la réalité dans le Nord. En début de semaine, Anas al-Sharif, éminent journaliste d’Al Jazeera, a partagé des photos d’hommes et d’enfants palestiniens rassemblés à Jabalia.
L’arrestation massive a eu lieu juste devant l’hôpital indonésien, l’un des hôpitaux détruits par l’armée israélienne, dont j’ai parlé plus haut. Des images montrent des Palestiniens encerclés par des chars et forcés de marcher vers l’endroit où ils seront arbitrairement détenus.
D’autres rapports en provenance de Jabalia montrent un grand trou, creusé près de l’hôpital indonésien, dans lequel les Palestiniens ont été forcés de s’asseoir, les yeux bandés et menottés.
Le photojournaliste Yousef Labad a rapporté le témoignage d’une mère palestinienne à Jabalia.
Elle a raconté que l’armée d’occupation avait enlevé les enfants à leurs mères et les avaient mis dans une fosse. Un char militaire a ensuite fait le tour de la fosse, en poussant du sable et de la terre dans le trou, tandis que les enfants et leurs mères criaient.
La mère a ensuite raconté à Labad que les soldats ont ensuite attrapé les enfants et les jetés au hasard sur les femmes. Lorsqu’une femme recevait un enfant, elle devait partir immédiatement.
Elle a ajouté que de nombreuses mères se sont retrouvées à porter des enfants qui n’étaient pas les leurs, en laissant leurs enfants aux mains d’autres femmes.
Les personnes qui n’avaient pas été enlevées et détenues ont de nouveau été contraintes de se déplacer. Les forces sionistes ont poursuivi leur campagne de nettoyage ethnique systématique dans le nord, vidant les abris des réfugiés et forçant les femmes et les enfants à partir vers le sud, sous les bombardements de l’armée.
En plus de Jabalia, les frappes aériennes israéliennes ont également visé des immeubles résidentiels à Beit Lahiya, tuant et blessant plus de 100 personnes.
Suite aux reportages de ses collègues à Gaza, la journaliste Samira Mohyeddin, basée à Toronto, a écrit : « Chaque fois que je me dis ‘je n’ai jamais rien vu d’aussi horrible’, Israël crée un nouvel enfer. Les images en provenance du nord de Gaza ce soir crèvent le cœur. De la peau brulée. Des tendons. Des intestins. Des membres difformes et des décombres. Enfant après enfant après enfant, tous empilés les uns sur les autres ».
Le 22 octobre, Anas al-Sharif a informé Middle East Eye de la situation désastreuse à Beit Lahiya.
Al-Sharif a indiqué que plus de 150 000 personnes, déplacées de force, se trouvent actuellement à Beit Lahiya. Il a ajouté que l’armée israélienne utilise les déplacements forcés pour créer des zones densément peuplées, qu’elle appelle des « zones d’extermination », et tuer ceux qui s’y trouvent.
Comme les journalistes l’ont répété au cours de l’année écoulée, les nouvelles et les images qui parviennent à Gaza ne sont qu’un petit aperçu des horreurs perpétrées par l’Etat génocidaire.
Euro-Med Monitor a publié une déclaration sur les atrocités du mois dernier, ajoutant que « la communauté internationale, y compris l’ONU, est complice du plus odieux des crimes, le génocide, parce que la grande majorité de ses membres n’ont rien fait pour mettre un terme à ce qui se passe ».
En raison de la complicité de la communauté internationale avec la machine à tuer sioniste, Israël s’est senti assez puissant pour cibler publiquement les quelques journalistes de Gaza qui restent, après avoir délibérément assassiné leurs collègues.
Les autorités israéliennes d’occupation ont publié les noms de six journalistes palestiniens restés dans le Nord, les accusant d’être des combattants de la résistance à Gaza et d’être affiliés au Hamas et au Jihad islamique.
Il s’agit là d’un autre mythe éculé de la boîte à outils sioniste. En réalité, Israël vient d’annoncer son intention d’assassiner ces journalistes pour avoir dénoncé la campagne d’extermination qu’il mène dans le Nord, et il compte sur la soi-disant presse occidentale pour fabriquer le consentement à l’incontestable menace d’assassinat.
L’un des journalistes cités, Hossam Shabat, a qualifié cette déclaration de « tentative flagrante et belliqueuse de nous transformer, nous les derniers témoins du Nord, en cibles à abattre ».
Il nous rappelle que cette tactique n’est pas nouvelle et ajoute : « après avoir assassiné notre collègue Ismail Al Ghoul, Israël a publié un document affirmant qu’il avait reçu un grade militaire le 1er juillet 2007, date à laquelle il n’avait que 10 ans ».
S’il est besoin d’une autre preuve pour montrer à quel point la situation dans le nord est dramatique, la défense civile palestinienne a été obligée d’interrompre cette semaine toutes ses opérations dans le nord de Gaza pour la première fois depuis le début du génocide.
Des centaines de milliers de personnes sont désormais privées de tout service humanitaire. Cette annonce intervient après que les forces de l’occupation israélienne ont enlevé cinq membres de la défense civile et pris pour cible le dernier camion de pompiers encore en état de marche dans le secteur nord de Gaza.
Dans un récent rapport, les Nations unies ont constaté que le génocide avait ramené Gaza près de 70 ans en arrière, soit presque à l’époque de la Nakba.
Philippe Lazzarini, chef de l’UNRWA, a également fait part de son sentiment sur l’escalade actuelle, en écrivant : « Dans le nord de Gaza, les gens attendent simplement de mourir. Ils se sentent abandonnés, perdus et désespérés.
Ils vivent d’une heure à l’autre dans la terreur, sachant que la mort les menace à chaque instant ».
Le monde ne peut tout simplement plus fermer les yeux sur le plan sioniste d’éradiquer toute trace de vie palestinienne à Gaza. Le sionisme est, par définition, un projet de nettoyage ethnique de la Palestine par la famine, le déplacement et le meurtre systématique des Palestiniens.
Auteur : Asma Barakat
* Asma Barakat est la co-créatrice d'une archive d'histoire orale intitulée « Rooted in Palestine ». Asma est titulaire d'une maîtrise en sociologie de la New School et d'une licence en sciences politiques de l'université d'État de Montclair.
24 octobre 2024 – The Palestine Studies – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet