La nouvelle « normalité » pour les Israéliens, c’est de massacrer les Palestiniens

28 juillet 2024 - Des Palestiniens participent aux funérailles d'Ali Bassam Hashash, 24 ans, et de Luay Mohammad Mesheh, 17 ans, tués la veille par les forces coloniales israéliennes lors de multiples raids militaires dans le camp de réfugiés de Balata, en Cisjordanie. Mesheh a été tué par un missile tiré par un drone israélien. Au cours des raids, les combattants de la résistance palestinienne ont échangé des tirs avec les forces israéliennes. A cette date, les forces coloniales israéliennes ont assassiné 591 Palestiniens, dont 143 enfants, en Cisjordanie depuis le début de l'attaque militaire israélienne contre la bande de Gaza le 7 octobre 2023 - Photo : Wahaj Bani Moufleh / Activestills

Par Ramzy Baroud

L’idée selon laquelle la guerre israélienne contre Gaza est essentiellement menée et soutenue par et pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, domine depuis un certain temps les analyses politiques sur le sujet.

Cette idée est souvent entretenue par l’opinion publique en Israël. La plupart des sondages réalisés depuis le début du génocide israélien des Palestiniens de Gaza suggèrent qu’une majorité écrasante d’Israéliens pensent que les décisions de Netanyahu sont motivées par des intérêts personnels, politiques et familiaux.

Cette conclusion est toutefois trop facile et pas tout à fait exacte. Elle suppose, à tort, que le peuple israélien s’oppose à la guerre de Netanyahu à Gaza alors qu’en réalité, il approuve tous les procédés utilisés par l’armée israélienne jusqu’à présent.

Par exemple, plus de 300 jours après le début de la guerre, 69 % des Israéliens soutiennent les meurtres décidés par Netanyahou, y compris le meurtre du principal dirigeant politique du Hamas, Ismail Haniyeh, qui a été assasinats à Téhéran le 31 juillet. Si la décision de Netanyahu de cibler un dirigeant politique reflète son propre échec, comment expliquer l’enthousiasme du peuple israélien pour l’aggravation du cycle de la violence ?

La connivence entre le fascisme et le sionisme a une longue histoire

La réponse ne réside pas dans les événements du 7 octobre, à savoir l’incursion palestinienne dans les colonies entourant Gaza et la défaite sans précédent de l’armée israélienne. Il est temps en effet, de commencer à penser au-delà des limites de la théorie de la vengeance, qui a dominé notre compréhension et notre analyse du génocide israélien à Gaza.

Pendant les années qui ont précédé la guerre actuelle, Israël a lentement évolué vers la droite et l’extrême droite, dont l’extrémisme politique a dépassé celui de toutes les générations de dirigeants sionistes qui ont gouverné l’État d’occupation depuis le nettoyage ethnique des Palestiniens en 1948.

Selon un sondage de l’Institut israélien de la démocratie publié en janvier de l’année dernière, 73 % des Juifs israéliens âgés de 18 à 24 ans s’identifient comme étant « de droite ». Étant donné que les ministres israéliens actuels Itamar Ben-Gvir, Bezalel Smotrich et Orit Strook sont également classés comme étant « de droite », nous pouvons conclure que la majorité des jeunes Israéliens s’identifient, dans tous les sens du terme, à des extrémistes ouvertement fascistes.

Ce sont eux qui mènent le génocide à Gaza et les pogroms quotidiens en Cisjordanie occupée, et qui servent de fantassins aux campagnes de racisme généralisé visant les communautés arabes palestiniennes à l’intérieur d’Israël.

De nombreux analystes ont tenté d’expliquer comment Israël est devenu une société résolument d’extrême-droite et comment les jeunes, en particulier, sont devenus les gardiens de la version israélienne du nationalisme suicidaire.

L’explication devrait pourtant être simple. L’extrême droite israélienne n’est que l’évolution naturelle de l’idéologie sioniste qui, même dans ses formes les plus « libérales », a toujours été fondée sur la haine ethnique, le sentiment de suprématie raciale et la violence incessante.

Bien que le sionisme idéologique, dans toutes ses manifestations, ait essentiellement suivi la même trajectoire de colonisation et de nettoyage ethnique, un conflit existait entre les différents courants de la société israélienne.

Les prétendus « libéraux » – représentés par les échelons supérieurs de l’armée, les milieux d’affaires et certains groupes politiques prétendument centristes et de gauche – s’efforçaient de maintenir l’équilibre entre un régime colonial et d’apartheid en Palestine occupée et un ordre libéral sélectif qui ne s’applique qu’aux Juifs à l’intérieur d’Israël.

L’extrême droite avait d’autres idées. Pendant de nombreuses années, le camp de la droite israélienne, dirigé par Netanyahu lui-même, a perçu ses ennemis idéologiques en Israël comme des traîtres pour avoir osé s’engager dans un « processus de paix » avec les Palestiniens, même si ce processus n’était qu’une farce depuis le début.

La droite voulait s’assurer que la contiguïté territoriale entre « Israël proprement dit » et les colonies juives illégales n’était pas seulement physique, mais aussi idéologique. C’est ainsi que les colons sont passés lentement, au fil des ans, des marges vers le centre de la politique israélienne.

Entre avril 2019 et novembre 2022, Israël a connu cinq élections générales. Bien que l’attention de la plupart des gens soit restée fixée sur le rôle de Netanyahu dans la division de la société israélienne, les élections étaient en réalité une lutte historique entre les groupes idéologiques d’Israël pour déterminer l’avenir du pays et l’orientation du sionisme.

Pour en finir avec la farce du « mouvement démocratique israélien »

Lors des dernières élections, en 2022, l’ultra-droite fascisante l’avaient emporté, formant le gouvernement israélien le plus stable depuis des années. Alors que ce courant était prêt à reconfigurer Israël de manière définitive, y compris ses institutions politiques, éducatives, militaires et, surtout, judiciaires, le 7 octobre s’est produit.

Dans un premier temps, l’assaut mené par le Hamas et ses conséquences ont constitué un défi pour tous les segments de la société israélienne : l’armée humiliée, les services de renseignement dévalorisés, les politiciens humiliés, les médias en pleine confusion et les masses en colère.

Mais le plus grand défi a été relevé par l’extrême droite, qui était sur le point de façonner l’avenir d’Israël pour des générations.

Ainsi, la guerre de Gaza n’est pas seulement importante pour Netanyahu, mais pour l’avenir même du fascisme israélien, dont tout le programme politique et idéologique a été brisé, très probablement sans espoir de salut.

Cela devrait contribuer à expliquer les contradictions évidentes de la société israélienne. Par exemple, la méfiance à l’égard des motivations de Netanyahu, mais la confiance dans la guerre elle-même, la critique généralisée de son échec global, mais l’approbation de ses actions … et ainsi de suite.

Cette apparente confusion ne peut s’expliquer simplement par la capacité de Netanyahu à manipuler les Israéliens. Même si la droite israélienne a perdu toute confiance en Netanyahu, sans lui comme figure unificatrice, les chances du camp d’extrême droite de se racheter sont perdues, tout comme l’avenir même du sionisme.

6 août 2024 – The Middle-East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah