Par Jalal Abukhater
Ces dernières semaines, certains pays ont réussi à ralentir la propagation de COVID-19 à l’intérieur de leurs frontières, et ont réussi à assouplir leurs mesures de confinement. Toutefois, de nombreux autres pays ont connu une deuxième vague d’infections et continuent de se battre pour réduire le nombre de nouveaux cas de coronavirus.
Malheureusement, les territoires palestiniens sous occupation font partie de ce dernier groupe.
Après avoir imposé des mesures sévères dès le début de la première vague d’infections, Israël et les territoires palestiniens occupés semblaient avoir maîtrisé l’épidémie, chacun ne signalant que quelques dizaines de nouveaux cas par jour durant le mois de mai. Mais un assouplissement des restrictions a entraîné une nouvelle et régulière augmentation du nombre de cas depuis la mi-juin.
Cela a provoqué panique et confusion, tandis que les autorités se sont empressées de trouver des méthodes plus efficaces pour maîtriser la propagation du virus.
Mais il est particulièrement difficile d’endiguer la propagation du coronavirus en Palestine en raison de l’occupation militaire israélienne, de la situation d’apartheid et de la dévastation économique qui en résultent.
La forte détérioration de la coordination entre les responsables israéliens et palestiniens après qu’Israël a menacé d’annexer de grandes parties de la Cisjordanie occupée a aggravé une situation déjà grave. Le refus de l’Autorité palestinienne d’accepter les recettes fiscales d’Israël en raison de ses plans d’annexion a fait que les employés du secteur public n’ont pas touché de salaires complets depuis le mois de mai, ce qui a accentué la pression sur l’économie locale pendant le blocage.
La structure administrative éclatée de la Cisjordanie occupée – où la zone A est supposée être administrée par l’Autorité Palestinienne (AP), la zone B à la fois par l’AP et par Israël, et la zone C exclusivement par Israël – a rendu impossible pour les dirigeants palestiniens l’imposition de mesures préventives efficaces. L’incapacité de l’AP à accéder pleinement aux zones B et C, qui représentent près de 80 % de la Cisjordanie, l’a empêchée de faire appliquer une stratégie globale de confinement face au coronavirus.
La récente augmentation des cas de contamination dans les territoires occupés a été largement imputée à la poursuite des mariages, des funérailles et autres formes de rassemblements ainsi qu’aux Palestiniens se rendant en Israël pour travailler. Reconnaissant qu’elle est impuissante à imposer des mesures de confinement du virus dans les zones sous contrôle israélien, l’AP a demandé à des militants de terrain, à des familles influentes, à des chefs de clans et de tribus de l’aider à sensibiliser le public et à prévenir les grands rassemblements.
La situation dans la ville d’Hébron en Cisjordanie, la région la plus touchée par la deuxième vague d’infections, apporte une preuve supplémentaire de l’effet dévastateur de l’occupation sur la capacité de l’AP à contenir le virus. Le protocole d’Hébron de 1997 signé entre Israël et l’AP a divisé la ville en deux zones : H1 et H2. La zone H1 est contrôlée par l’AP, mais la zone H2 est sous contrôle militaire israélien.
Au cours de la première vague d’infections, l’AP a imposé un strict verrouillage en H1, mais les autorités israéliennes n’ont pas suivi la même stratégie en H2. Ainsi, alors que certains magasins et sites ont été fermés de force, d’autres, parfois situés de l’autre côté de la même rue, ont été autorisés à poursuivre leurs activités comme si de rien n’était. Cela a causé beaucoup de confusion et de frustration pour les habitants de la ville et a multiplié la propagation du virus.
En outre, le 21 juillet, alors que le ministère palestinien de la santé enregistrait une augmentation quotidienne moyenne de 400 cas en Cisjordanie et à Jérusalem-Est sous occupation – 80 % des cas détectés étant enregistrés à Hébron – les autorités israéliennes ont démoli un centre de quarantaine et de tests de détection de COVID-19 dans la ville.
Un autre centre de test dans le quartier de Silwan à Jérusalem a été perquisitionné et fermé par les autorités d’occupation à la mi-avril.
Alors que la population palestinienne était soumise à un nouveau verrouillage strict en juillet, les forces israéliennes ont continué à mener des raids la nuit sur les zones palestiniennes, sans tenir compte de la gravité de la crise. Ramallah, Jénine, Bethléem et d’autres villes palestiniennes ont fait l’objet de multiples raids tout au long du mois, et un grand nombre de Palestiniens ont été arrêtés arbitrairement.
Le 18 juillet, les forces israéliennes ont également mené un raid de nuit sur le camp de réfugiés d’Al-Jalazon, où plus de 150 cas COVID-19 ont été enregistrés et où environ 14 000 personnes sont forcées de vivre dans des espaces très restreints avec peu de possibilités de maintenir une certaine distanciation. Les jeunes et les volontaires du camp ont multiplié leurs efforts pour contrôler la propagation du virus dans le camp, mais le raid israélien et les affrontements et arrestations qui ont suivi ont mis un terme à leurs efforts.
Les Palestiniens de Jérusalem-Est ont également été rendus plus vulnérables au virus en raison des activités et des politiques des autorités israéliennes d’occupation. Dans un document d’information du mois de juillet, Medical Aid for Palestinians, Al-Haq et le Jerusalem Legal Aid and Human Rights Centre ont souligné comment “la réponse discriminatoire d’Israël au COVID-19 à Jérusalem-Est, associée à un total irrespect de longue date des droits de l’homme fondamentaux des habitants, a aggravé la vulnérabilité des Palestiniens à la pandémie”.
Dans leur document commun, les ONG ont expliqué comment les politiques israéliennes ont entraîné “de longs retards dans l’ouverture de centres de dépistage pour les Palestiniens à Jérusalem-Est, des retards dans la mise à disposition d’installations de quarantaine, le harcèlement, les arrestations et la persécution des volontaires locaux distribuant du matériel d’aide et des produits alimentaires, l’interdiction d’initiatives communautaires visant à contenir le COVID-19 et à sensibiliser à la pandémie, et l’incapacité dès le début à fournir des données sur le nombre et le taux d’infection dans les communautés palestiniennes, ainsi qu’à diffuser des informations et des conseils au public arabophone”.
La plupart des craintes que les Palestiniens avaient manifesté au début de la pandémie en mars se sont concrétisées au cours des dernières semaines. Le virus s’est maintenant propagé de manière incontrôlée dans des villes et les agglomérations très peuplées. Il a également frappé des camps de réfugiés, très vulnérables et surpeuplés, dans toute la Cisjordanie et où la distanciation sociale n’est pas possible.
Les Palestiniens des territoires occupés sont conscients que leurs capacités dans le secteur de la santé sont maigres en comparaison avec celles des nations plus développées qui ont pourtant été dévastées par la pandémie. C’est pourquoi ils craignent que le pire soit encore à venir.
Ils sont en colère contre l’AP pour ne pas avoir pu les protéger de ce virus mortel, mais ils sont également conscients que l’occupation israélienne rend la gestion de la situation presque impossible pour les dirigeants palestiniens.
Auteur : Jalal Abukhater
* Jalal Abukhater est Jérusalemite. Il est titulaire d'une maîtrise en relations internationales et en politique de l'Université de Dundee, en Écosse. Son compte Twitter.
30 juillet 2019 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine