Où trouver de l’espoir dans toute cette abomination ?

4 janvier 2024 - Une fillette palestinienne fait ses adieux à son père Abdullah Al-Dali au complexe médical Nasser à Khan Younis, à Gaza, tandis que d'autres Palestiniens pleurent leurs proches, également tués après que les forces coloniales israéliennes ont bombardé plusieurs zones la nuit précédente. Au cours des dernières 48 heures, les frappes aériennes israéliennes ont tué plus de 150 Palestiniens dans la bande de Gaza. Depuis octobre 2023, la guerre génocidaire d'Israël contre Gaza a tué plus de 45 500 Palestiniens, et des milliers d'autres sont toujours portés disparus sous les décombres - Photo : Doaa Albaz / Activestills

Par Andrew Mitrovica

Dans toute l’horreur d’un génocide qui se déroule jour après jour, les paroles d’un pasteur palestinien m’ont donné une raison d’espérer.

Au tournant du calendrier, il est de coutume pour les chroniqueurs comme moi de faire des prédictions sur ce qui pourrait ou ne pourrait pas arriver ou, au contraire, d’offrir aux lecteurs désabusés ou découragés des raisons d’espérer au milieu de toutes les plaies et de toutes les déceptions.

Je dois admettre qu’en tant qu’écrivain, j’ai toujours répugné à m’engager dans l’une ou l’autre de ces tâches. La première m’apparaît comme une ctivité dénuée de sens, car jouer les devins est un acte d’un orgueil démesuré. La seconde est encore plus gênante, en particulier lorsque l’éternelle « lueur d’espoir » semble tellement hors de portée qu’elle s’est littéralement évanoui.

Cette année, comme la précédente, nous nous souviendrons d’avoir assisté, désespérés et impuissants, à la poursuite du génocide des Palestiniens, orchestré par un régime d’apartheid saisi d’une insatiable soif de meurtre et soutenu par des hypocrites qui s’érigent en apôtres inébranlables des droits de l’homme et du droit international.

Jour après jour, les Palestiniens subissent les conséquences cruelles de cette misérable mystification. Le nombre de morts et de blessés palestiniens défie l’entendement… La manière dont ils sont tués défie également l’entendement.

Jour après jour, les Palestiniens emprisonnés sur leur propre terre mise en pièces sont confrontés à deux destins : soit ils mourront d’une mort soudaine et violente, victimes des drones, des bombes et des snipers israéliens… soit ils mourront d’une mort lente et atroce, victimes de la famine, de la maladie, du froid et de la pluie.

Dans ce contexte inhumain, l’espoir n’est qu’une chimère. C’est du moins ce que je pensais.

Puis je pris connaissance d’un sermon de Noël prononcé par le pasteur et théologien chrétien palestinien, le révérend Munther Isaac, devant sa congrégation à Bethléem.

Le discours de 20 minutes du révérend Isaac était à la fois un réquisitoire sans complaisance contre les architectes du génocide et un appel éloquent à ne pas abandonner tout espoir – aussi effiloché soit-il.

Pendant que j’écoutais, mon esprit et mon cœur oscillaient entre croyance et incrédulité.

Je ne suis pas un homme de prière, et j’ai donc eu le réflexe de vouloir rejeter les paroles du révérend Isaac – malgré leur force percutante et sa conviction évidente – comme étant irréalistes, à la limite de la fantaisie.

J’étais sceptique.

Alors que le sermon du révérend Isaac allait crescendo dans l’émotion, j’ai eu une révélation. Si un Palestinien dans le deuil peut extraire ne serait-ce qu’une parcelle de lumière de la profonde obscurité ambiante, alors c’est aussi à ma portée.

Je pense que l’intention du révérend Isaac était d’assurer au reste d’entre nous – croyants ou non – que l’espoir existe et refuse de mourir ; il ne peut être éteint par les pourvoyeurs de mort et de destruction.

La résistance peut prendre de nombreuses formes. Cependant, pour que la résistance réussisse, elle doit être animée par l’espoir qu’un avenir libéré de la misère et de l’oppression est non seulement possible, mais, comme l’histoire le confirme, inévitable.

Alors, qu’a dit le révérend Isaac qui m’a fait passer du pessimisme à un optimisme prudent ?

Il a commencé par ce rappel poignant. « Le Christ », a dit le révérend Isaac, « est toujours dans les décombres ».

Le pasteur faisait allusion à une crèche qu’il avait installée dans son église un an plus tôt et qui représentait un Christ nouveau-né emmailloté dans un keffieh et englouti par les débris du génocide israélien ininterrompu.

Le symbolisme est limpide. Le Christ et les Palestiniens ne font qu’un. Ils partagent les mêmes épreuves et la même providence. Tout comme le Christ a souffert des aux mains cruelles des potentats qui l’ont condamné à mort, les Palestiniens sont eux aussi dans la souffrance.

« Donald Trump a déclaré que si les otages n’étaient pas libérés en janvier, il y aurait un ‘enfer à payer’. C’est déjà l’enfer… Alors de quoi parle-t-il ? » a déclaré le révérend Isaac, ajoutant : « Il est en effet difficile de croire qu’un autre Noël est arrivé alors que le génocide n’a pas cessé. »

Malgré la douleur, les deuils et les épreuves, l’humanité des Palestiniens est restée intacte, a martelé le révérend Isaac.

« Ces 440 jours ont également été marqués par la résilience et même la beauté », a-t-il ajouté. « Je pense à tous les héros de Gaza. Les médecins. Les infirmiers. Les infirmières. Les premiers intervenants. Les bénévoles. Ceux qui sacrifient tout pour leurs semblables ».

Le révérend Isaac a également rendu hommage aux enseignants et aux musiciens qui enseignent et jouent de la musique dans les ruines de Gaza pour « donner le sourire » aux enfants palestiniens traumatisés.

« Oui, la perte est énorme », a déclaré le révérend Isaac. « Mais nous n’avons pas perdu notre foi ni notre humanité collective. C’est de cette beauté dont je parle ».

Le révérend Isaac a exhorté chacun d’entre nous à ne pas succomber à la résignation, à l’apathie ou au désespoir, car « l’engourdissement est une trahison envers l’humanité ».

Au lieu de cela, a-t-il déclaré : « Nous ne devons ni baisser les bras ni nous lasser. Cela reviendrait à abandonner non seulement la population de Gaza, mais aussi notre propre humanité. C’est pourquoi nous devons continuer à parler de Gaza (…) et de l’oppression et du massacre systématiques jusqu’à ce que cela cesse ».

Les « criminels de guerre » – les acteurs directs comme leurs complices, responsables des horreurs perpétrées contre les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie occupée – « doivent rendre des comptes », a dit avec force le révérend Isaac.

« Au lieu d’être traduits en justice, ils sont accueillis par des applaudissements dans les couloirs du Congrès US et défendus par les parlements européens », a-t-il déclaré. « Et ils osent encore nous donner des leçons sur les droits de l’homme et le droit international. »

Le révérend Isaac a bien sûr raison sur ces deux points particulièrement honteux.

« Le génocide prendra fin un jour », a-t-il ajouté. « Mais l’histoire se souviendra du côté où les gens se seront tenus. L’histoire se souviendra de ce qu’ils ont dit. Ils ne pourront jamais prétendre qu’ils ne savaient pas ».

Une fois de plus, le révérend Isaac a raison. Nous nous souviendrons.

En attendant, le révérend Isaac est convaincu que : « Du milieu des décombres, une plante de vie surgira, donnant la promesse d’une nouvelle aube. L’assurance d’une récolte où fleuriront la justice et la guérison. Et la vigne portera des fruits qui nourriront les générations à venir ».

Il faudra beaucoup de travail et de patience, mais, j’en conviens, la récolte à venir sera effectivement florissante et la vigne de la « justice et de la guérison » portera, en temps voulu, des fruits mûrs et abondants.

« Nous n’avons pas perdu l’espoir et nous ne le perdrons pas », a encore ajouté le révérend Isaac. « Oui, cela fait 76 ans que la Nakba se poursuit, mais c’est aussi 76 ans de sumud [fermeté] palestinien, d’attachement à nos droits et à la justice de notre cause. »

Le révérend Isaac a terminé son sermon par cette exhortation tirée des Écritures et confirmée, entre autres, en Afrique du Sud, où un autre État raciste, l’État de l’apartheid, a finalement été vaincu.

« Chaque Hérode disparaîtra, chaque César s’éteindra, car les empires ont une date de péremption… et souvenons-nous que, selon Jésus, ce sont les doux, et non les puissants, qui hériteront de la terre ».

5 janvier 2024 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine

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