L’un de ces espoirs à la vie dure est que le président américain Barack Obama sera différent de tous ses prédécesseurs et que pour lui, la justice pour le peuple palestinien – en dépit d’un bilan sur huit ans montrant le contraire – est une priorité primordiale. Et il y a des raisons à cela…
“Barack Obama est entré à la Maison Blanche plus profondément informé et sympathisant envers la cause palestinienne qu’aucun futur président américain”, écrivait Nathan Thrall, dans le New York Review of Books en septembre dernier.
Ses connaissances antérieures et sa sympathie pour les Palestiniens reposaient sur son amitié et des contacts réguliers avec divers intellectuels palestino-américains, dont les professeurs Rashid Khalidi et Edward Said, et aussi sur le fait qu’il soit d’origine africaine avec des racines familiales au Kenya, pays où les mots tels que “colonialisme”, “impérialisme” et “occupation étrangère” ne sont pas des concepts académiques et abstraits.
L’espoir que Obama serait différent, ou plutôt, devrait être différent, a été renforcé les premiers jours du président dans le bureau ovale. Notamment, son premier appel à un dirigeant étranger a été réservé au président de l’Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas, et la première visite d’Obama dans la région du Moyen-Orient n’incluait pas Israël.
Cependant, l’administration Obama a rapidement faibli sur la recherche d’une solution juste et pacifique au conflit en Palestine et, avec le temps, a appris que se comporter comme un magnétophone de la ligne israélienne était la voie la plus sûre pour un président américain. L’homme qui avait suscité un “espoir” temporaire n’a pas réussi à apporter de “changement” durable et les Palestiniens ont payé un prix élevé pour ses atermoiements et son manque général de vision et d’esprit de décision.
A présent les premiers espoirs et les attentes qui avaient accompagné les premiers jours d’Obama au pouvoir ont été remplacés par de la peur et de l’inquiétude, alors que le président élu Trump prépare son équipe de transition. Pour les Palestiniens, les signes sont ultra-inquiétants. De l’ancien maire de New York, Rudy Giuliani, au dirigeant républicain Newt Gingrich, l’équipe de Trump se remplit d’individus dépourvu du moindre honneur, qui ont fait carrière en se couchant littéralement devant intérêts israéliens et en ignorant les droits des Palestiniens.
Alors que Gingrich avait prétendu en 2011 que les Palestiniens sont “un peuple inventé”, Giuliani, selon le Jewish News Service, “est vivement apprécié dans la communauté juive pour avoir expulsé le dirigeant l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat, du Lincoln Center en 1995”.
En prenant en compte les déclarations faites par Trump lui-même en mai dernier – selon lesquelles l’expansion des colonies juives illégales en Cisjordanie occupée “devrait se poursuivre” – aux commentaires plus récents du représentant de Trump en Israël, Jason Greenblatt, selon quoi les colonies n’étaient “pas un obstacle à la paix”, il est assez évident que l’administration Trump est résolument anti-palestinienne. Les responsables israéliens se réjouissent de devoir travailler avec une telle administration, le ministre israélien de l’Éducation Naftali Bennet célébrant l’ère de la “fin de l’État palestinien” et le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman, invitant Trump à “coordonner le développement” des colonies, toutes illégales au regard du droit international.
Les prévisions des médias pour les quatre prochaines années, concernant la politique étrangère des États-Unis envers la Palestine et Israël, sont inconsistantes. Tandis que le possible alignement de Trump sur de vieux politiciens n’est pas propice à la réalisation d’une paix juste en Palestine, les suggestions selon lesquelles une paix prospère et juste existait sous l’administration Obama sont à la fois risibles et fausses. L’administration Obama, en dépit de la relation personnelle problématique entre Obama et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, a été l’une des mieux disposées et plus généreuses envers Israël. Obama s’est tenu sans faillir aux côtés d’Israël alors que celui-ci faisait tout pour contrecarrer les aspirations politiques palestiniennes dans les institutions internationales.
La nomination du sénateur George Mitchell comme envoyé spécial pour la paix au Moyen-Orient, au début du premier mandat d’Obama, n’a rien apporté car Israël était résolu à ne pas envisager de gel de la construction des colonies. Au lieu de mettre la pression sur Israël pour l’amener à faire des concessions, l’administration Obama a fait pression sur les Palestiniens pour qu’ils acceptent de reprendre les pourparlers de paix en dépit de l’expansion coloniale et au mépris du droit international. La pression a été renforcée quand les Palestiniens étaient censés se soumettre à la notion “d’identité juive” d’Israël comme une condition préalable à la paix, les forçant à abandonner leurs revendications historiques sur la Palestine.
Cette politique n’a eu aucune limite, car il y a peu de temps, Obama a signé un “accord historique” donnant à Israël pour 38 milliards de dollars (139,96 milliards de dollars) d’équipements militaires – le plus important “paquet d’aide” attribué dans toute l’histoire américaine.
Les choses avaient déjà largement empiré pour les Palestiniens, et avant la prochaine présidence de Trump.
L’une des principales craintes à l’égard d’une présidence Trump est qu’elle veillera à ce que toute initiative pour mettre en place un État palestinien indépendant soit entravée, sinon totalement gelée. En réalité, Obama et ses prédécesseurs se sont battus sans relâche pour empêcher qu’un État palestinien ne prenne forme. Si l’on doit faire une distinction entre son administration et celle de Trump, cela se manifeste probablement dans la rhétorique mais pas dans l’action: l’une est raffinée et bien présentée, tandis que la seconde est vindicative et démagogique.
Dans son dernier discours devant les Nations Unies, Obama a consacré un seul petit paragraphe au conflit palestino-israélien, reflétant son incapacité à influer positivement sur le conflit le plus long et déstabilisant du Moyen-Orient. Les deux parties seraient “mieux placées si les Palestiniens rejetaient l’incitation [à la résistance] et reconnaissaient la légitimité d’Israël, tandis qu’Israël doit reconnaître qu’il ne peut pas occuper et installer en permanence des terres palestiniennes”, a-t-il déclaré.
Sous l’administration longue de huit années d’Obama, durant laquelle des milliers de personnes innocentes – la grande majorité des Palestiniens – ont été tués, Obama a vendu de faux espoirs aux dirigeants palestiniens tout en accordant au gouvernement israélien l’essentiel de ses besoins en financement et en technologie militaires. Sur le front politique, il a assuré la défaite des initiatives palestiniennes pour la reconnaissance de leur futur État. Il est allé jusqu’à amputer l’UNESCO de près d’un quart de son budget, simplement pour avoir intégré la Palestine comme nouveau membre.
Pourtant, naïvement, certains espèrent encore que Obama cherchera à obtenir la reconnaissance de l’État de Palestine au Conseil de sécurité de l’ONU au cours de ses dernières semaines de mandat. Ces espoirs ont été renforcés par les rapports des médias selon quoi Obama avait demandé au Département d’État des États-Unis d’élaborer un “menu d’options” concernant sa vision de la résolution du conflit. Le président sortant a eu pourtant huit années complètes pour profiter de sa popularité exceptionnelle en défiant le lobby pro-israélien et en présentant son pays comme un véritable “courtier honnête” dans un conflit totalement déséquilibré. Il aurait pu, du moins, se ranger du côté de la majorité de l’humanité en ajoutant la voix de son pays à ceux qui ont reconnu un État palestinien aux Nations Unies.
L’histoire nous a appris que lorsqu’il est question de la politique étrangère américaine à l’égard de la Palestine et d’Israël, les choses risquent de s’aggraver et non pas de s’améliorer. Malgré l’abîme actuel entre d’un côté la société américaine, et de l’autre les médias et les élites politiques, l’histoire d’amour américaine avec Israël continuera. La guerre pour les droits et les aspirations des Palestiniens perdurera également.
* Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest. Visitez son site personnel.
28 novembre 2016 – The Palestine Chronicle – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah