Par son silence, la dictature marocaine expose sa complicité avec le génocide dans Gaza

10 décembre 2022 - Les Palestiniens de Gaza s'étaient rassemblés en grand nombre pour regarder le match Maroc-Portugal en quart de finale de la Coupe du monde - Photo : Mahmoud Ajjour / The Palestine Chronicle

Par Ali Anouzla

Les observateurs, à l’intérieur et à l’extérieur du Maroc, sont surpris par le silence officiel marocain, qui est honteux, face aux développements dangereux qui se déroulent au Moyen-Orient et dont les répercussions peuvent s’étendre à toute la région, y compris le Maroc.

Ces observateurs se demandent quelle est la position officielle du Maroc sur les plans infernaux élaborés par les États-Unis et Israël pour liquider la cause palestinienne et transformer les Palestiniens en réfugiés et en personnes déplacées dans le monde arabe, y compris au Maroc, qui a été proposé comme destination pour le plan de déplacement parrainé par les États-Unis et mis en œuvre par Israël.

Au moment où j’écrivais cet article, aucune position officielle marocaine n’avait été rendue publique concernant les projets israélo-américains de déplacement des Palestiniens, qui ont été largement condamnés comme un « nettoyage ethnique » par de nombreux pays, y compris des pays européens alliés d’Israël et des États-Unis.

Le silence de Rabat était frappant, même lorsque Netanyahu a proposé d’installer les Palestiniens en Arabie saoudite, qui entretient des relations étroites avec le Maroc.

Interrogé sur la position de son pays face à la tentative d’expulsion forcée des habitants de Gaza de leur terre et de leur déplacement vers l’Égypte et la Jordanie, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a simplement déclaré que « la décision appartient aux Palestiniens ».

Lorsqu’on lui a demandé de commenter les informations des médias israéliens indiquant la possibilité de transférer les habitants de Gaza vers d’autres lieux, y compris le Maroc, il n’a trouvé d’autre réponse que de dire qu’il ne commentait pas les « rumeurs de journaux ».

Ce même homme ne manque généralement pas une occasion de commenter ce qui est publié par les médias d’un pays voisin sur tout autre sujet sans rapport avec Israël et la cause palestinienne, la majorité des Marocains considèrant cette dernière comme une cause nationale, non seulement aujourd’hui, mais depuis que cette cause existe.

Ce silence marocain honteux ne date pas d’aujourd’hui, puisqu’il fait partie intégrante de la diplomatie marocaine depuis qu’Israël a lancé sa guerre génocidaire contre la bande de Gaza il y a quinze mois.

Seules de timides déclarations officielles ont été publiées, assimilant la victime au bourreau, et elles étaient froides et neutres, qualifiant la guerre génocidaire d’« actes d’agression ». Elle a également placé la résistance palestinienne dans la même catégorie que les extrémistes sionistes.

Malgré les demandes populaires d’arrêt de toute forme de normalisation avec Israël, Rabat a maintenu ses relations diplomatiques avec Tel Aviv, et tous les accords avec l’État occupant sont restés en vigueur.

Plusieurs accords d’armement ont été signés entre eux, les visites de responsables et de touristes israéliens au Maroc se sont poursuivies, et le drapeau israélien a été hissé lors de plusieurs manifestations officielles à l’intérieur du Maroc, provoqaunt de manière flagrante les sentiments des Marocains.

D’un autre côté, Rabat a toléré à contrecœur, par crainte d’une montée de la tension dans les rues, les manifestations populaires qui se sont poursuivies dans plusieurs villes marocaines au cours des derniers mois, mais les autorités elles-mêmes n’ont pas hésité à empêcher et à réprimer de nombreuses manifestations de soutien à la Palestine, et ont arrêté des militants qui soutiennent la cause palestinienne et s’opposent à la normalisation.

Ces militants ont été traduits en justice et jetés en prison.

Cette fluctuation de l’humeur des autorités marocaines a été dictée par les fluctuations de l’équilibre des pouvoirs dans la région et dans le monde concernant ce qui se passe à Gaza et en Palestine en général.

Pourquoi remettre en question le silence officiel du Maroc sur les crimes commis sur le sol palestinien, en particulier sur les dangereux accords en cours d’élaboration pour déplacer les Palestiniens et liquider leur cause ?

Tout d’abord, parce que les Marocains ont des positions historiques de soutien à la cause palestinienne et que, ces quinze derniers mois, des villes et des villages marocains ont été le théâtre de manifestations populaires de soutien à Gaza et à sa population.

Le Maroc est le premier pays arabe, à l’exception des pays arabes dans lesquels des marches de masse ont eu lieu avec le soutien de leurs autorités – comme c’est le cas du Yémen et de l’Irak – à avoir été témoin de milliers de manifestations spontanées, de sit-in et de marches populaires, dans toutes ses régions, pour soutenir le peuple de Gaza, sans l’approbation des autorités officielles, et parfois malgré les décisions les interdisant et les tentatives de les réprimer.

Deuxièmement, parce que le Maroc a joué un rôle important dans le conflit israélo-arabe et a continué, jusqu’à une époque récente, à être un acteur clé dans des étapes décisives, en accueillant des sommets arabes historiques et en présidant d’importants comités arabes pour soutenir la cause palestinienne et le droit arabe à la Palestine.

Troisièmement, parce que le Maroc, et plus précisément son roi Mohammed VI, est le président du Comité Al-Quds. Il s’agit d’une responsabilité morale et symbolique majeure qui exige des positions claires et explicites, ainsi qu’une forte présence de la voix du Maroc et de son poids et de sa position symboliques, morales, historiques et religieuses dans le conflit israélo-arabe.

Quatrièmement, parce que lorsque les autorités officielles ont signé les funestes accords de normalisation, elles se sont officiellement engagées au plus haut niveau à ce que la normalisation ne se fasse pas au détriment des positions historiques du Maroc sur la question palestinienne et que Rabat continuerait à défendre les droits des Palestiniens jusqu’à la création de leur État indépendant.

Le silence officiel actuel du Maroc est honteux et humiliant.

Il ne représente pas le Maroc et la majorité des Marocains qui participent à des manifestations de masse pour exprimer leur soutien à la cause palestinienne et leur opposition à la normalisation.

De plus, il humilie et fait honte à chaque homme ou femme marocain libre qui considère la cause palestinienne comme la sienne. Ces personnes se compteraient par millions si on leur donnait la possibilité d’exprimer librement leurs opinions et leurs positions.

Alors qu’il se tenait devant le Congrès pour demander la mise en accusation du président américain Donald Trump, suite à sa proposition de déplacer la population de Gaza et de s’emparer du territoire pour en faire un projet immobilier, ce qui est considéré comme un crime de nettoyage ethnique, le membre démocrate du Congrès Al Green, qui se tenait seul sous le dôme du Capitole, a déclaré : « Sur certaines questions, il vaut mieux être seul, Monsieur le Président, que de ne pas être du tout », notant qu’il était seul pour la justice.

Le jour viendra où cette position courageuse restera gravée dans l’histoire. Le moment est venu de se lever et de dire la vérité avant qu’il ne soit trop tard.

Honte au pouvoir marocain pour ses positions humiliantes envers son peuple et son histoire.

Vous devriez avoir honte de votre silence et de votre peur, car les pays et les peuples vivent de leurs positions courageuses et claires qui font l’histoire. Ô Allah, sois mon témoin, que j’ai transmis le message.

14 février 2025 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine

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