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19 janvier 2025 - Des Palestiniens de Rafah se précipitent pour secourir les blessés et récupérer les corps des Palestiniens tués par les forces coloniales israéliennes alors qu'ils tentaient de regagner leurs maisons, très probablement détruites. L'attaque a été menée après le cessez-le-feu entre le Hamas et le régime colonial israélien. Plus tôt dans la journée, les Palestiniens de Rafah ont réussi à accéder à des zones précédemment interdites, mais ils n'y ont trouvé que destruction totale et cadavres en décomposition - Photo : Yousef Zaanoun / Activestills
Par Ramzy Baroud
Soyons clairs : le déplacement forcé des Palestiniens n’est pas une idée nouvelle. La dernière proposition faite par le président américain Donald Trump de prendre « possession à long terme » de Gaza, de « nettoyer » le « désordre » et d’en faire une « Riviera du Moyen-Orient » n’est que la dernière itération des efforts visant à expulser les Palestiniens de leur patrie.
Ce qui rend les propos de Trump dangereux, ce n’est pas la menace immédiate d’une intervention militaire américaine à Gaza suivie de l’expulsion de ses 2,2 millions d’habitants.
Le véritable danger se situe ailleurs.
- Premièrement, Israël pourrait interpréter les propos de Trump comme un feu vert pour chasser les Palestiniens de Gaza ou de Cisjordanie.
- Deuxièmement, les États-Unis pourraient tacitement approuver une nouvelle offensive israélienne sous prétexte de répondre aux souhaits du président.
- Troisièmement, les remarques de Trump suggèrent que sa politique étrangère à l’égard de la Palestine restera en grande partie inchangée par rapport à celle de son prédécesseur.
Certains démocrates ont saisi cette occasion pour critiquer les Américains d’origine arabe et palestinienne qui ont voté pour Trump ou se sont abstenus de soutenir la candidate démocrate à la présidence Kamala Harris lors des dernières élections.
Pourtant, l’idée de « nettoyage ethnique » était déjà en circulation sous l’administration Biden. Alors que le secrétaire d’État d’alors, Antony Blinken, répétait que « les civils palestiniens […] ne doivent pas être contraints de quitter Gaza », Biden a créé les conditions du déplacement par un soutien militaire inconditionnel à Israël.
Cela a permis le déroulement de l’une des guerres les plus dévastatrices de l’histoire moderne du Moyen-Orient.
Quelques jours seulement après le début de la guerre, le 13 octobre 2023, le roi Abdallah II de Jordanie a mis en garde Blinken à Amman contre toute tentative israélienne de « déplacer de force les Palestiniens de tous les territoires palestiniens ou de provoquer leur déplacement interne ».
Le message des Palestiniens à Trump : « Nous sommes ici, nous ne bougerons pas ! »
Ce dernier déplacement est devenu une réalité, la plupart des habitants du nord de Gaza étant entassés dans des camps de réfugiés surpeuplés dans le centre et le sud de la bande de Gaza, où les conditions de vie sont inhumaines depuis plus de 16 mois.
Dans le même temps, une autre campagne de déplacement est en cours en Cisjordanie, en particulier dans les régions du nord, et s’accélère depuis plusieurs semaines. Des milliers de familles palestiniennes ont déjà été déplacées de force dans le gouvernorat de Jénine et dans d’autres régions.
Malgré cela, l’administration Biden n’a pas fait grand-chose pour faire pression sur Israël afin qu’il cesse ses opérations.
Les préoccupations arabes concernant l’expulsion des Palestiniens étaient réelles dès le début de la guerre. Presque tous les dirigeants arabes ont tiré la sonnette d’alarme, souvent à plusieurs reprises.
Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi a abordé la question à plusieurs reprises, mettant en garde contre la volonté israélienne israéliens – avec semble-t-il l’implication américaine – dans un projet de « transfert de population ».
« Ce qui se passe actuellement à Gaza est une tentative visant à forcer les civils à chercher refuge et à émigrer en Égypte », a déclaré Al-Sissi, insistant sur le fait qu’un tel résultat « ne devrait pas être accepté ».
Quinze mois plus tard, sous Trump, il confirma son rejet, jurant que l’Égypte ne participerait pas à cet « acte d’injustice ».
Une déclaration saoudienne a été publiée presque immédiatement après que Trump a repris son idée lors d’une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu le 4 février. Le ministère saoudien des Affaires étrangères est allé plus loin que le rejet de la « main-mise » sur Gaza par Trump, mais a formulé un discours politique qui résumait la position de Riyad, en fait, la position de la Ligue arabe sur la Palestine.
« Le ministère des Affaires étrangères affirme que la position du Royaume d’Arabie saoudite sur la création d’un État palestinien est ferme et inébranlable », a déclaré le communiqué, ajoutant que le Royaume « réaffirme également son rejet sans équivoque de toute atteinte aux droits légitimes du peuple palestinien, que ce soit par le biais des politiques de colonisation israéliennes, de l’annexion des terres ou des tentatives de déplacer le peuple palestinien de ses terres ».
La nouvelle administration américaine semble toutefois ignorer l’histoire palestinienne. Compte tenu du déplacement de masse des Palestiniens en 1948, aucun gouvernement arabe – et encore moins les dirigeants palestiniens – ne soutiendrait une nouvelle tentative israélo-américaine de « nettoyage ethnique » de millions de personnes dans les États voisins.
Au-delà de l’immoralité de l’expulsion d’une population indigène, l’histoire a montré que de telles actions déstabilisent la région pendant des générations. La Nakba de 1948, qui a vu le « nettoyage ethnique » de la Palestine, a déclenché le conflit israélo-arabe, dont les répercussions se font encore sentir aujourd’hui.
L’histoire nous enseigne également que la Nakba n’était pas un événement isolé. Israël a tenté à plusieurs reprises de procéder à des expulsions massives, à commencer par ses attaques violentes et répétées contre les camps de réfugiés palestiniens à Gaza au début des années 1950, et ce, depuis lors.
Le plan génocidaire de Trump pour “nettoyer” Gaza a toujours existé
La guerre de 1967, connue sous le nom de « Naksa » ou « revers », a conduit au « nettoyage ethnique » de centaines de milliers de Palestiniens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Dans les années qui ont suivi, diverses initiatives américano-israéliennes ont cherché, tout au long des années 1970, à déplacer la population palestinienne vers le désert du Sinaï. Cependant, ces efforts ont échoué en raison de la détermination et de la résistance collective du peuple de Gaza.
La proposition d’expulsion massive « humanitaire » de Trump restera également dans l’histoire comme une autre tentative ratée, d’autant plus que la solidarité arabe et internationale avec le peuple palestinien resté inébranlable est plus forte qu’elle ne l’a été depuis des années.
La question clé est maintenant de savoir si les Arabes et les autres partisans de la Palestine dans le monde iront au-delà du simple rejet de ces propositions sinistres et prendront l’initiative de faire pression pour la restauration de la patrie palestinienne.
Cela nécessite une campagne internationale fondée sur la justice, ancrée dans le droit international et motivée par les aspirations du peuple palestinien lui-même.
Auteur : Ramzy Baroud
* Dr Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle.
Il est l'auteur de six ouvrages. Son dernier livre, coédité avec Ilan Pappé, s'intitule « Our Vision for Liberation : Engaged Palestinian Leaders and Intellectuals Speak out » (version française). Parmi ses autres livres figurent « These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons », « My Father was a Freedom Fighter » (version française), « The Last Earth » et « The Second Palestinian Intifada » (version française)
Dr Ramzy Baroud est chercheur principal non résident au Centre for Islam and Global Affairs (CIGA). Son site web.
12 février 2025 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah
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