Par Ramona Wadi
L’hypothèse selon laquelle une intervention militaire réglerait le problème de Cuba ne fait qu’illustrer la manière dont les intérêts des dissidents de Miami sont alignés sur ceux des États-Unis.
Alors que des manifestations éclataient à Cuba en raison de la pénurie de produits de première nécessité, le blocus illégal imposé à Cuba par les États-Unis depuis des décennies ne faisait n’était même plus mentionné dans les médias grand public.
En 2020, les médias avaient mis l’accent sur la contribution de Cuba à la lutte contre le Covid19 et sur la façon dont, malgré le blocus, Cuba avait conservé son approche internationaliste tout en fabriquant ses propres vaccins. Pendant une brève période, les discussions sur la levée du blocus illégal de Cuba ont également fait partie du discours international, alors même que les brigades médicales étaient nominées pour le prix Nobel de la paix.
Entre-temps, en raison du blocus et de la Covid19, l’économie cubaine s’est encore resserrée. Le gouvernement des États-Unis a également continué à financer de façon inébranlable les groupes antigouvernementaux. Pourtant, les intentions des États-Unis n’ont rien de démocratiques, malgré ce que la propagande dominante diffuse.
Dès avril 1960, un mémorandum intitulé “Le déclin et la chute de Castro” indiquait en partie : “Le seul moyen prévisible d’aliéner le soutien interne est le désenchantement et la désaffection fondés sur le mécontentement et les difficultés économiques.” Appelant à la privation économique, le mémorandum préconise en outre une action qui, “tout en étant aussi adroite et discrète que possible, fait le plus grand pas en refusant l’argent et les fournitures à Cuba, pour diminuer les salaires monétaires et réels, pour provoquer la faim, le désespoir et le renversement du gouvernement.”
Étant donné que les États-Unis n’ont jamais relâché leur politique agressive à l’égard de Cuba, pourquoi la mention de l’impérialiste est-elle soudainement exclue du tableau plus large des Cubains qui protestent contre les pénuries existantes sur l’île ? Le sabotage économique de Cuba par les États-Unis est bien documenté et depuis 60 ans, le peuple cubain subit les effets de la politique étrangère américaine contre l’île, en particulier en ce qui concerne les restrictions commerciales.
Les résolutions non contraignantes et à répétition des Nations unies visant à lever le blocus illégal n’ont rien changé à cet égard. L’accord quasi unanime au niveau international sur le fait que le blocus américain nuit à Cuba se heurte à la politique étrangère impérialiste, que les grands médias reprennent ou feignent d’oublier, selon le récit qui convient le mieux à leurs intérêts.
Le président américain Joe Biden n’a pas été particulièrement franc à propos de Cuba jusqu’à présent, attendant, semble-t-il, le moment opportun pour poursuivre le travail de sape relancé par l’administration Trump.
Alors que Cuba figure toujours sur la liste des pays qui soutiennent le terrorisme aux États-Unis et qu’aucun effort n’a été fait pour annuler les politiques de l’ancien président Donald Trump sur Cuba, Joe Biden joue maintenant la carte humanitaire pour fomenter des troubles politiques.
La déclaration de la Maison Blanche décrit les Cubains comme “affirmant courageusement leurs droits fondamentaux et universels.” Sans doute, mais pas en accord avec les désignations impérialistes de l’île. Si les États-Unis n’ont pas relâché leurs tactiques répressives contre Cuba, rien ne permet de penser que le peuple échangerait une règle de droit contre une autre qui aura provoqué sa chute, pour refaire de Cuba le terrain de jeu des États-Unis rappelant les jours d’avant la révolution cubaine.
Ainsi, après avoir soutenu les politiques de Trump, sans parler du blocus illégal, Biden a déclaré qu’il serait prêt à offrir une aide humanitaire à Cuba et à “donner des quantités importantes de vaccins” si une organisation internationale intervenait. Et ce, alors que Cuba a réussi à fabriquer ses propres vaccins, qui rivalisent avec Pfizer et Moderna en termes d’efficacité.
Les appels à l’intervention étrangère lancés par les dissidents cubains de Miami ne font qu’ajouter à l’hostilité contre l’île.
Les médias pourraient-ils repenser aux tentatives d’assassinat de Fidel Castro parrainées par la CIA et aux attaques terroristes contre des Cubains, et considérer les appels à une intervention militaire à la lumière de décennies d’échec à faire tomber Cuba sous le joug impérialiste ? “Nous espérons qu’en 2021, le président Biden pourra réparer ce que Kennedy a cassé en 1961”, a déclaré l’exilé cubain Orlando Gutierrez-Boronat.
L’hypothèse de Miami selon laquelle une intervention militaire permettrait de remettre sur pieds Cuba ne tient pas la route, si ce n’est qu’elle illustre comment, des décennies après l’invasion de la baie des Cochons, les intérêts des dissidents anti-révolutionnaires de Miami sont alignés sur ceux des États-Unis.
L’étape logique serait que les États-Unis mettent fin au blocus et laissent le peuple cubain qui n’a pas trahi l’île pour les États-Unis, tracer lui-même sa voie.
Auteur : Ramona Wadi
* Ramona Wadi est rédactrice au Middle East Monitor. Écrivain, chercheuse et journaliste indépendante, elle est également critique. Ses écrits couvrent une série de thèmes en relation avec la Palestine, le Chili et l'Amérique latine. Elle contribue régulièrement au PalestineChronicle.com. Consultez son site internet. Son compte Twitter.
17 juillet 2021 – Strategic-culture.org – Traduction : Chronique de Palestine