Par Abdel Bari Atwan
Qu’est-ce qui se cache derrière les dernières propositions américaines de cessez-le-feu à Gaza et au Liban ?
Le monde arabe est témoin d’une double offensive diplomatique de la part des États-Unis.
Le premier objectif est de parvenir le plus rapidement possible à un accord de cessez-le-feu dans la bande de Gaza, après avoir augmenté la pression génocidaire sanglante sur Jabalya, Beit Lahiya et Deir al-Balah pour tenter de tordre le bras à la direction du Hamas.
En outre, les Israéliens appliquent la théorie de la terre brûlée à certaines parties du Liban – le Sud, la Dahiya de Beyrouth et la vallée de la Bekaa – qui soutiennent le Hezbollah pour le forcer à accepter la soi-disant proposition de cessez-le-feu dont les détails ont été élaborés par Amos Hochstein, l’envoyé présidentiel américain au Liban, notoirement pro-israélien.
L’intensification de ces initiatives américaines une semaine avant les élections présidentielles et législatives de mi-mandat aux États-Unis vise à atteindre deux objectifs :
Premièrement, améliorer les chances du parti démocrate sortant et de sa candidate Kamala Harris – de plus en plus impopulaire – de gagner les voix des électeurs d’origine arabe ou musulmane, ce qui pourrait s’avérer crucial dans les swing states, étant donné la proximité dans la course entre Harris et son rival Donal Trump.
Deuxièmement, sauver Israël de son état d’effondrement militaire, économique et psychologique face à l’augmentation des pertes dans les rangs de son armée, en particulier sur le front libanais, et aux missiles de la résistance qui atteignent Haïfa, Tel-Aviv, Safad, Tabariya et même la chambre à coucher de Benjamin Netanyahu pour la première fois depuis la création de cette entité il y a 76 ans.
Les Brigades Al-Qassam du Hamas ont publié une vidéo d’une opération menée le 15 octobre au cours de laquelle leurs combattants ont fait exploser des engins précédemment placés contre des éléments d’une force d’ingénierie de l’armée d’occupation à l’ouverture d’un tunnel dans la région de Rayan, à l’est de Rafah. La vidéo indique que ce tunnel avait subi le même sort le 10 octobre, ce qui indique que les combattants attendaient le retour de l’armée israélienne.
La reprise des pourparlers sur la trêve à Gaza à Doha entre les chefs des services de renseignement des quatre parties – les États-Unis, Israël, l’Égypte et le Qatar – est la priorité absolue, car les frappes lancées par les membres de l’Axe de la Résistance depuis le Liban, le Yémen et l’Irak ne peuvent être interrompues tant que la guerre génocidaire contre Gaza se poursuit.
Tous ces groupes et leurs dirigeants sont engagés dans la voie tracée par le martyr Hassan Nasrallah, qu’il a réitérée avec fermeté et clarté dans son dernier discours, quelques jours avant son assassinat.
Son insistance à continuer de soutenir la résistance en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et son rejet de toute pression en faveur d’un désengagement ont très probablement été à l’origine de son assassinat.
Je me sens tenu d’alerter les dirigeants du Hamas, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Palestine occupée, sur les dangers de ce stratagème américain dirigé par Antony Blinken pour briser l’unité des fronts et déchirer leur cohésion afin d’isoler la bande de Gaza et d’achever le plan sioniste visant à la détruire, à éradiquer toute résistance et à mettre fin à la présence dominante du Hamas.
Je ne doute pas que ces dirigeants soient pleinement conscients des objectifs sous-jacents.
Même une trêve de deux jours à Gaza, comme le propose l’« initiative » surprenante et choquante du président égyptien Abdelfattah as-Sisi, signifierait le feu vert pour un cessez-le-feu rapide au Liban et la fin de la guerre d’usure très réussie menée par le Hezbollah, qui a doublé la fuite des colons du nord de la Palestine occupée, endommagé les capacités de l’armée d’occupation et augmenté l’émigration juive à rebours.
Un autre objectif pourrait être de mettre fin aux frappes yéménites qui ont anéanti le commerce maritime israélien et menacent la présence navale américaine et britannique dans la mer Rouge et les eaux adjacentes. L’arrêt de ces attaques a été conditionné par un cessez-le-feu à Gaza.
Je m’identifie pleinement à notre peuple dans la bande de Gaza qui subit des centaines de morts et de blessés chaque jour et qui est soumis à une guerre d’extermination et de famine. Mais la victoire est le fruit de la patience. Leur fermeté et celle de la résistance face à cette guerre ont déjoué tous les plans visant à les déraciner et à piller leur gaz, leur terre et leurs côtes.
Le déluge d’al-Aqsa a été une merveille de résistance dans l’histoire arabe moderne. Il a brisé le mythe de l’invincibilité israélienne, a porté la bataille au cœur de l’État occupant, a dépouillé son armée de sa stature, a restauré la valeur et la fierté arabes après qu’elles aient été défigurées par les accords officiels de capitulation, de normalisation et de collusion, et a rapproché la fin de l’entreprise sioniste.
Tout en parrainant les pourparlers de Doha, du Caire et du Liban, les États-Unis ne veulent pas de cessez-le-feu à moins qu’il ne serve, ne sauve et ne renforce cette entreprise. Cela explique pourquoi les négociations sur un cessez-le-feu dans la bande de Gaza se sont poursuivies pendant 12 mois sans progresser, malgré les fortes pressions et les menaces exercées sur les négociateurs palestiniens qui s’en tenaient fermement à leurs conditions.
Ils étaient et sont toujours parfaitement conscients des ruses et de la duplicité d’Israël et du soutien inconditionnel des États-Unis à cet égard.
Yahya al-Sinwar a eu raison de rejeter toutes ces ruses soutenues par les États-Unis et certains États arabes et de s’en tenir à ses demandes de retrait total, de cessez-le-feu permanent, de reconstruction de la bande de Gaza et de fin de l’occupation.
Ses successeurs doivent préserver son héritage.
Sinwar n’était pas l’obstacle à un accord et son assassinat a incité les courtiers américains et arabes à redoubler d’efforts pour y parvenir. Ils étaient eux-mêmes l’obstacle, car ils ont adopté les conditions d’Israël, soutenu sa guerre d’anéantissement et de famine qui a tué plus de 50 000 Palestiniens et en a blessé 150 000 en l’espace de 12 mois, et gardé le silence alors que 95 % des maisons et des bâtiments de la bande de Gaza étaient détruits.
Poursuivre sur la voie de Hassan Nasrallah au Liban et préserver l’héritage de Yahya Sinwar à Gaza et en Cisjordanie est la voie la plus sûre et la plus honorable vers le salut et vers la défaite des guerres d’anéantissement qu’Israël mène avec le soutien des États-Unis et la complicité de la plupart des régimes arabes.
Auteur : Abdel Bari Atwan
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
Raï al-Yaoum – Traduction : Chronique de Palestine
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