Par Louis Allday
La gravité du génocide colonial à Gaza nous oblige à réfléchir à notre rôle en tant que mouvement de solidarité. Nous devons soutenir la lutte du peuple palestinien pour l’abolition du sionisme, quels que soient les moyens choisis pour y parvenir.
L’histoire de l’État colonisateur sioniste en Palestine est une chaîne ininterrompue de violences contre ceux dont il convoite la terre.
Cette affirmation, aussi gênante soit-elle pour ceux qui propagent les mythes et les fantasmes libéraux sionistes d’un Israël rédempteur, n’est pas une opinion. Il s’agit plutôt d’un fait historique méticuleusement étayé et incontestable qui ne peut être nié que par ceux qui sont racistes, ignorants ou pleins de préjugés.
Il est encore plus juste de dire que l’État sioniste de colonisation de peuplement de la Palestine est en lui-même une chaîne ininterrompue de violence. Sa caractéristique principale, sa qualité inhérente et fondamentale – qui fonde son existence et sans laquelle il ne pourrait pas se maintenir – est la violence systématique exercée principalement, mais pas uniquement, contre le peuple palestinien dont il a volé la terre pour pouvoir exister.
Cette violence se manifeste sous toutes les formes imaginables – et souvent inimaginables -, des plus génocidaires et massives à Gaza aujourd’hui, aux actes plus routiniers, mais profondément pervers et insidieux, d’agression, d’humiliation, d’avilissement et de torture psychologique.
Depuis le 7 octobre 2023, cette violence omniprésente, implacable et massive a atteint son niveau le plus extrême – le plus ouvertement génocidaire – depuis des décennies, peut-être même de tous les temps.
Bien que de telles comparaisons soient grossières, on peut soutenir que l’assaut cataclysmique d’Israël sur Gaza a, à certains égards, dépassé l’ampleur et la gravité des violences et des destructions de la Nakba en 1948.
Dans cette petite bande côtière de Palestine, Israël a commis des actes de violence si dépravés, si impitoyables et si énormes qu’il faut relire plusieurs fois les rapports qui les décrivent pour arriver à en saisir toute l’horreur.
Paradoxalement, alors qu’Israël a empêché les journalistes d’entrer dans la bande de Gaza et a systématiquement assassiné les journalistes palestiniens qui s’y trouvaient ainsi que leurs familles, certaines des preuves les plus choquantes de ses atrocités ont été fournies volontairement par les auteurs eux-mêmes.
Ces soldats – pour plaire à un public fasciste, essentiellement national, avide du sang et de la déshumanisation d’autochtones qui ont osé leur résister – ont publié les preuves de leurs crimes sordides sur les médias sociaux avec une joie sadique.
Eux et leurs spectateurs dépravés – qui applaudissent dans leur grande majorité la violence génocidaire qui se déchaîne – cherchent désespérément à réaffirmer par la force la domination psychologique qui permet aux États colonisateurs d’écraser les populations colonisées.
Le succès militaire initial de l’opération du « Déluge d’al-Aqsa » a ébranlé cette domination dans ses fondements, et l’incapacité d’Israël à vaincre militairement la résistance à Gaza, depuis lors, n’a fait que l’affaiblir davantage.
À ce stade, qui suscite tout à la fois douleur et espoir, la solidarité avec le peuple palestinien me paraît plus que jamais reposer sur quatre principes fondamentaux.
Il est nécessaire de les répéter parce que l’on voit apparaître différentes prises de position au sein du mouvement de solidarité avec la Palestine – qu’il s’agisse de la condamnation de la résistance armée palestinienne, de la critique pédante des slogans utilisés par les mouvements de solidarité étudiante ou de voir Benjamin Netanyahu comme une exception – dont certaines viennent malheureusement au secours du sionisme et obscurcissent la nature de la lutte et la manière de la gagner.
Premièrement : Les Palestiniens ont droit à la résistance armée
Contrairement à la vision coloniale et barbare qui fait des Palestiniens un non-peuple ne méritant ni vie ni dignité, non seulement les Palestiniens existent en tant que peuple, mais ils ont le droit moral, juridique et humain de défendre leur existence, de résister à la dépossession, à la colonisation et au génocide en cours, et de poursuivre leur libération nationale par tous les moyens nécessaires, y compris la lutte armée.
Quoique puisse déclarer la Cour pénale internationale ou d’autres institutions occidentales, il n’y a aucune comparaison ni aucune équivalence possible entre la violence de l’oppresseur et la violence de l’opprimé.
J’ai rédigé un essai pour défendre le droit inaliénable des Palestiniens à poursuivre la résistance armée en juin 2021, dans le sillage de Sayf al-Quds (« L’épée de Jérusalem »), une bataille qui, à bien des égards, préfigurait ce qui s’est passé par la suite. Si j’en avais eu connaissance à l’époque, j’aurais inclus dans mon essai ces mots puissants de Rachel Corrie, envoyés à sa mère quelques semaines avant qu’elle ne soit assassinée par un bulldozer de l’armée israélienne à Gaza en 2003 :
« Si l’un d’entre nous avait vu sa vie et ses conditions de vie étranglées, s’il avait vécu avec ses enfants dans un endroit de plus en plus petit où il savait, par expérience, que les soldats, les chars et les bulldozers pouvaient venir nous chercher à tout moment et détruire toutes les serres qui nous permettaient de survivre… tout en tabassant et arrêtant certains d’entre nous… pensez-vous que nous serions en droit d’utiliser des moyens violents pour protéger les rares choses qui nous restent ? J’y pense surtout quand je vois des vergers, des serres et des arbres fruitiers détruits, après des années de soins et de culture. Je pense à vous et au temps qu’il faut pour faire pousser les plantes, au travail et à l’amour que cela représente. Je pense vraiment que, dans une situation similaire, la plupart des gens se défendraient du mieux qu’ils pourraient. Je pense que mon oncle Craig le ferait. Je pense que ma grand-mère le ferait. Je pense que je le ferais. »
Deuxièmement : le sionisme est irrécupérable
Ceux qui soutiennent la cause palestinienne et rejettent les mensonges la concernant, ne doivent jamais se laisser influencer par les fantasmes, les préjugés et la manipulation émotionnelle cynique des sionistes. Les sentiments et la tranquillité d’esprit d’un sioniste méritent autant de considération et de respect que ceux d’un fasciste. En d’autres termes : aucune.
Le sionisme n’est pas une identité culturelle ou une croyance religieuse inoffensive ; c’est une idéologie politique meurtrière, coloniale et intrinsèquement raciste qui doit être ostracisée, combattue et vaincue.
Si cette phrase semble choquante ou cruelle à un lecteur, cela signifie simplement que ce lecteur n’a pas encore compris à quel point le sionisme est une forme de fascisme et de suprématie de la race blanche.
Troisièmement : nous ne modifierons pas nos slogans
Aucun slogan authentique des opprimés ne sera jamais acceptable pour leurs oppresseurs. Par conséquent, tous ceux qui se disent nos alliés et qui polémiquent ou critiquent publiquement les slogans et les termes qui expriment les aspirations fondamentales et impérissables du mouvement de libération palestinien ne soutiennent pas véritablement les actions qui seront nécessaires pour parvenir à la libération et, donc, nous devons les ignorer.
Quatrièmement : il faut en finir avec « Israël »
L’entité sioniste communément appelée Israël est un projet colonial de peuplement soutenu par l’impérialisme américain dans son propre intérêt. Il s’agit d’une entité qui s’est appropriée des terres palestiniennes, syriennes et libanaises et qui finira par être vaincue et par disparaître.
Cette libération sera obtenue principalement par ceux qui luttent sur le terrain, mais jusqu’à ce que ce jour arrive, le jour qui verra la fin de l’existence de l’État colonial sioniste, il incombe à chacun d’entre nous de contribuer à la lutte de la Palestine pour son existence et sa libération, autant que nos responsabilités, nos capacités et les circonstances nous le permettent.
Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre !
Auteur : Louis Allday
* Louis Allday est écrivain et historien, titulaire d'un doctorat en histoire. Il est le rédacteur en chef fondateur de Liberated Texts, un projet de revue et de publication de livres consacré à la revue et à la (re)publication d'œuvres qui ont été négligées, oubliées ou supprimées dans le courant dominant depuis leur publication. En juillet 2022, en collaboration avec Ebb Books, Liberated Texts a publié la première traduction en langue anglaise de On Zionist Literature de Ghassan Kanafani pour commémorer le cinquantième anniversaire de son assassinat.
24 mai 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet