Par Dana Farraj
Le contrôle exercé par le président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, sur les systèmes politique et judiciaire palestiniens est un sujet de discussion quotidien en Palestine.
Et les critiques sur son autoritarisme grandissant se multiplient depuis son décret no. 17 du 28 octobre 2022, ordonnant la création du Conseil suprême des instances et autorités judiciaires (CSAUJ) dont il se réserve la présidence. Mais le décret n°17 a de nombreux précédents ; depuis 2007, Abbas a publié quelque 400 décrets pour consolider son autorité sur le pouvoir judiciaire.
En augmentant toujours la domination de l’exécutif sur le système judiciaire, les décrets d’Abbas contribuent à le protéger, lui et l’élite dirigeante, de la nécessité de rendre des comptes. Certes, le pouvoir d’Abbas se limite à la Cisjordanie. Suite à la division politique palestinienne de 2006 entre le Fatah et le Hamas, Abbas a perdu le contrôle de Gaza, et en 2007, le Haut Conseil Judiciaire (HJC) a été divisé entre les deux territoires occupés.
Cet article se penche sur la manière dont Abbas a réussi à resserrer son emprise sur le système judiciaire palestinien en Cisjordanie, et sur les ramifications de ces actions sur la société civile palestinienne, y compris le secteur à but non lucratif, les syndicats et les mouvements sociaux. Il se termine par des suggestions sur les moyens de faire face au régime autoritaire d’Abbas et de changer le statu quo.
Le pouvoir judiciaire dans le droit palestinien
L’autonomie du pouvoir judiciaire est indispensable pour assurer la solidité d’un système politique, et elle est explicitement inscrite dans le droit palestinien. Les articles 97 et 98 de la loi fondamentale palestinienne stipulent que l’autorité judiciaire « est indépendante et est exercée par les tribunaux » et que « les juges sont indépendants et ne sont soumis à aucune autorité autre que celle de la loi ».
Les articles stipulent également qu’aucune autre autorité ne peut s’immiscer dans le pouvoir judiciaire ou dans les affaires judiciaires, et que “la nomination, le transfert, le détachement, la délégation, la promotion et la remise en question” des juges doivent se dérouler conformément à la loi sur le pouvoir judiciaire (JAL). De même, les articles 1 et 2 de la JAL no. 1 de 2002 réaffirment l’indépendance du pouvoir judiciaire et de ses juges.
Malgré ces lois, Abbas a réussi à priver le pouvoir judiciaire de son indépendance. Dans ce contexte autoritaire, les juges servent de bras armés à l’autorité exécutive et sont nommés et révoqués selon le bon vouloir d’Abbas.
Abbas et l’élite dirigeante du Fatah s’immiscent dans les affaires du pouvoir judiciaire en Cisjordanie depuis le début de la division politique palestinienne en 2006.
Cette ingérence s’est manifestée par des faits marquants, notamment la nomination de juges et de procureurs choisis pour leur fiabilité et leur loyauté politique ; l’ingérence directe dans la nomination, la révocation et la démission forcée des présidents des hautes Cours de justice ; le contrôle renforcé de la Cour suprême et des budgets du pouvoir judiciaire ; la non-application des décisions judiciaires ; et les perpétuelles tentatives d’amender la loi sur le pouvoir judiciaire (JAL).
Ces politiques, ainsi que d’autres, ont contribué à renforcer le contrôle de l’autorité exécutive sur le pouvoir judiciaire en Cisjordanie.
Une suite de manœuvres calculées
Il est important de comprendre les mesures juridiques calculées par Abbas pour assurer son autorité sur le système judiciaire, et les différentes façons dont les Palestiniens se sont opposés à ses décrets, afin de faire face à son autoritarisme croissant.
En 2016, Abbas a créé la Cour suprême constitutionnelle et y a nommé des juges issus en grande majorité du Fatah.
Par conséquent, toutes les décisions prises par la Cour servent sans équivoque Abbas et l’élite politique. Un exemple concret est l’arrêt interprétatif no. 10 du 12 décembre 2018, qui dissout le Conseil législatif palestinien (CLP) et demande au président d’organiser de nouvelles élections dans un délai de six mois, ce qu’il n’a pas fait.
Les organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme et de la société civile se sont opposées à la décision de 2018, condamnant l’appel à dissoudre le Conseil législatif palestinien (CLP).
Selon ces organisations, cet appel viole la constitution ainsi que la loi fondamentale qui stipule que le CLP ne peut pas être dissous, même en cas d’état d’urgence. Elles ont également affirmé que cette décision constituait un dangereux précédent qui permettrait de dissoudre d’autres conseils législatifs élus.
Un an auparavant, M. Abbas avait proposé un projet de décret visant à modifier la loi sur le pouvoir judiciaire (JAL), ce qui avait suscité une large opposition. Du coup, Abbas a publié un décret pour créer le Comité de développement du secteur de la justice, que les opposants ont également condamné pour des raisons de corruption et de népotisme.
Le Comité a d’ailleurs recommandé à M. Abbas de proposer des lois visant à restaurer l’autonomie du pouvoir judiciaire ; M. Abbas a toutefois ignoré les recommandations du comité, et le projet de décret modifié sur la loi sur le pouvoir judiciaire (JAL) a été publié en 2018.
Les opposants ont condamné le décret de 2018 pour avoir donné au président le pouvoir de nommer et de révoquer le président de la Cour suprême sans la recommandation du Conseil supérieur de la magistrature, en violation de la loi fondamentale. Ils ont également fait valoir qu’en donnant à l’autorité exécutive le contrôle absolu du pouvoir judiciaire, le décret susciterait des conflits entre les trois principales branches du secteur de la justice, à savoir le Conseil judiciaire, le ministère de la Justice et le procureur général.
Malgré tout, M. Abbas a publié trois autres décrets le 30 décembre 2020 qui confèrent au président de l’Autorité palestinienne des pouvoirs étendus sur le système judiciaire, notamment le pouvoir de nommer les présidents, les vice-présidents et les juges de la Cour administrative et de la Cour administrative suprême, ainsi que le pouvoir de nommer les présidents de la Cour suprême et du Conseil supérieur de la magistrature, et d’accepter leur démission.
Ces décrets dotent également le président de l’Autorité palestinienne et le Conseil supérieur de la magistrature de plusieurs outils d’intimidation des juges, tels que la mise à la retraite anticipée forcée et le détachement arbitraire.
Les amendements proposés comprennent en outre la formation d’un tribunal électoral par la Haute cour de Justice (HJC) – dont le chef est nommé par le président de l’Autorité palestinienne – pour statuer sur les affaires relatives à la Commission électorale centrale.
L’Association des juristes de Palestine (AJP) a publié une déclaration condamnant les trois décrets pour atteinte au pouvoir judiciaire et a demandé à Abbas de les annuler.
D’autres organismes ont également publié des déclarations les rejetant, notamment la Coalition civile pour la réforme et la protection du pouvoir judiciaire, la Commission indépendante des droits de l’homme et Al Haq.
Non seulement Abbas n’a pas annulé les décrets, mais il en a publié de nouveaux qui posent tout autant problème. En mars 2022, il a promulgué des décrets modifiant un certain nombre de procédures légales, notamment le code de procédure pénale, le code de procédure civile et commerciale, la loi sur les preuves et la loi sur l’exécution des peines.
Après une lutte ardue, l’association du barreau palestinien a réussi à annuler ces nouveaux décrets. Selon l’association du barreau et le Conseil des organisations des droits de l’homme, les décrets contenaient des violations flagrantes des normes d’équité des procès, sapaient le contrôle judiciaire de la légalité des arrestations, portaient atteinte au droit de la défense, violaient le droit à l’égalité d’accès aux tribunaux et ouvraient la voie à une gestion arbitraire des affaires par les juges.
Le contexte du décret n° 17
C’est ainsi que le décret n°17 d’Abbas d’octobre 2022, appelant à l’établissement du Conseil suprême des instances et autorités judiciaires (CSAUJ) avec lui à sa tête, s’inscrit dans une trajectoire de mesures juridiques qui ont renforcé sa domination sur le système judiciaire et violé la constitution, en particulier les principes essentiels de la Loi fondamentale palestinienne : la séparation des pouvoirs et l’indépendance du système judiciaire.
En effet, le décret stipule que le chef de la Haute cour de justice, la cour constitutionnelle et le ministre de la justice seraient membres du Conseil suprême des instances et autorités judiciaires (CSAUJ). En tant que chef du CSAUJ, Abbas consoliderait son emprise sur tous les leviers du système judiciaire palestinien.
Comme ils sont condamné les décrets précédents, les détracteurs du décret no. 17 l’ont condamné pour violation de la déclaration d’indépendance palestinienne et de la Loi fondamentale, dont l’article 100 stipule que le Conseil législatif palestinien (CLP) consulte le Conseil supérieur de la magistrature sur les projets de loi relatifs aux questions d’autorité judiciaire.
Cependant, l’article 4 du décret no. 17 confère au Conseil suprême des instances et autorités judiciaires (CSAUJ) le pouvoir de discuter des lois relatives au pouvoir judiciaire.
En s’octroyant un pouvoir absolu sur le Conseil supérieur de la magistrature et en soumettant les tribunaux et le ministère de la Justice au nouveau Conseil supérieur de la magistrature, Abbas ne contrevient pas seulement à la Loi fondamentale, mais aussi aux conventions et traités internationaux que l’Autorité palestinienne a ratifiés, en particulier la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
De nombreuses organisations de défense des droits de l’homme et factions palestiniennes ont également condamné le décret, estimant qu’il s’agissait d’une main mise de l’autorité exécutive sur le pouvoir judiciaire, et ont exigé son retrait, compte tenu notamment du fait que le mandat d’Abbas a expiré et qu’il refuse d’organiser des élections.
La Coalition pour la responsabilité et l’intégrité (AMAN) a demandé le retrait du décret dans un effort pour faire respecter la loi fondamentale et la déclaration d’indépendance.
Le secrétaire de l’association du barreau palestinien, Dawood Darawi, a déclaré aux journalistes que le décret menaçait la gouvernance démocratique et jetait les bases d’un régime dictatorial. Néanmoins, le décret no. 17 est toujours en vigueur et, le 15 mars 2023, M. Abbas a publié un décret portant sur la création d’un Comité national chargé de réformer et de développer le système judiciaire.
Les implications plus larges des mesures juridiques d’Abbas
La domination de l’exécutif sur le pouvoir judiciaire permet à Abbas et à l’élite politique de consolider leur pouvoir sur de nombreux aspects de la vie économique, politique et sociale palestinienne. En effet, dans un système de gouvernance autoritaire, le contrôle des systèmes politique et judiciaire implique le contrôle des droits collectifs et individuels du peuple, et donc à sa capacité à travailler, à s’organiser, à forger une identité collective et à se mobiliser.
Le secteur à but non lucratif
En 2022, le Conseil des ministres palestinien a publié le Règlement sur les sociétés à but non lucratif n° 20, qui donne au gouvernement un contrôle quasi absolu sur les sociétés à but non lucratif.
Ce règlement met en place un nouveau mécanisme de contrôle sur les entreprises à but non lucratif (catégorisées comme distinctes des organisations de la société civile, bien qu’elles se chevauchent parfois) qui s’ajoute en l’outrepassant au contrôle déjà exercé par le ministère de l’Économie nationale, le Bureau du contrôle financier et administratif, et la Commission anti-corruption.
Soumettre ces organisations à des réglementations gouvernementales aussi exorbitantes restreint leurs libertés et leurs moyens de financement. Le prétexte invoqué pour la mise en place du Règlement de 2022 qui permet au gouvernement de surveiller les organisations à but non lucratif est d’empêcher le financement d’organisations dites terroristes. Vingt des 44 articles du règlement sont consacrés à la lutte contre le soi-disant terrorisme et le blanchiment d’argent.
Le Règlement de 2022 permet également au gouvernement de surveiller les fondateurs des associations, ainsi que les actionnaires et les bénéficiaires, et de partager les informations qu’ils détiennent avec le bureau d’enregistrement des sociétés.
Certes, le Règlement confère des pouvoirs législatifs et judiciaires aux greffes qui enregistrent des associations, y compris le pouvoir d’imposer des sanctions et des pénalités, et d’agir en qualité de police judiciaire.
Il faut cependant noter que le règlement ne prévoit pas de dispositions relatives à l’introduction de réclamations ou de recours contre les décisions du greffier.
Le Règlement de 2022 intègre les dispositions du décret no. 7 de 2021, qui modifie le décret no. 1 de 2000 sur les associations caritatives et les organisations de la société civile, qui restreint le droit d’association. Le décret de 2000 a été suspendu en réponse aux pressions exercées par les organisations de la société civile palestinienne.
De même, les règlements de 2022 n’ont pas été approuvés du fait de la protestation des organisations de la société civile qui les accusaient de violer la loi fondamentale et les accords internationaux.
Les règlements de 2022 représentent la dernière tentative en date du gouvernement pour réprimer et détruire les entreprises à but non lucratif et les organisations de la société civile, au prétexte de la lutte contre le terrorisme et l’argent.
Il faut souligner que les organisations de la société civile et les organisations à but non lucratif jouent un rôle essentiel dans une société dirigée par un régime autoritaire.
Grâce à elles, les Palestiniens peuvent rentrer dans le système politique et se mobiliser pour défendre leurs droits. Les tentatives d’Abbas de contrôler les organisations de la société civile et les organisations à but non lucratif ont donc pour but de supprimer l’opposition, et d’affermir son contrôle brutal de tous les aspects de la vie quotidienne des Palestiniens.
Les syndicats et mouvements sociaux
Abbas travaille en tandem avec l’élite politique de Cisjordanie pour restreindre les libertés civiles des Palestiniens. En effet, pour pouvoir adopter autant de décrets présidentiels consacrant son autorité, il avait besoin du soutien de l’élite politique, et pour cela il fallait mettre fin à la résistance populaire. Il y est parvenu en utilisant l’article 43 de la loi fondamentale palestinienne, qui accorde au président « le droit, en cas d’urgence, et lorsque le Conseil législatif n’est pas en session, d’émettre des décrets qui ont force de loi ».
Les services de sécurité d’Abbas ont opprimé et réprimé des quantités de manifestants et de militants et Abbas a mis fin à plusieurs mouvements, notamment le mouvement des enseignants palestiniens de 2016, le mouvement « Lever les sanctions » de 2018 et le mouvement populaire qui a émergé en réponse à l’assassinat du militant Nizar Banat en 2021. En outre, Abbas a intensifié la suppression des droits numériques palestiniens.
En 2018, il a publié le décret no. 10 modifiant la loi sur la cybercriminalité, accordant aux autorités gouvernementales le pouvoir de bloquer des sites web et de censurer les utilisateurs de médias sociaux.
Mais la répression d’Abbas ne s’arrête pas là. Lui et ses alliés politiques ont une longue histoire de ciblage et de répression de l’organisation syndicale. En 2015, la Cour suprême a publié un décret désignant le Syndicat des fonctionnaires comme illégal, ce qui a entraîné son démantèlement.
En 2021, un certain nombre de décrets ont été publiés, puis retirés après de nombreuses objections, notamment le décret n° 7 restreignant le travail de la société civile et des organisations caritatives ; le décret no. 9 reportant les élections des syndicats, des organisations de travailleurs et des organisations de base ; et un décret de 2022 visant à dissoudre l’Association des médecins palestiniens de Cisjordanie, dirigée par Shawky Sabha a été rejeté par l’association élue.
En l’absence d’une loi réglementant les activités des syndicats, le pouvoir judiciaire contribue à leur répression en interdisant les grèves syndicales sous prétexte de préserver le bien public.
Il ne fait pas de doute que la justice est au service du pouvoir exécutif. Selon Al Haq « 90% des décisions rendues par la Cour suprême de justice vont dans le sens du pouvoir exécutif ».
Par exemple, le 3 décembre 2017, la Cour a décidé de mettre fin à la grève organisée par la Fédération des syndicats des professeurs et employés des universités palestiniennes, au motif que les grévistes n’avaient pas informé le ministère de la grève et n’avaient donc pas suivi la procédure légale.
La Cour a conclu que la grève était préjudiciable à l’intérêt public. De même, elle a suspendu la grève de 2018 déclenchée par l’Association du barreau palestinien pour protester contre la création de la Haute Cour pénale.
Plutôt que de parler des causes profondes des grèves syndicales et d’autres formes de protestation, les représentants du gouvernement soulignent les conséquences de ces mouvements sur divers secteurs, comme l’impact du mouvement actuel des enseignants et des grèves récurrentes des professeurs et employés d’université sur l’éducation des étudiants.
En outre, le gouvernement a publié le ddécret no. 41 de 2020 permettant aux avocats de déposer des requêtes urgentes devant le tribunal administratif en l’absence des défendeurs.
Ce fut le cas lors de la grève d’octobre 2022 des professeurs et employés de l’université de Birzeit, lorsque le décret no. 41 a été utilisé pour entamer une procédure judiciaire pour faire suspendre la grève.
Le fait que le pouvoir judiciaire travaille en tandem avec le pouvoir exécutif pour adopter des mesures juridiques suspendant les grèves, abolissant les syndicats et opprimant les mouvements populaires révèle la profonde corruption des systèmes politique et judiciaire palestiniens. De fait, les juges se mettent au service du président de l’Autorité palestinienne, ce qui constitue une violation flagrante des principes constitutionnels inscrits dans la Loi fondamentale et dans de nombreux traités internationaux.
Quelques recommandations
- Compte tenu du rôle du pouvoir judiciaire dans la répression des syndicats et des mouvements sociaux, de la mise en sommeil du Conseil législatif palestinien (CLP) et du remplacement des processus législatifs par des décrets présidentiels, il est indispensable qu’un contrôle du pouvoir d’Abbas et de l’élite politique soit mis en place.
J’ai montré, dans cet article, que l’action conjointe des syndicats et des organisations de la société civile palestinienne peut réussir à bloquer les décrets présidentiels, même si d’Abbas continue à régenter la vie palestinienne en Cisjordanie. - Pour contrecarrer l’autoritarisme d’Abbas sur le long terme, les Palestiniens doivent s’unir autour d’une vision commune de la réforme politique et judiciaire nécessaire et des moyens de la réaliser dans le cadre du statu quo. Il faudrait, pour cela sensibiliser le public aux effets délétères de la domination du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire et à la nécessité de la combattre.
Sans un consensus sur la nécessité de démanteler les piliers de l’autoritarisme et de la dictature mis en place par Abbas, et sur les moyens d’y parvenir, une éventuelle modification du statu quo ne serait pas l’expression de la volonté populaire palestinienne et aurait de grandes chances d’échouer. - En l’absence d’élections libres et équitables, les Palestiniens doivent mettre en place des comités de réforme autonomes composés de représentants de syndicats, d’organisations de la société civile et de mouvements sociaux afin d’examiner les décrets d’Abbas, en particulier ceux promulgués en vertu de l’article 43 de la loi fondamentale. Cela aiderait également les organisations de la société civile et les entreprises à but non lucratif à retrouver la liberté.
- Ces comités de réforme doivent également enquêter sur les cas de répression judiciaire des syndicats et des mouvements sociaux afin de les dénoncer officiellement. Pour ce faire, il est nécessaire d’établir des règles communautaires pour la reddition de comptes qui seraient utilisés pour faire face à la domination d’Abbas, y compris celle de ses forces de sécurité, de l’élite du Fatah et des juges corrompus.
Cela nécessiterait également un consensus autour d’une vision globale de la réforme du système judiciaire afin qu’il soit lui aussi obligé de rendre compte de la manière dont il applique et fait appliquer la loi fondamentale, les traités internationaux et les normes en matière de droits de l’homme. - Un système judiciaire réformé doit également contenir des dispositions interdisant au pouvoir exécutif de suspendre le Conseil législatif et d’annuler les élections législatives. En effet, sans élections libres et démocratiques, on ne peut pas garantir que le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif respectent la loi.
Cela permettrait également de s’assurer qu’aucun parti politique ne monopolise la représentation, que les autorités politiques soient contrôlées et que les lois constitutionnelles et internationales soient respectées.
Auteur : Dana Farraj
* Dana Farraj est chercheuse en droit et est avocate certifiée à l'Association du Barreau palestinien depuis 2019. Elle a obtenu sa maîtrise en droit international humanitaire à l'université d'Aix-Marseille et sa licence en droit à l'université de Birzeit. Ses recherches portent sur le droit des réfugiés, le droit des Droits de l'homme et le droit pénal international.
19 avril 2023 – Al-Shabaka – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet