Par Al-Jazeera
Douze enfants [à la date du 23 août] ont été tués en Cisjordanie occupée par Israël cette année, ainsi que 67 dans l’attaque de mai à Gaza.
Nabi Saleh, Cisjordanie occupée – “Maman, maman, où est Muhammad ?” demande sans cesse Omar Tamimi, 3 ans, à sa mère.
S’efforçant de ne pas s’effondrer devant ses enfants, Bara’a Tamimi, du village de Nabi Saleh près de Ramallah, a tenté de réconforter son fils avant de tomber en larmes.
Le mois dernier, son autre fils, Muhammad Tamimi âgé de 17 ans, est mort après que des soldats israéliens lui ont tiré trois fois dans le dos à balles réelles.
“Nous l’avons emmené d’urgence à l’hôpital, mais il est mort moins d’une heure après avoir été gravement blessé. Ils n’ont pas pu le sauver”, a déclaré Bara’a à Al Jazeera.
Il n’y a pas eu d’affrontements dans le village ce jour-là, le 23 juillet, mais les soldats israéliens sont entrés dans le village presque quotidiennement et ont provoqué les habitants, tirant des grenades lacrymogènes dans les maisons et injuriant les villageois.
Nabi Saleh héberge environ 600 personnes, pour la plupart du clan Tamimi, et a une longue histoire de militantisme, avec des manifestations régulières du vendredi dans le passé.
“Muhammad était dans l’arrière-cour lorsque les soldats ont tiré des gaz lacrymogènes dans notre maison, me forçant à emmener les autres jeunes enfants dans les pièces intérieures pour leur sécurité”, a raconté Bara’a en se rappelant les événements qui ont conduit au meurtre de Muhammad.
“Une dispute verbale a ensuite eu lieu entre Muhammad et les soldats avant qu’il ne sorte pour chercher l’un de ses frères qui a un cancer à l’un de ses yeux et ne peut pas voir correctement. Peu de temps après, j’ai entendu trois coups de feu”.
Des “meurtres délibérés”
Le 28 juillet, Muhammad Abu Sara, âgé de 11 ans, est mort d’une blessure par balle à la poitrine après que des soldats israéliens ont tiré 13 coups de feu sur la voiture de son père dans le village palestinien de Beit Ummar, dans le sud de la Cisjordanie.
Là encore, il n’y avait pas eu d’affrontements dans le village ce jour-là.
Les soldats israéliens ont prétendu que le véhicule ne s’est pas arrêté lorsqu’on lui a ordonné de le faire. Mais Defense for Children International-Palestine (DCIP) a déclaré qu’en vertu du droit international, la force mortelle intentionnelle n’était justifiée que dans les circonstances où une menace directe pour la vie ou des blessures graves étaient présentes.
“Cependant, les enquêtes et les preuves recueillies par DCIP suggèrent régulièrement que les forces israéliennes utilisent la force mortelle contre les enfants palestiniens dans des circonstances qui peuvent s’apparenter à des exécutions sommaires”, a déclaré DCIP.
Mardi, un Palestinien de 15 ans a été tué par des tirs israéliens à balles réelles en Cisjordanie occupée. Le ministère palestinien de la santé a déclaré qu’Imad Khaled Saleh Hashash est mort après avoir été blessé par balle à la tête.
La mort des trois garçons fait partie des 12 enfants tués cette année en Cisjordanie occupée par Israël, selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH).
Soixante-sept autres enfants ont été tués à Gaza lors de l’attaque d’Israël en mai. Selon le DCIP, sept enfants ont été tués à Gaza et en Cisjordanie en 2020.
Les droits de l’enfant
Cette très forte augmentation du nombre d’enfants tués, ainsi qu’un raid sur les bureaux du DCIP à Al Bireh par les forces d’occupation israéliennes à la fin du mois de juillet, ont conduit les experts en droits de l’homme du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) à demander au gouvernement israélien de “restituer immédiatement les documents confidentiels et le matériel de bureau que ses militaires ont volés dans les bureaux du DCIP”.
“Nous sommes profondément préoccupés par l’ingérence de l’armée israélienne dans le travail de défense des droits de l’homme d’une ONG bien connue et respectée”, ont déclaré les experts.
Des ordinateurs, des disques durs, des classeurs et d’autres documents ont été saisis dans les bureaux du DCIP lors du raid conduit de nuit.
“Le travail indispensable des organisations de la société civile palestinienne, israélienne et internationale a permis de documenter et d’examiner minutieusement les tendances décourageantes en matière de droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, lequel est bien nécessaire”, a déclaré le HCDH.
Le DCIP a fourni des rapports critiques et fiables sur les schémas d’arrestations, de mutilations et de meurtres d’enfants palestiniens par l’armée israélienne en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, et à Gaza, a ajouté l’organisation.
“Toutes les vies civiles sous occupation sont protégées par le droit international. Cela est particulièrement vrai pour les droits des enfants”, ont rappelé les experts du HCDH.
Attaque par procuration
Le DCIP attend l’audience d’un tribunal militaire mardi pour déterminer si les dossiers et le matériel confisqués dans son bureau seront restitués.
“Le jour même où l’armée a fait une descente dans nos bureaux, nos avocats ont informé le tribunal militaire d’Ofer de la situation et ont contacté le conseiller juridique militaire pour lui demander de restituer les dossiers et le matériel avant le 16 août”, a déclaré Ayed Abu Eqtaish, porte-parole du DCIP, à Al Jazeera.
“Le correspondant juridique a refusé par deux fois de rendre le matériel en disant qu’une enquête était en cours, alors nous portons l’affaire devant les tribunaux. Ce n’est pas la première fois que nous sommes pris pour cible par les autorités israéliennes.
“Auparavant, elles attaquaient par le biais d’organisations pro-israéliennes mandatées, en essayant de nous calomnier et de saper notre réputation auprès de nos partenaires et donateurs, mais cela n’a jamais fonctionné”, a déclaré Abu Eqtaish à Al Jazeera.
Manal Tamimi, une militante d’une autre famille du clan Tamimi de Nabi Saleh, a déclaré que les enfants du village étaient régulièrement pris pour cible et que certains de ces actes visaient à punir leurs parents pour leur militantisme politique.
Bilal, le mari de Manal, a été régulièrement agressé par des soldats israéliens pour avoir documenté leurs exactions lors de précédents affrontements avec de jeunes Palestiniens dans le village.
Il y a plusieurs années, Manal a été touchée à la jambe par des balles réelles au début d’une manifestation.
“J’ai été avertie sur ma page Facebook avant la manifestation que mon sang allait couler ce jour-là et, au début de la manifestation, j’ai été touchée à la jambe par une balle de calibre 22, qui a provoqué la rupture de l’os”, a-t-elle déclaré à Al Jazeera.
Son fils Osama a déjà été emprisonné pendant neuf mois pour avoir prétendument participé à des manifestations.
Cependant, c’est l’arrestation et la détention de son fils Samer il y a plusieurs années, alors qu’il avait 11 ans, qui a vraiment angoissé la famille.
“Samer et deux autres garçons du même âge ont été arrêtés à Nabi Saleh et dans un autre village”, raconte Manal. “Les soldats étaient entrés dans le village, alors que tout était calme, et ils ont enlevé deux des garçons alors qu’ils étaient près du supermarché et les ont mis dans une jeep militaire.”
“Moi et plusieurs autres femmes avons essayé d’arrêter physiquement la jeep, mais nous n’avons pas réussi. “Nous nous sommes ensuite rendues au poste de contrôle militaire à l’entrée du village et avons crié aux soldats de nous dire où étaient les garçons, mais ils n’ont pas voulu.”
“Mon mari et moi étions extrêmement inquiets car nous ne savions pas où il était ni s’il avait été blessé.”
Menotté et les yeux bandés
Samer se souvient de son expérience effrayante.
“On m’a bandé les yeux et menotté et on m’a emmené dans une base militaire où on nous a tous fait asseoir par terre pendant six heures pour nous interroger”, a déclaré Samer à Al Jazeera.
Pendant ce temps, aucun des garçons n’a reçu de nourriture ou d’eau, et on ne leur a pas non plus enlevé le bandeau ou les menottes.
Pour l’effrayer, les soldats ont également montré à Samer une vidéo de sa mère manifestant au poste de contrôle. Les garçons ont finalement été libérés plus tard dans la nuit après l’intervention de responsables palestiniens.
“Mais maintenant, mon fils a un dossier et il n’est pas autorisé à traverser les points de contrôle israéliens alors qu’il n’a que 15 ans”, a déclaré Manal.
Manal a fait savoir qu’environ 85 enfants du village avaient été arrêtés au fil des années, dont 10 avaient moins de 15 ans. “Plus de 500 villageois avaient aussi été blessés, et cinq personnes avaient été tuées”.
Elle a déclaré que les soldats du village rendaient la vie difficile aux enfants en érigeant régulièrement des barrages militaires et en empêchant les enfants d’aller à l’école, en plus des violences physiques et des arrestations.
Auteur : Al-Jazeera
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24 août 2021 – Al-Jazeera – Traduction: Chronique de Palestine