Pourquoi l’Autorité de Ramallah fait-elle le sale boulot de l’occupant à Jénine ?

14 décembre 2024 - Les funérailles de l'adolescent palestinien Rebhi Shalabi, assassiné par la police de l'Autorité palestinienne à Jénine. Selon Al-Jazeera, Yazid Ja'aysah, qui était recherché par les forces d'occupation israéliennes, a été tué au cours d'affrontements qui ont également fait plusieurs blessés parmi les civils, dont deux enfants. Ces affrontements ont éclaté lorsque les forces de police de l'Autorité palestinienne ont tenté de prendre d'assaut le camp vers 5 heures du matin, déployant des tireurs d'élite sur les toits et ciblant tout mouvement à l'intérieur du camp - Photo : via QNN

Par Robert Inlakesh

L’Autorité palestinienne qui devait mettre en place le futur État de Palestine, est devenue une entité corrompue au service des intérêts israéliens et des avantages économiques de ses principaux dirigeants.

Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne mènent une opération d’assassinat et d’arrestation des résistants, au camp de réfugiés de Jénine, en utilisant des véhicules blindés ; elles font des descentes dans les habitations, arrêtent les combattants et tirent sur les gens dans la rue. Cette campagne a été lancée alors que les craintes qu’Israël n’annexe bientôt la Cisjordanie augmentent.

Pendant qu’Israël accélère la confiscation des terres de Cisjordanie et l’expansion illégale des colonies, encourage le terrorisme des colons israéliens et ouvre la voie à l’annexion formelle du territoire, l’Autorité palestinienne (AP) lance une répression armée contre les combattants palestiniens anti-occupation.

Au cours des premiers jours de la répression dans le camp de Jénine – qu’elles ont assiégé et attaqué avec des véhicules blindés – les forces de sécurité de l’AP ont assassiné l’adolescent palestinien Rebhi Shalabi et le commandant des Brigades de Jénine, Yazi Jaayseh.

S’inspirant de la manière dont les forces israéliennes justifient habituellement leurs attaques contre le camp de réfugiés, l’Autorité palestinienne a affirmé que ses violations des droits de l’homme et ses exécutions sur le terrain visaient à « maintenir la sécurité et l’ordre publics, à établir l’État de droit et à prévenir la sédition et le chaos dans le camp de Jénine ».

Palestine : le collaborateur Abbas prend le risque de déclencher une guerre civile

En réaction aux opérations répressives des forces de sécurité de l’Autorité palestinienne (PASF), le Jihad islamique palestinien (PIJ) a déclaré que « le ciblage des groupes de résistance par les autorités à Jénine n’a rien à envier à la violence et la brutalité criminelle de l’occupation (israélienne) ». Le Hamas a également publié une déclaration publique affirmant qu’il s’agit « d’un crime odieux qui nécessite une mobilisation de la société civile pour briser le siège et soutenir les combattants de la résistance ».

Selon le bureau humanitaire des Nations Unies, les PASF se sont emparé d’une partie d’un hôpital à Jénine, pour l’utiliser comme base et tirer sur les Palestiniens depuis l’intérieur de l’établissement médical. Les forces de l’Autorité palestinienne ont également placé huit hommes et adolescents en détention, et ont même emmené un blessé qui était sur une civière.

Si l’Autorité palestinienne a intensifié la violence de ses mesures de répression contre son propre peuple, lors de sa récente descente contre les résistants des Brigades de Jénine, pour répondre aux souhaits d’Israël en matière de sécurité, elle n’en est pas à son coup d’essai en matière de torture et d’exécutions sur le terrain. Des violences régulières ont éclaté ces dernières années dans tout le nord de la Cisjordanie, entre les groupes de résistance à l’occupation et les forces de sécurité pro-israéliennes de l’Autorité palestinienne.

Combattre la guerre d’Israël

Dans un récent article publié par le Washington Post, l’assaut du camp de réfugiés de Jénine a été décrit comme « une étape inhabituelle pour l’Autorité palestinienne », ce qui soulevait de nombreuses interrogations sur les raisons de tels raids.

La vérité est que ces opérations de répression n’ont rien d’inhabituel et qu’elles étaient même tout à fait prévisibles, la seule chose qui est sans précédent, c’est leur ampleur. Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont pour mission de gérer deux grandes questions en Cisjordanie, la question prioritaire étant la sécurité israélienne suivie du maintien de l’ordre dans les grandes villes palestiniennes.

Selon les accords d’Oslo, signés entre 1993 et 2005, l’Autorité palestinienne contrôle la sécurité dans la zone A de la Cisjordanie occupée. Toutefois, ce n’est pas ainsi que les choses se passent sur le terrain, car les forces israéliennes coordonnent fréquemment leurs invasions de la zone A avec les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne, pour qu’elles se retirent de la zone, ce qui permet à l’armée israélienne d’attaquer où elle veut.

Quand l’appareil de sécurité de l’Autorité palestinienne était sous l’autorité de l’ancien président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, pendant la deuxième Intifada (2000-2005), il avait soutenu les groupes armés anti-occupation de Cisjordanie, mais il a été contraint de se restructurer avec l’aide des États-Unis, du Royaume-Uni, d’Israël et de la Jordanie.

Sous la présidence de Mahmoud Abbas, qui a été élu en 2005 et se maintient au pouvoir sans avoir été réélu, les PASF ont assuré la coordination de la sécurité avec l’armée d’occupation israélienne.

L’Autorité palestinienne a annoncé la suspension de la coordination de la sécurité à d’innombrables reprises, mais elle ne l’a jamais fait. Elle a notamment torturé à mort Nizar Banat, critique bien connu de l’Autorité palestinienne, en juin 2021. En septembre de la même année, les Brigades de Jénine ont annoncé officiellement leur constitution comme groupe de résistance.

Les Brigades de Jénine ont développé une stratégie de défense de leurs zones locales contre les raids israéliens. Elles ont limité leurs activités à la région de Jénine et elles n’ont pas lancé d’assauts armés contre les forces israéliennes – à l’exception de points de contrôle locaux et de tirs symboliques occasionnels en direction des colonies illégales.

En 2002, Israël a assassiné environ 500 Palestiniens et écrasé les groupes de résistance armés dans le nord de la Cisjordanie, au cours de l’opération « Bouclier défensif ». En 2021, les groupes de résistance sont réapparu et ont commencé à affronter les forces d’occupation israéliennes, déclenchant un courant révolutionnaire qui finira par s’étendre à des régions comme Tulkarem, Tubas et Naplouse.

Le 31 mars 2022, à la suite d’une série d’attaques individuelles contre des soldats et des colons israéliens, en Cisjordanie, l’armée israélienne a lancé l’opération « Briser la vague », qui s’est soldée par le meurtre de centaines de Palestiniens sur l’ensemble du territoire, dont d’innombrables civils.

Les forces d’occupation israéliennes ont commencé à utiliser des drones et des hélicoptères pour effectuer des frappes aériennes dans le territoire, à poser, à l’aveugle, des bombes piégées et à multiplier les raids, les détentions arbitraires et les exécutions.

Début janvier, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a présenté à l’Autorité palestinienne un plan visant à mettre en place une unité des PASF spécialement désignée pour lancer une campagne de répression contre les nouveaux groupes de résistance. Le coordinateur américain de la sécurité, Michael Fenzel, est à l’origine de ce plan, baptisé « plan Fenzel ».

Dans la foulée, les responsables de l’Autorité palestinienne et leurs homologues israéliens, jordaniens, égyptiens et américains se sont réunis à Aqaba, en Jordanie, pour discuter de l’évolution de la situation en février 2023. Ils se sont à nouveau réunis dans la ville égyptienne de Sharm el-Sheikh, en mars de la même année.

Quand les barbouzes britanniques tirent les ficelles de l’Autorité de Ramallah

L’Autorité palestinienne a démenti les rumeurs diffusées par la presse arabe, selon lesquelles elle mettait en œuvre le plan Fenzel des États-Unis et cherchait à former en Jordanie une force palestinienne spécialement conçue pour réprimer violemment son propre peuple, mais elle a bel et bien commencé à réprimer les groupes de résistance.

Après le début du génocide israélien à Gaza, lancé en octobre 2023, l’Autorité palestinienne a arrêté des dizaines de combattants, en a tué d’innombrables autres, a abattu des manifestants civils et a été accusée de torturer ses opposants.

Elle a également déployé des équipes de démineurs dans les rues du nord de la Cisjordanie pour désamorcer les engins explosifs artisanaux plantés dans le sol pour cibler les forces israéliennes lorsqu’elles lancent des raids offensifs. Les forces de l’Autorité palestinienne enlèvent les explosifs et l’armée israélienne pénètre ensuite dans ces zones par des itinéraires qui ont été dégagés par ces forces de l’Autorité palestinienne.

Les premières versions de groupes tels que les Brigades de Jénine étaient dirigées par d’anciens et même d’actuels membres des PASF, dont beaucoup faisaient partie de l’organisation peu structurée de la section du Fatah affiliée aux Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, alors Israël a commencé à assassiner et à arrêter ces combattants de la résistance.

Les intentions israéliennes derrière le ciblage spécifique des combattants affiliés à l’AP étaient de semer la discorde entre les PASF et les groupes de résistance, et de provoquer la rupture des liens entre les deux parties.

À l’heure actuelle, l’Autorité palestinienne cherche à tirer un double bénéfice de la répression pro-israélienne qu’elle exerce contre son propre peuple : Le premier est de prouver sa force et son efficacité à la future administration américaine de Trump, qui l’avait précédemment considérée comme inutile et avait émis l’idée de la dissoudre complètement. Le second est de renforcer sa position dans un accord de normalisation israélo-saoudien à venir.

L’Autorité palestinienne est profondément impopulaire en Cisjordanie, la grande majorité de la population exprime souvent son souhait de voir le président Abbas quitter le pouvoir et souhaite même l’effondrement de l’autorité actuelle.

Cela n’a rien d’étonnant, car l’Autorité Palestinienne est considérée comme profondément corrompue, et, à raison, au vu de ses violations des droits humains bien documentées, son refus d’organiser des élections et des modes de fonctionnement démocratiques et surtout sa collaboration avec Israël, qu’elle aide à s’emparer illégalement de nouvelles terres.

Alors que l’AP devait être le fer de lance de la création d’un futur État de Palestine, elle s’est transformée en une force corrompue au service des intérêts israéliens et des avantages économiques de ses principaux dirigeants.

17 décembre 2024 – The Palestine Chronicle – Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

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