Par Ramzy Baroud
Israël a qualifié de « grave erreur » et d’ « événement tragique » l’assassinat manifestement délibéré de sept travailleurs humanitaires à Gaza le 1er avril. Il s’agit évidemment d’un mensonge. Toute cette soi-disant guerre – en réalité un génocide – à Gaza a été basée sur une série de mensonges, dont certains continuent d’être colportés par Israël.
Pour certains médias grand public, il a fallu des mois pour accepter le fait évident qu’Israël a menti sur les événements qui ont conduit à la guerre et sur les objectifs militaires de ses attaques ininterrompues contre des hôpitaux, des écoles, des abris et d’autres installations civiles.
Il était donc logique qu’Israël mente sur l’assassinat des six travailleurs internationaux de la World Central Kitchen [WCK] et de leur chauffeur palestinien.
Malgré un fait aussi atroce, il ne faut pas s’attendre à ce qu’Israël dise la vérité maintenant.
Heureusement, peu de gens semblent croire à la version israélienne des événements concernant l’attaque ou les massacres en cours ailleurs dans la bande de Gaza. Israël « ne peut pas enquêter de manière crédible sur son propre échec à Gaza », a déclaré la semaine dernière la WCK, basée aux États-Unis.
La question du ciblage de ces travailleurs humanitaires doit être replacée dans un contexte plus large.
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Israël n’a pas caché son intention de priver les Palestiniens de Gaza des produits de première nécessité, comme en témoignent les propos tenus par le ministre de la défense, Yoav Gallant, le 9 octobre : « Il n’y aura pas d’électricité, pas de nourriture, pas de carburant, tout est stoppé ».
Au départ, cette déclaration et beaucoup d’autres du même genre ont été considérées comme le résultat du désir d’Israël de punir les Palestiniens pour l’opération « Déluge d’al-Aqsa » du 7 octobre en recourant à sa tactique typique de punition collective.
Avec le temps, cependant, et sur la base de déclarations faites par d’autres responsables israéliens, il est devenu clair qu’Israël voulait procéder à un nettoyage ethnique des Palestiniens.
Le stratagème israélien a été immédiatement rejeté par l’Égypte, la Jordanie, les pays arabes et, finalement, par d’autres gouvernements dans le monde.
Pourtant, Israël a persisté. Le ministre des finances, Bezalel Smotrich, a déclaré que la « migration volontaire » des Palestiniens de Gaza était la « bonne solution humanitaire ». Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a abondé dans ce sens. « Notre problème est de trouver des pays prêts à absorber les habitants de Gaza, et nous y travaillons », a-t-il déclaré.
Mais pour qu’un nettoyage ethnique puisse avoir lieu, plusieurs conditions préalables doivent être remplies.
Premièrement, la majeure partie des 2,3 millions d’habitants de Gaza devait être repoussée vers le sud, aussi près que possible de la frontière égyptienne. Cette condition a été remplie.
Deuxièmement, tous les aspects de la vie devaient être détruits dans l’ensemble de la bande de Gaza, y compris les hôpitaux et les cliniques. Les exemples les plus évidents en sont le massacre macabre de l’hôpital arabe Al-Ahli, le 17 octobre, et le bain de sang et la destruction totale du plus grand complexe médical de Gaza, Al-Shifa, le 1er avril.
Lorsque les militaires israéliens se sont retirés de la zone entourant l’hôpital Al-Shifa, ils ont laissé derrière eux l’une des scènes les plus tragiques de l’histoire de la guerre moderne. Des centaines de corps ont été enterrés à la hâte dans des fosses communes, au milieu de bâtiments carbonisés et de ruines indescriptibles.
Des membres d’enfants sortaient de la terre, des familles entières avaient été ligotées et exécutées, et d’autres crimes que le monde mettra longtemps à comprendre, sans parler de les expliquer…
Pourtant, l’ancien Premier ministre israélien Naftali Bennett a déclaré avec nonchalance que « pas un seul civil » n’avait été tué à Al-Shifa. Là encore, Israël ment.
Troisièmement, du point de vue israélien, la plupart des abris, des boulangeries, des marchés, des réseaux électriques et des générateurs d’eau devaient également être pris pour cible afin que la population ainsi martyrisée, en particulier celle du nord de Gaza, se rende compte que la vie y est tout simplement insoutenable.
Conscients du plan ultime d’Israël visant à provoquer une famine à Gaza, les Palestiniens ont riposté. Leur contre-stratégie consistait à faire en sorte que le plus grand nombre possible de Palestiniens restent dans le nord de la bande de Gaza et que ceux qui étaient concentrés à Rafah ne soient pas poussés vers le désert du Sinaï.
Outre la bataille en cours entre l’armée israélienne et la résistance palestinienne à Gaza, un autre type de guerre se déroule : la poussée d’Israël pour le nettoyage ethnique des Palestiniens et le désir de ces derniers de survivre et de rester à l’intérieur des frontières de la bande de Gaza.
C’est précisément la raison pour laquelle Israël a massacré des dizaines de Palestiniens qui s’efforçaient de faciliter la vie dans le nord et le centre de la bande de Gaza. Selon les Nations unies, avant l’attaque contre les travailleurs internationaux de WCK, Israël avait déjà tué 196 travailleurs humanitaires.
Ce chiffre n’inclut pas les médecins, le personnel médical, les travailleurs de la défense civile, les chefs et officiers de police ou toute personne contribuant à maintenir la vie dans des zones qu’Israël voulait vider de leurs habitants.
Même lorsque, sous la pression internationale, Israël a autorisé une aide limitée à entrer dans le nord de Gaza, ses militaires ont pris pour cible à plusieurs reprises les Palestiniens qui se rassemblaient désespérément dans l’espoir de recevoir ces fournitures vitales.
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Selon un rapport publié la semaine dernière par l’Observatoire Euro-Med des droits de l’homme, Israël a tué 563 Palestiniens et en a blessé 1 523 entre le 11 janvier et le 23 mars lorsqu’il a attaqué des personnes qui attendaient de l’aide à des endroits désignés dans le nord de la bande de Gaza ou qu’il a pris pour cible des centres de distribution et les travailleurs chargés de distribuer l’aide.
Le quartier du rond-point de Koweït, dans la ville de Gaza, a été le théâtre du meurtre de 256 réfugiés affamés, tandis que 230 autres ont été tués dans la rue Al-Rashid.
Les bombardements israéliens ne sont pas le fruit du hasard, puisqu’ils ont également visé et tué 41 officiers de police qui travaillaient avec des volontaires de différents clans de Gaza pour aider l’Agence des Nations unies pour les réfugiés et les travaux à distribuer de l’aide à la population frappée par la famine.
Les clans eux-mêmes ont été la cible de bombardements tout aussi impitoyables.
Comme lors de l’attaque contre les travailleurs de la WCK, chaque fois qu’une entité responsable de l’acheminement de l’aide est attaquée, elle déclare qu’elle n’interviendra plus dans la bande de Gaza.
C’est ainsi que la faim dans la bande de Gaza s’est transformée en véritable famine.
Le dernier assassinat de travailleurs humanitaires internationaux à Gaza a été commis dans le même but : s’assurer qu’aucun mécanisme de distribution de l’aide n’est autorisé.
Ironiquement, l’implication de la WCK était elle-même le résultat d’un accord négocié par les États-Unis qui refusait aux autorités de Gaza et même à l’UNRWA tout rôle dans la réception et la distribution de l’aide.
Israël doit être stoppé à tout prix et les criminels de guerre israéliens doivent rendre des comptes pour l’un des pires génocides de l’histoire moderne.
Auteur : Ramzy Baroud
* Dr Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Il est l'auteur de six ouvrages. Son dernier livre, coédité avec Ilan Pappé, s'intitule « Our Vision for Liberation : Engaged Palestinian Leaders and Intellectuals Speak out » (version française). Parmi ses autres livres figurent « These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons », « My Father was a Freedom Fighter » (version française), « The Last Earth » et « The Second Palestinian Intifada » (version française) Dr Ramzy Baroud est chercheur principal non résident au Centre for Islam and Global Affairs (CIGA). Son site web.
8 avril 2024 – Arab News – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah