Par Yumna Patel
Un arrêt de la Cour internationale de justice en faveur de l’Afrique du Sud, qui a accusé Israël de génocide, pourrait sauver des milliers de vies à Gaza. L’alternative, en revanche, pourrait être dévastatrice et enhardir davantage la violence israélienne.
L’Afrique du Sud et Israël comparaissent devant la Cour internationale de justice, le jeudi 11 janvier, où la Cour commencera à entendre les arguments sur la question de savoir si Israël commet le crime de génocide.
Ces audiences publiques très attendues, qui dureront deux jours, se fondent sur un recours de 84 pages soumis par l’Afrique du Sud en décembre à la CIJ, l’organe judiciaire suprême des Nations unies.
Dans ce recours, l’Afrique du Sud affirme que la campagne militaire d’Israël à Gaza a un « caractère génocidaire » et que, par son action et son intention de commettre un génocide, Israël a violé la convention de 1948 sur le génocide.
Israël et l’Afrique du Sud sont tous deux parties à cette convention, qui a vu le jour à la suite de la Seconde Guerre mondiale et de l’Holocauste. Tous les signataires du traité sont tenus de ne pas commettre de génocide, de veiller à ce qu’il soit empêché et de demander que le crime soit poursuivi.
L’appel de l’Afrique du Sud devant la CIJ ne vise toutefois pas seulement à accuser Israël de génocide – une procédure longue qui pourrait prendre des mois ou des années à la Cour. L’Afrique du Sud cherche également une solution plus immédiate en demandant à la Cour d’instituer des mesures provisoires pour mettre fin immédiatement à la campagne militaire d’Israël à Gaza.
En substance, l’Afrique du Sud souhaite deux choses : que le massacre des Palestiniens de Gaza cesse immédiatement et qu’Israël soit accusé de crime de génocide à long terme. Un résumé et une explication du mémoire de 84 pages sont disponibles ici.
Comme on pouvait s’y attendre, Israël a nié catégoriquement toute accusation de génocide, qualifiant l’appel sud-africain de « diffamation » antisémite. Les États-Unis ont également critiqué le recours de l’Afrique du Sud, le qualifiant de « sans fondement » et « sans aucune base factuelle ».
Néanmoins, Israël va de l’avant et envoie une équipe de juristes soigneusement préparée à La Haye, aux Pays-Bas, pour défendre la position d’Israël selon laquelle il ne commet pas de génocide à Gaza.
Les procédures publiques dont on parle beaucoup, qui se dérouleront sur deux jours, jeudi 11 et vendredi 12 janvier, sont bien accueillies par les Palestiniens, ainsi que par un certain nombre de pays à travers le monde, qui n’ont jusqu’à présent pas réussi à instaurer un cessez-le-feu, principalement en raison du veto américain aux résolutions de l’ONU appelant à l’arrêt de la violence.
Malgré l’engouement international et les attentes, de nombreuses personnes en Palestine et dans le monde restent sceptiques quant au poids que pourrait avoir une décision de la CIJ contre Israël, en raison de la longue histoire d’impunité israélienne sur la scène mondiale et du mépris bien connu et documenté d’Israël pour le droit international et les normes en matière de droits de l’homme.
Néanmoins, de nombreux experts palestiniens en droit international et groupes de défense des droits de l’homme affirment que les procédures de la CIJ sont importantes et pourraient avoir d’importantes conséquences non seulement pour Israël et la Palestine, mais aussi pour le reste du monde.
Munir Nuseibah, professeur palestinien de droit international à l’Université Al-Quds et directeur de Al-Qods Human Rights Clinic, fait partie de ces experts. Mondoweiss s’est entretenu avec le Dr. Nuseibah sur l’importance de cette affaire, sur les raisons pour lesquelles les gens devraient y prêter attention et sur les implications qu’elle contient.
Pourquoi cette plainte est-elle importante ?
L’affaire déposée par l’Afrique du Sud est importante pour un certain nombre de raisons. Tout d’abord, note M. Nuseibah, le fait qu’elle ait été déposée devant la CIJ est en soi significatif, puisque la Cour est la plus haute instance judiciaire chargée de régler les différends entre les États.
« C’est très important parce que c’est basé sur un accord ou un traité qui lie à la fois l’Afrique du Sud et Israël », a-t-il déclaré, faisant référence à la Convention sur le génocide de 1948.
« C’est important dans l’histoire de la cause palestinienne, car nous n’avons pas eu l’occasion d’obtenir une décision internationale contraignante sur aucune des questions importantes que nous avons traitées, y compris, par exemple, la question des réfugiés palestiniens, l’occupation [israélienne], etc », a poursuivi M. Nuseibah.
La dernière fois que la CIJ a pris une décision concernant la Palestine, c’était en 2004, dans un avis consultatif qui estimait que le mur de séparation israélien, dont la construction n’en était alors qu’à ses débuts, violait le droit international et devait être démoli.
Toutefois, cette décision étant un avis consultatif non contraignant, Israël n’était pas obligé d’arrêter la construction ou de démolir le mur. Au lieu de cela, Israël a poursuivi la construction du mur, qui s’étend aujourd’hui sur des centaines de kilomètres, coupant les Palestiniens de leurs terres et engloutissant des pans entiers du territoire palestinien.
Si le tribunal se prononce en faveur de l’Afrique du Sud, cela signifierait qu’en vertu du droit international, Israël serait obligé de mettre fin à sa campagne militaire à Gaza à court terme et, à long terme, de fournir des réparations matérielles aux victimes de son génocide.
L’affaire est également importante d’un point de vue symbolique. Face à un génocide en cours, bien documenté par les Palestiniens et les organisations internationales de défense des droits de l’homme, le monde doit intervenir pour y mettre fin.
« S’il n’y a pas d’intervention sérieuse, si les Nations unies, le monde et ce que nous appelons la ‘communauté internationale’ continuent d’être réduits au silence et rendus inactifs, et d’une certaine manière désactivés et démobilisés, cette horreur se poursuivra », a déclaré le Dr Nusaibah, « non seulement en Palestine, mais dans le monde entier ».
« Il est très important de ne pas être seulement accusé de génocide, mais d’être inculpé par le tribunal et d’être considéré comme un pays coupable de génocide », dit-il. « À mon avis, tout ce qui se passe aujourd’hui à la Cour internationale de justice est susceptible d’influencer des milliers de vies à l’avenir. »
« Ainsi, quelle que soit la décision de ces juges, il s’agira d’une question de vie ou de mort pour de très nombreux Palestiniens. »
Quels seront les arguments de l’Afrique du Sud jeudi ?
L’argument principal de l’Afrique du Sud est qu’Israël commet un génocide à Gaza et qu’il viole ses obligations au titre de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du génocide, qui définit ce crime comme « des actes visant à la destruction d’une partie substantielle du groupe national, racial et ethnique palestinien ».
L’argument de l’Afrique du Sud repose sur la preuve qu’Israël ne commet pas seulement des actes de génocide à Gaza, mais qu’il y a une intention claire de la part d’Israël de commettre un génocide – ce dernier point étant un élément important du mémoire de 84 pages, qui énumère une série de citations d’hommes politiques, de fonctionnaires et de personnalités publiques israéliens utilisant un langage génocidaire lorsqu’ils parlent de la campagne d’Israël à Gaza.
« Le premier argument de l’Afrique du Sud portera sur les discours et les citations de responsables israéliens qui ont utilisé un langage génocidaire dès le premier jour, le 7 octobre », a déclaré M. Nuseibah.
« En droit pénal, il ne suffit pas de faire quelque chose, il faut aussi avoir l’intention de le faire. Et l’un des signes de cette intention, ce sont les propos que l’on tient. Ces citations de responsables israéliens seront donc utilisées pour montrer qu’Israël a appelé au génocide », a-t-il poursuivi.
Et, bien sûr, l’Afrique du Sud fournira des preuves de ce qu’elle considère comme des actes génocidaires évidents perpétrés par Israël à Gaza, tels que « le bombardement de civils, le ciblage de maisons, d’hôpitaux, de centres culturels, d’universités, d’écoles, etc », a expliqué M. Nuseibah.
« Toutes ces cibles que l’armée israélienne a détruites au cours des derniers mois, et bien sûr les victimes civiles, les êtres humains qui ont été assassinés, blessés ou rendus invalides, [Israël] utilisant la faim comme une arme, etc. – tout cela constituera une partie très importante des faits que l’Afrique du Sud présentera », a-t-il déclaré, ajoutant que le refus de fournir du carburant et de l’électricité, le siège imposé à deux millions de civils et le déplacement forcé des Palestiniens de Gaza constituaient également « un élément important du génocide, en particulier dans ce cas ».
La défense israélienne sera dans le déni complet
Alors que les 84 pages du document nous donnent un aperçu de la plainte sud-africaine, il n’est pas aussi évident de savoir en quoi consistera exactement la défense d’Israël.
Si l’on se fie aux derniers mois, au cours desquels Israël a nié tout acte répréhensible à Gaza, l’a justifié par la légitime défense et a même accusé le Hamas de génocide pour son attaque du 7 octobre, on peut formuler quelques hypothèses sur la manière dont Israël abordera sa défense.
Tout d’abord, la principale stratégie d’Israël, selon le Dr Nuseibah, sera de « nier, nier, nier ».
« Israël niera tout ce que l’Afrique du Sud revendique », a déclaré M. Nuseibah. « Il niera qu’il a affamé des gens ou qu’il essaie de le faire. Il niera qu’il n’autorise pas l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza, en montrant des exemples où il a effectivement autorisé l’entrée de certains camions », a-t-il poursuivi, notant que le peu d’aide humanitaire autorisé à entrer à Gaza a été très insuffisant pour répondre aux besoins des plus de deux millions de personnes piégées dans la bande de Gaza.
« Il [Israël] parlera de toutes les tentatives qu’il a faites au cours de ses opérations pour ‘réduire les pertes civiles’, que ce soit en avertissant les civils à certains endroits », a déclaré le Dr Nuseibah, faisant référence à la pratique d’Israël consistant à larguer des tracts pour avertir les civils que leur zone allait être attaquée, ou à fournir des codes QR et des cartes des « zones sûres » et des « zones de combat » à Gaza – toutes pratiques qui ont été largement critiquées à la fois comme étant insuffisantes pour sauver des vies civiles, et comme étant une manœuvre de relations publiques d’Israël pour sauver la face face devant la communauté internationale.
Au moment de la publication de ce rapport, 96 jours après le début des bombardements israéliens sur Gaza, plus de 23 000 Palestiniens ont été tués, dont une grande majorité de civils.
« La stratégie d’Israël consistera donc à tout nier, parce qu’il n’y a rien d’autre à faire ou à dire », a déclaré le Dr Nuseibah. « Il s’agit d’une stratégie et d’une pratique de longue date d’Israël à laquelle nous sommes habitués. Israël nie toujours ses crimes. Même aujourd’hui, Israël nie la Nakba, c’est la position officielle d’Israël, de la nier ».
Alors qu’Israël a axé une grande partie de sa campagne de propagande sur l’accusation du Hamas et des partisans de la cause palestinienne en général d’avoir perpétré ou préconisé le génocide des Israéliens et du peuple juif, M. Nuseibah a déclaré qu’il doutait que ce soit une caractéristique des arguments d’Israël devant la CIJ.
« Je doute qu’ils le fassent ou qu’ils l’évoquent, car s’ils le font, ils devront présenter des preuves. Ils devraient autoriser une enquête ouverte sur ce qui s’est passé le 7 octobre », a déclaré M. Nuseibah, notant qu’Israël a toujours empêché l’accès aux enquêteurs indépendants cherchant à enquêter sur les crimes potentiels commis dans le territoire palestinien occupé.
Quel sera l’impact de ce recours sur la vie des Palestiniens à l’heure actuelle ?
Alors que les délibérations sur la question de savoir si Israël est coupable ou non de génocide à Gaza pourraient prendre des années, l’affaire de l’Afrique du Sud devrait aboutir à un résultat beaucoup plus immédiat et sensible au temps.
Dans le cadre de son recours devant la Cour, l’Afrique du Sud cherche à obtenir une décision provisoire d’urgence de la Cour, ou « mesures provisoires », afin d’ordonner à l’armée israélienne de cesser immédiatement sa campagne à Gaza, de mettre fin au déplacement des Palestiniens et de permettre l’entrée d’une aide humanitaire adéquate dans la bande de Gaza.
La Cour pourrait prendre cette décision en l’espace de quelques jours ou de quelques semaines seulement.
Selon le Dr Nuseibah, ces mesures provisoires font partie des éléments les plus importants de l’affaire et sont les plus susceptibles de changer le cours du génocide en cours à Gaza.
« Il s’agit d’une question de temps. Chaque jour que nous perdons, nous perdons plus de vies. Nous perdons plus de victimes. Il y a plus de maisons qui sont démolies. Chaque jour, nous perdons de nombreuses vies civiles et il n’y a pas un être humain à Gaza qui ne soit pas fortement influencé par ce qui se passe. »
« Toutes les demandes provisoires formulées par l’Afrique du Sud visent à sauver des vies immédiatement. Et je m’attends à ce que la Cour prenne ces mesures. L’histoire a montré que la CIJ a accordé ces mesures provisoires dans des situations similaires, même avec moins de victimes et moins de risques », a déclaré M. Nuseibah.
« Je m’attends donc à ce que la Cour décide de mesures provisoires, ce qui signifierait un cessez-le-feu, qui est la chose la plus importante à l’heure actuelle, ainsi que l’arrêt des déplacements, l’autorisation de l’entrée de l’aide et l’arrêt de la démolition continue de Gaza. »
Israël ayant toujours méprisé le droit international, qu’est-ce qui sera différent cette fois-ci ?
De nombreux Palestiniens et personnes ayant suivi les préparatifs de cette affaire partagent une préoccupation majeure : même s’il s’agit d’une décision contraignante, qu’est-ce qui empêchera Israël de l’ignorer et de continuer à violer de manière flagrante le droit international ?
Après tout, cela fait des décennies qu’Israël ignore les lois et les normes internationales.
Prenons l’un des exemples les mieux documentés, comme l’expansion continue des colonies exclusivement juives dans les territoires palestiniens occupés, bien qu’elles soient considérées comme illégales au regard du droit international.
D’autres crimes, comme les expulsions et les déplacements forcés, la torture des prisonniers politiques, les exécutions sommaires, l’incarcération massive d’enfants, et bien d’autres encore, peuvent être ajoutés à la liste.
Un exemple plus récent pourrait être l’assassinat et le ciblage bien documentés de journalistes palestiniens à Gaza par Israël, ainsi que l’utilisation de bombes au phosphore blanc sur les populations civiles à Gaza et au Liban, une pratique strictement interdite par le droit international.
Israël a également l’habitude d’éviter de rendre des comptes sur la scène internationale, souvent protégé par le droit de veto des États-Unis à l’ONU, par exemple. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la liste est longue.
En tant que professeur palestinien de droit international, M. Nuseibah dit qu’il est parfaitement conscient du fait que le droit international ne semble pas avoir d’importance lorsqu’il s’agit d’Israël et de ses crimes contre les Palestiniens, et que les gens sont dans leur droit d’être sceptiques.
Même si une décision de la CIJ dans cette affaire était contraignante, Israël pourrait toujours techniquement choisir d’ignorer une décision contre lui ou une décision de la Cour lui enjoignant de cesser sa campagne dans la bande de Gaza, a déclaré M. Nuseibah.
Un tel précédent a été créé récemment en 2022, lorsqu’un arrêt de la CIJ ordonnant à la Russie d’arrêter son invasion de l’Ukraine a été ignoré par la Russie, qui a tout de même poursuivi sa campagne militaire.
Si M. Nuseibah espère que la Cour se prononcera en faveur de l’Afrique du Sud, il ajoute qu’il ne s’attend pas à ce qu’Israël se conforme à une quelconque ordonnance de la Cour, qu’il s’agisse de cesser immédiatement ses bombardements sur Gaza ou d’offrir, à l’avenir, des réparations matérielles aux victimes palestiniennes du génocide israélien (deux scénarios possibles si la Cour se prononçait en faveur de l’Afrique du Sud).
« Malheureusement, il est très probable que, de la même manière qu’Israël a ignoré le droit international au cours des 75 dernières années, il ignorera tout simplement une décision de la Cour à son encontre », a déclaré M. Nuseibah.
Ce résultat est principalement dû à la façon dont le droit international est conçu. Il s’agit d’un système défectueux, a expliqué M. Nusiabah à Mondoweiss, le décrivant comme bon sur le papier mais dépourvu de véritables « dents ».
« Le problème du droit international est qu’il n’a pas de mécanisme d’application automatique », a déclaré M. Nusaibah.
Si Israël ignore une décision de la CIJ, l’Afrique du Sud pourrait alors engager un certain nombre de procédures auprès du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations unies pour tenter de contraindre Israël à appliquer la décision de la CIJ. Mais il s’agit là d’un processus long et fastidieux qui, à n’en pas douter, ne servira pas à aider les Palestiniens dont la vie est actuellement menacée.
Toutefois, même s’il est très probable qu’Israël rejette une décision de justice qui ne lui est pas favorable, M. Nuseibah estime que toute décision de la Cour aura un impact et une importance considérables.
Si le tribunal approuve les mesures provisoires, il exercera une pression internationale et publique accrue sur Israël et ses partisans, comme les États-Unis, pour qu’ils cessent de mener et de financer un génocide qui a déjà suscité un tollé mondial et une division politique aux États-Unis, par exemple.
Et si Israël devait être reconnu coupable de génocide, l’image publique d’Israël et sa position sur la scène internationale s’en trouveraient gravement affectées, a ajouté M. Nuseibah, « ce qui permettrait au reste du monde, qui a été réduit au silence par la pression internationale, d’agir davantage », sous la forme de sanctions contre Israël, de boycotts et d’autres mesures plus sérieuses visant à mettre fin au génocide israélien.
Quelles pourraient être les conséquences à l’avenir ?
Si la Cour se prononce en faveur de l’Afrique du Sud, les implications de cette affaire pour les Palestiniens sont évidentes, tant dans l’immédiat qu’à long terme. Dans l’immédiat, ou du moins dans quelques semaines, cela pourrait signifier la fin des bombardements israéliens et la préservation de milliers de vies innocentes à Gaza.
À long terme, si Israël devait être reconnu coupable d’avoir perpétré un génocide, comme le dit le Dr Nuseibah, l’image publique d’Israël et des pays qui le soutiennent s’en trouverait gravement affectée.
Cela contribuerait à enhardir d’autres pays qui, historiquement, se sont tenus à l’écart, à prendre davantage position contre les crimes israéliens. Pour les Palestiniens, cela pourrait signifier une restitution matérielle, voire une reconnaissance des torts et des excuses de la part d’Israël – ce à quoi les Palestiniens ne sont certainement pas habitués.
Mais il y a un autre résultat qui aurait également des conséquences considérables. Il y a une chance sur deux que le tribunal se prononce en faveur d’Israël, ce qui, selon M. Nuseibah, aurait des implications dévastatrices et de grande portée, non seulement pour les Palestiniens, mais aussi pour le monde entier.
« Il ne s’agit pas seulement de la victoire de l’Afrique du Sud. Mais imaginons un autre scénario dans lequel Israël gagnerait l’affaire », a déclaré M. Nuseibah.
Premièrement, si Israël convainc la Cour de ne pas accorder de mesures conservatoires, cela signifierait qu’Israël aurait le feu vert pour poursuivre et même intensifier sa campagne destructrice et déshumanisante à Gaza, qui a déjà coûté la vie à tant d’innocents.
Dans ce scénario, Israël pourrait alors dire « ‘écoutez, le tribunal pense que nous sommes innocents, que ce que nous avons fait était légal et que tuer tous ces civils et les priver d’eau et de nourriture n’est pas un génocide’ », a déclaré le Dr Nuseibah.
« Ce serait terrible pour la Palestine et pour Gaza, mais aussi pour le reste du monde à l’avenir. Ce serait un précédent terrible pour tout État qui pense que le génocide est la solution à ses problèmes idéologiques, ce qui est le cas d’Israël aujourd’hui », a-t-il ajouté.
« La seule chose à faire pour la Cour est donc d’accepter la requête morale de l’Afrique du Sud et d’accorder des mesures provisoires pour sauver des vies palestiniennes, car cela permettrait de sauver de nombreuses autres vies à l’avenir et de sauver le droit international lui-même. »
Auteur : Yumna Patel
* Yumna Patel est directrice de l'information sur la Palestine pour la publication américaine Mondoweiss. Elle est basée à Bethléem, en Cisjordanie occupée et fait des reportages sur le territoire depuis plusieurs années. Son compte twitter.
10 janvier 2024 – Mondoweiss – Traduction : Chronique de Palestine