Par Nabila Ramdani
Si la victoire était simplement attribuée au camp responsable du plus grand nombre de morts, la terrifiante capacité d’Israël à tuer et à mutiler lui permettrait d’être déclaré vainqueur de toutes ses interminables guerres.
Comme nous l’avons vu, jour après jour, au cours des derniers mois, ils utilisent leur arsenal de plusieurs milliards de dollars d’armements principalement fournies par les Etats-Unis avec un effet dévastateur, éteignant la vie humaine vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Des immeubles civils sont rasés, ainsi que des hôpitaux, des mosquées, des entreprises, des universités, des écoles et des camps de réfugiés.
La mort immédiate ou les blessures graves sont les conséquences pour toutes les personnes visées par la machine de guerre israélienne, et pas seulement pour les cibles dites prioritaires, comme le dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah.
Pour chaque Nasrallah, des milliers d’hommes et de femmes, d’enfants, de vieillards et de malades, de médecins, de travailleurs humanitaires et de journalistes sont massacrés en toute impunité.
Toutes les frappes sont justifiables, selon l’argument israélien, car tout le monde peut être lié d’une manière ou d’une autre aux « terroristes ». C’est ainsi que Benjamin Netanyahu, premier ministre israélien et suspecté d’être à l’origine du génocide de Gaza, a brandi ses gros poings lors d’un discours aux Nations unies et a déclaré : « Nous sommes en train de gagner ».
Le fauteur de guerre connu pour sa cruauté, qui parle de terroristes tout en semant lui-même la terreur absolue au Moyen-Orient, a ajouté de façon pathétique : « Nous voulons la paix ».
Le reste du monde observe avec une horreur croissante ce double langage grotesque qui suscite un dégoût hors du commun. C’est le genre de discours qui correspond à la rhétorique d’un des prédécesseurs de Netanyahu, l’ukrainienne Golda Meir, qui prétendait que les Arabes forçaient en quelque sorte les Israéliens à tuer des enfants arabes, dans une opposition binaire entre les forces de la lumière et de l’obscurité.
La vérité est que les groupes paramilitaires sionistes, tels que la Haganah et l’Irgoun, ont utilisé les méthodes terroristes les plus abominables pour créer Israël en 1948, et que ce pays est en guerre depuis lors.
Il a accumulé les armes les plus dévastatrices connues de l’humanité, y compris des armes nucléaires, et n’a manifestement pas l’intention de mettre fin aux violences.
Plutôt que d’essayer de résoudre les problèmes par la négociation – en donnant la priorité à l’échange d’otages israéliens avec des milliers de prisonniers palestiniens détenus illégalement, dont des centaines de femmes et d’enfants, et en traitant les griefs territoriaux arabes, par exemple – le missile et la mitrailleuse sont déclenchés instinctivement.
Les extrémistes israéliens préfèrent de loin continuer sur leur voie destructrice, tout en s’appuyant sur une propagande démoniaque pour tenter d’édulcorer leurs actions.
Notez que Netanyahu n’a pas prononcé un seul mot de remords à l’ONU pour les plus de 50 000 personnes tuées dans la seule bande de Gaza, sans parler des dizaines de milliers d’autres blessées et déplacées.
Les exactions commises lors du raid du Hamas sur Israël le 7 octobre dernier ont été largement condamnées, à juste titre, mais il n’y a eu aucune réciprocité.
Non, Netanyahu se satisfait de l’interminable carnage de la vengeance, tout comme ses partisans qui ont jubilé lorsque des bipeurs et d’autres appareils électriques, y compris des distributeurs de billets et des fours à micro-ondes, ont explosé au Liban, tuant 30 personnes, dont des garçons et des filles, et rendant aveugles à vie et mutilant des milliers d’autres personnes.
Tous ont été, une fois de plus, présentés comme proches des « terroristes » par ceux qui habitent un univers moral sinistre où la chair déchiquetée est l’occasion d’applaudissements et de plaisanteries.
Ce sadisme était un prélude aux frappes aériennes israéliennes sur le Liban, dont le dernier bilan fait état de 1000 morts et plus, auxquels s’ajoutent plus de 5000 blessés et un million de personnes déplacées.
Comme pour l’extermination des Palestiniens – tous décrits comme inextricablement liés au Hamas – le jargon justificatif est aussi impitoyablement cynique que macabre.
Des propagandistes intarissables se mettent en rang pour revendiquer « le droit de nous défendre », tout en menant des offensives militaires dévastatrices sur des terres illégalement occupées, nombre d’entre eux soutenant les colons qui volent des terres en Cisjordanie.
Ils soulignent la nécessité de procéder à des « assassinats ciblés », expression qui désigne les assassinats perpétrés dans un État souverain et qui aboutissent manifestement au massacre d’innocents, y compris de nouveau-nés.
Le « Dôme de fer » d’Israël, tant vanté, est loué pour avoir abattu la grande majorité des missiles menaçant les civils israéliens, mais les missiles israéliens qui tuent en fait des civils arabes sans distinction ne sont jamais détruits.
Les ennemis sont régulièrement accusés de vouloir « anéantir Israël », alors qu’Israël les anéantit déjà activement, avec leurs terres et leurs maisons.
Pendant ce temps, les propagandistes ne relèvent pas une seule fois la cause fondamentale de la guerre sans fin d’Israël, à savoir les millions de Palestiniens dépossédés.
Ceux qui vivent dans les territoires occupés sont privés de leur droit à la souveraineté ou à l’autodétermination, et ils sont persécutés au point d’être assassinés ou emprisonnés sans procès, avant que leurs maisons ne soient réduites en poussière au moyen de bulldozers. Ils se heurtent à un régime israélien qui ferme les yeux sur les viols et la torture, ainsi que sur d’autres formes d’abus systématiques.
Pendant ce temps, les apologistes d’Israël dans les pays occidentaux, avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis parmi eux, défendent les « alliés de la civilisation » israéliens qui combattent les « barbares » qui menacent les « valeurs occidentales ».
Toutes ces expressions sont régulièrement employées par les soutiens [d’Israël] qui rejettent d’emblée une solution à deux États et qui préfèrent voir Israël imposer sa puissance en fauchant ses voisins.
Les partisans de l’agression israélienne peuvent adhérer à un ordre fondé sur des lois dans tous les autres aspects de la vie, mais pas en ce qui concerne Israël. Les décisions de la Cour pénale internationale (CPI) concernant des hommes comme Netanyahu et ses acolytes sont ignorées et tournées en dérision, tandis que les Israéliens bénéficient d’un laissez-passer pour tous les principes fondamentaux du droit international et humanitaire.
Yoav Gallant, l’actuel ministre israélien de la « défense », qui fait également l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI, a décrit ses ennemis palestiniens comme des « animaux humains ».
La culpabilité collective est une évidence – aucune distinction n’est faite entre les Palestiniens ou les Libanais pacifiques et le nombre bien plus restreint d’hommes, principalement jeunes et en colère, qui résistent.
« Si vous nous frappez, nous vous frapperons », a déclaré Netanyahu à l’ONU, sans jamais reconnaître le corollaire logique, à savoir que si un Israël expansionniste frappe, les dissidents sont vraisemblablement autorisés à riposter.
Tout cela alors que les Israéliens se présentent comme les « victimes » des Arabes dont les terres et les moyens de subsistance ont été confisqués sous la menace des armes pour faire place à ce que beaucoup, ainsi que les tribunaux internationaux et les organismes de défense des droits, perçoivent comme un projet colonialiste.
Quelle que soit l’opinion de chacun sur un sujet aussi explosif, il est incontestable que le principal casus belli – la dépossession – est toujours le même.
Il n’y a certainement aucune notion de proportionnalité dans la réponse israélienne à la résistance – le « Grand Israël » dont rêvent de nombreux extrémistes exige l’anéantissement de toute la Palestine historique.
Tzipi Hotovely, l’ambassadrice d’Israël au Royaume-Uni, est typique de ceux qui veulent annexer tous les territoires palestiniens : « Cette terre est la nôtre. Tout est à nous. »
D’ailleurs, Hotovely utilise régulièrement un langage génocidaire. Interrogée sur la possibilité de détruire la totalité de Gaza, elle a répondu : « Alors, avez-vous une autre solution, comment détruire la ville souterraine de tunnels ? »
Les références constantes à la « ville souterraine », aux « bataillons » et aux « centres de commandement » visent toutes à élever les combattants du Hamas au rang d’une armée moderne et sophistiquée. Tout cela fait partie de la propagande destinée à légitimer l’écrasement de communautés entières, et Hotovely se délecte de cette tromperie.
Elle est censée être une « diplomate » de haut niveau, rappelons-le, qui personnifie en fait un Israël qui se transforme rapidement en paria international. Netanyahu lui-même a évité les poursuites pour corruption tout en poursuivant la guerre, et il n’a aucun scrupule à en assumer les conséquences.
À l’heure actuelle, quelque 46 000 entreprises israéliennes ont fermé leurs portes au cours de l’année écoulée, la cote de crédit d’Israël a été abaissée et les investissements étrangers se sont effondrés.
Le tourisme – si souvent le visage voulu avenant d’Israël – est également en crise, avec des hôtels menacés de fermeture et des compagnies aériennes internationales qui suspendent leurs vols.
De manière tout aussi significative, les Israéliens ordinaires protestent contre le fait d’avoir à jouer un rôle actif dans une guerre éternelle.
Nombre d’entre eux perdent leur emploi civil à temps plein en raison du temps qu’ils consacrent à l’armée, et quelque 10 000 ont demandé un soutien en matière de santé mentale.
La crise a conduit certains à refuser tout simplement de se présenter au service, car les jeunes, en particulier, remettent en question une vie passée à se battre. Les attitudes ont énormément changé ces dernières années, alors que le monde devient plus petit grâce aux nouvelles technologies et aux voyages plus faciles.
La colère est particulièrement vive face à la façon dont des rabatteurs comme Netanyahu et Hotovely évitent toute solution diplomatique, préférant déployer des armes qui font des ravages.
Ces psychopathes se réjouissent de recourir à la violence dès qu’ils en ont l’occasion, notamment en raison de la réputation mondiale d’Israël en matière de tueries.
Mais, malgré leur propagande éhontée, à mesure que le nombre de morts augmente et que la tolérance disparaît, les victoires perçues se transformeront rapidement en poussière, et la honte de la défaite l’emportera.
Auteur : Nabila Ramdani
* Nabila Ramdani est une journaliste franco-algérienne, chroniqueuse et animatrice renommée de chaînes d’information. Elle est spécialiste de la politique française, des affaires islamiques et du monde arabe. Elle rédige des chroniques pour les journaux The Guardian, The Observer, The Independent et London Evening Standard. Elle a écrit Fixing France, publié à l'automne 2023Son compte Twitter/X.
30 septembre 2024 – Middle East Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah