Par EuroMed Monitor
« Une tombe pour les vivants » : L’état de santé des prisonniers palestiniens récemment libérés des prisons israéliennes témoigne de leur malnutrition et de leur torture systématiques.
Le mauvais état de santé des détenus et prisonniers palestiniens libérés par Israël dans le cadre des accords de cessez-le-feu dans la bande de Gaza reflète les terribles conditions qu’ils ont endurées pendant leur détention, y compris la torture, les mauvais traitements et les abus dégradants qui ont persisté jusqu’à la dernière minute.
Les autorités israéliennes ont libéré les détenus et les prisonniers en quatre groupes, dont le dernier a eu lieu aujourd’hui, samedi. La majorité d’entre eux semblent être dans un grave état de dépérissement, chacun d’entre eux ayant perdu plusieurs kilos par ce qui semble être une privation de nourriture intentionnelle.
Après leur libération, de nombreux prisonniers et détenus ont dû être transférés immédiatement à l’hôpital pour subir des examens médicaux critiques. L’un d’entre eux, en particulier, semblait incapable d’envisager son avenir après s’être vu refuser un traitement pendant sa détention.
Ces circonstances démontrent qu’Israël a transformé ses prisons en centres de torture institutionnalisés pour les détenus et prisonniers palestiniens, y compris ceux qui ont été condamnés et emprisonnés avant le 7 octobre 2023.
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Jusqu’aux derniers instants avant leur libération, la plupart des détenus ont subi des tortures psychologiques en plus des mauvais traitements et des coups.
L’équipe de terrain d’Euro-Med a constaté qu’en plus de forcer les détenus à porter des vêtements de prison et de les soumettre à des coups et à des violences avant et pendant leur embarquement dans les bus, les forces israéliennes ont également obligé nombre d’entre eux à se raser la tête – une mesure délibérée et dégradante destinée à affaiblir leur moral.
Tous les prisonniers et détenus ont été libérés dans des conditions épouvantables par les forces d’occupation israéliennes, qui ont également pris d’assaut leurs maisons et les lieux désignés pour accueillir et célébrer leur libération. Elles ont attaqué les rassemblements familiaux, les réprimant avec des gaz lacrymogènes et des balles et blessant certaines personnes.
Selon les témoignages des prisonniers et détenus libérés qu’Euro-Med a enregistrés et analysés, les violations commises par les administrations pénitentiaires ont dépassé les conditions de détention médiocres et se sont transformées en une politique systématique de représailles à l’encontre de tous les prisonniers et détenus palestiniens.
Les détenus ont été soumis à de graves tortures, à une famine intentionnelle et à un isolement prolongé dans le cadre de mesures punitives qui se sont multipliées brutalement après les événements dans la bande de Gaza dans le but de les punir pour rien de plus que le fait qu’ils étaient Palestiniens. Depuis le 7 octobre 2023, les conditions à l’intérieur des prisons ont connu une détérioration sans précédent.
Selon les témoignages documentés par Euro-Med, les forces d’occupation israéliennes ont également torturé et battu les détenus libérés, les ont maintenus dans des bus les mains liées pendant de longues périodes avant de les relâcher, et les ont soumis à des railleries et des blasphèmes destinés à porter atteinte à leur dignité humaine jusqu’au dernier moment.
La veille de leur libération, les forces israéliennes se sont emparées d’eux et les ont forcés à se raser les cheveux, selon l’ancien prisonnier « Haitham Jaber », originaire de la ville de Haris, dans le district de Salfit. Lorsqu’il a refusé de se raser les cheveux, l’administration pénitentiaire l’a pris de force et lui a rasé les cheveux sur toute la longueur.
Jaber a poursuivi en disant : « Les conditions de vie des détenus sont extrêmement dures et les formes les plus extrêmes de torture, d’abus et de traitements dégradants ont été pratiquées contre nous jusqu’à la fin. Les détenus ont été humiliés en étant obligés de se tenir debout dans une seule file d’attente et en étant parfois obligés de marcher à quatre pattes », a-t-il déclaré, démontrant ainsi que les gardiens de prison les traitaient comme des « animaux ».
En outre, ils se sont vu refuser des droits fondamentaux tels que l’accès à l’eau, chaque chambre ne recevant qu’une bouteille d’eau par jour, et les toilettes étant totalement dépourvues d’eau, il leur était impossible de se soulager.
L’ancien prisonnier Wael al-Natsheh, qui est derrière les barreaux depuis 2000 et a été condamné à la prison à vie, a déclaré : « Ils ont joué avec nos nerfs. Sans nous donner d’informations ni d’explications, ils nous ont ramenés à la prison trois heures après notre départ pour les bus. Cela a créé de l’anxiété et de l’incompréhension. Nous avons supposé qu’après nous avoir donné l’impression qu’il y aurait des problèmes importants dans l’échange qui seraient difficiles à résoudre, ils nous affecterait aux sections de la prison. En fin de compte, ils jouaient simplement avec nos nerfs. »
« Les détenus qui devaient être libérés ont été rassemblés dans la prison d’Ofer et on leur avait dit que la date de leur libération était samedi dernier », a-t-il déclaré. « Mais ils ont été emprisonnés pendant environ une semaine de plus. »
Selon lui, l’administration pénitentiaire a mené une « agression acharnée » contre les détenus au cours des 16 derniers mois, les obligeant à mourir de faim, à être battus, à être maltraités, à dormir dans le froid et à se voir confisquer leurs vêtements et leurs couvertures.
Selon l’un des enfants rencontrés par Euro-Med et qui a été libéré dans le nord de la Cisjordanie (Euro-Med ne révèle pas son identité pour sa propre sécurité), tout le monde a souffert dans les prisons, en particulier de la malnutrition et des coups. Il a précisé que pour éviter d’être arrêté à nouveau, on lui a fait signer un engagement à ne pas parler.
Selon les témoignages des personnes libérées, l’Euro-Med souligne que ces pratiques constituent une violation flagrante des droits humains et des droits des prisonniers et des détenus garantis par le droit international car elles reflètent les « abus, humiliations, privations de nourriture et tortures systématiques » qu’ils ont subis pendant leur détention et après leur libération.
De plus, il a averti que les attaques ne sont pas seulement des abus physiques mais qu’elles ont aussi des effets psychologiques terribles sur les détenus et les prisonniers, ce qui aggrave leurs souffrances et finit par détériorer leur état psychologique.
Il a poursuivi en disant que les conditions auxquelles les détenus ont été soumis après leur libération, les descriptions qu’ils ont faites de leurs conditions de détention et la référence aux prisons comme étant des « tombes pour les vivants » sont autant d’exemples flagrants d’une politique israélienne qui viole le droit humanitaire international et les normes en matière de droits humains afin de détruire la volonté du peuple palestinien et de le soumettre à la plus grande étendue possible de souffrances et d’humiliations.
Les prisons israéliennes sont devenues de véritables « camps de torture et de mort »
Pour mettre fin aux crimes systématiques et généralisés d’Israël que sont le meurtre, la torture et d’autres violations graves à l’encontre des prisonniers et des détenus palestiniens, tous les états et toutes les organisations internationales concernées doivent agir rapidement et vigoureusement. En outre, les détenus qui ont été arrêtés arbitrairement doivent être libérés immédiatement et sans condition.
Les organisations locales et internationales concernées doivent être immédiatement autorisées à rendre visite aux détenus et à leur fournir une représentation juridique.
En outre, Israël devrait subir des pressions pour mettre fin à tous les types de détention arbitraire, y compris la détention administrative, qui est une violation flagrante des droits humains fondamentaux et une manifestation d’une politique répressive destinée à saper la volonté et la cohésion sociale du peuple palestinien tout en le privant de ses droits légaux.
En plus de prendre toutes les mesures juridiques nécessaires pour poursuivre et juger les dirigeants de l’occupation responsables de ces crimes, toutes les nations et les parties intéressées doivent lancer une enquête immédiate et indépendante sur ces crimes et ces graves violations.
Tous les pays concernés doivent également aider la Cour pénale internationale dans ses efforts pour enquêter sur ces crimes, soumettre des rapports spécialisés à la Cour sur les crimes commis contre les détenus et les prisonniers palestiniens dans les prisons et les centres de détention israéliens, en particulier après le 7 octobre 2023, et émettre des mandats d’arrêt contre tous les auteurs afin qu’ils puissent être poursuivis et traduits devant la Cour pénale internationale pour y être jugés pour leurs crimes.
Les crimes commis par l’armée d’occupation israélienne et les autres forces de sécurité israéliennes contre les prisonniers et les détenus palestiniens de la bande de Gaza sont considérés comme des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre à part entière.
Ils constituent également des actes de génocide à l’encontre du peuple palestinien de la bande de Gaza, car ils sont perpétrés de manière systématique et brutale dans l’intention d’éradiquer le peuple palestinien en tant que groupe, notamment par le viol, la torture et d’autres formes de violence sexuelle.
La communauté internationale doit faire pression sur Israël pour qu’il cesse immédiatement le crime de disparition forcée à l’encontre des détenus et des prisonniers palestiniens de la bande de Gaza, qu’il rende publics tous les lieux de détention secrets, qu’il révèle l’identité de tous les Palestiniens qu’il détient dans la bande de Gaza, leur localisation et leur sort, et qu’il assume l’entière responsabilité de leur sécurité et de leur bien-être.
Auteur : EuroMed Monitor
* L'Observatoire Euro-Méditerranéen des Droits de l'Homme est une organisation indépendante à but non lucratif dirigée par des jeunes qui défend les droits humains de toutes les personnes à travers l'Europe et la région MENA, en particulier celles qui vivent sous occupation, en proie à la guerre ou à des troubles politiques et/ou ont été déplacés en raison de persécutions ou de conflits armés.
1er février 2025 – EuroMed Monitor – Traduction : Chronique de Palestine – Éléa Asselineau
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