Par Haidar Eid
Je faisais valoir qu’au moment où nous entamons notre longue marche vers la liberté, nous sommes arrivés à la conclusion que nous ne pouvons plus compter sur les gouvernements ; que seule la société civile est capable de se mobiliser pour l’application du droit international et la fin de l’impunité sans précédent d’Israël.
Notre inspiration nous vient du mouvement anti-apartheid. L’intervention de la société civile a été efficace à la fin des années 1980 contre le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud blanche, et elle peut faire la même chose en faveur d’une paix juste en Palestine. Rien ne peut vraiment forcer Israël à respecter le droit international si ce n’est les gens de conscience et la société civile.
J’ai également soutenu que sans l’intervention de la communauté internationale qui a été efficace contre l’apartheid en Afrique du Sud, Israël continuera à commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. C’est exactement ce qui s’est produit deux jours seulement après la rédaction de cet article, lorsque Israël, état d’apartheid a lancé une attaque massive violant – comme en 2009, 2012 et 2014 – un cessez-le-feu non déclaré négocié par l’Égypte avec les groupes de résistance palestinienne à Gaza.
En fait, l’opposition stérile au processus de normalisation initié par le traité de Camp David et les accords d’Oslo, et renforcé par les royaumes du Golfe ne nous intéresse plus, nous à Gaza. Nous tenons plutôt à formuler le type de réponse qui pourrait réellement vaincre le système d’oppression sioniste à plusieurs niveaux : occupation, nettoyage ethnique et apartheid. A partir du moment où la communauté internationale – société civile et gouvernements – décidera d’agir comme elle l’a fait contre le système d’apartheid en Afrique du Sud, Israël succombera à la voix de la raison représentée par l’appel au boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) lancé en 2005 par plus de 170 organisations de la société civile et approuvé par presque toutes les forces politiques influentes en Palestine historique et la diaspora.
La question urgente est donc de savoir combien de temps le monde tolérera le racisme constitutionnel flagrant d’Israël. Nous savons pertinemment qu’il a fallu trente ans à la communauté internationale pour répondre à l’appel lancé par le peuple opprimé d’Afrique du Sud. Combien de temps le peuple opprimé de Palestine devra-t-il attendre ?
Les derniers succès remportés par la campagne BDS illustrent ce que nous réclamons depuis 2005. Il est difficile pour les Palestiniens de la Bande de Gaza de comprendre que, malgré la politique de nettoyage ethnique d’Israël et les derniers crimes de guerre commis contre nous, les crimes de guerre en cours décrits en détails par les principales organisations de défense des droits de l’homme, la colonisation israélienne et l’apartheid, il est encore possible pour certaines entreprises et institutions internationales réputées, de poursuivre leur relation avec Israël comme si de rien n’était.
N’est-il pas clair comme de l’eau de roche pour ces entreprises, après toutes ces années et des milliers de rapports produits par les principaux organismes de défense des droits de l’homme, que des millions de Palestiniens sont privés de leurs droits fondamentaux à l’éducation, à la libre circulation, à l’emploi et à la santé ? Il nous est impossible de mener une vie normale à cause de plus de 600 postes de contrôle militaires israéliens en Cisjordanie occupée et à Jérusalem, du siège médiéval de Gaza et de la discrimination officielle de l’apartheid dont sont victimes les citoyens palestiniens en Israël même. Pour parler franchement, nous sommes victimes de discrimination parce que nous ne sommes pas juifs, tout comme les Sud-Africains noirs ont été victimes de discrimination simplement parce qu’ils n’étaient pas blancs.
Des milliers de Palestiniens sont incarcérés dans des prisons israéliennes après avoir été condamnés par des tribunaux militaires ; des centaines d’entre eux sont détenus sans inculpation ni jugement. Toutes les organisations internationales de défense des droits de l’homme crédibles ont montré en détail comment les forces israéliennes ciblent délibérément les étudiants et les établissements d’enseignement palestiniens, y compris les écoles gérées par l’ONU. Les universitaires et les chercheurs ne devraient-ils pas être au courant de ces rapports?
Nous pensons que nous avons le droit d’attendre des gens de conscience qu’ils se joignent à nous dans notre lutte contre l’apartheid israélien en boycottant le régime raciste et militarisé et les institutions qui le maintiennent en vie. Les Palestiniens sont un peuple opprimé sans état. Nous dépendons de plus en plus du droit international et de la solidarité internationale pour notre survie même.
Ce que nous voulons donc, c’est l’application du droit international pour mettre fin à l’occupation militaire israélienne des terres arabes occupées en 1967, lutter contre la colonisation et l’apartheid d’Israël tels qu’ils sont consacrés dans ses lois visant la population autochtone de Palestine depuis 1948, et permettre le retour légitime des réfugiés palestiniens victimes du nettoyage ethnique lors de la création d’Israël sur leur territoire. Est-ce un appel à mettre fin à l’état d’Israël ? Le boycott de l’apartheid visait-il à mettre fin à l’Afrique du Sud en tant que pays, ou à mettre fin au racisme de l’état dans sa forme la plus laide ?
Israël est un état colonialiste de peuplement, un état d’apartheid et les outils utilisés contre l’apartheid en Afrique du Sud peuvent servir de modèle dans notre lutte contre l’apartheid en Israël. Transformer Israël, d’état ethno-religieux et d’apartheid en une entité véritablement démocratique devrait être l’objectif de toute personne qui croit en la démocratie progressiste.
C’est grâce à la pression exercée par la communauté internationale par le biais d’une campagne BDS sur le modèle de la campagne anti-apartheid qui a mis fin au racisme en Afrique du Sud, qu’Israël, pensons-nous, peut être persuadé d’abolir ses structures d’oppression. Ce dont nous avons besoin de toute urgence, c’est d’un embargo sur les ventes d’armes imposé à Israël pour mettre fin aux fréquents bains de sang à Gaza.
La campagne BDS vise à rétablir les droits démocratiques du peuple palestinien. Nous pensons que la lutte du peuple palestinien en Israël même, dans les territoires occupés depuis 1967 – Cisjordanie, Bande de Gaza et Jérusalem-Est – ainsi qu’au sein de la diaspora est une et indivisible. C’est pourquoi nous pensons qu’une autre approche fondée sur les droits, au lieu de la “paix” de façade d’Oslo fondée sur la normalisation, peut fournir à tous les Palestiniens une solution qui garantisse la paix et la justice, à savoir le droit au retour et l’égalité.
* Haiddar Eid est écrivain et professeur de littérature postcoloniale à l’université Al-Aqsa à Gaza, après avoir enseigné dans plusieurs universités à l’étranger. Vétéran dans le mouvement des droits nationaux palestiniens, c’est un commentateur politique indépendant, auteur de nombreux articles sur la situation en Palestine.
21 novembre 2018- Middle East Monitor – Traduction: Chronique de Palestine – MJB
Ah, quand l’argent bouche les cœurs ! Heureusement que cet article est écrit par un Palestinien qui rappelle à la conscience ses frères en Diaspora. Pour ma part, je dois poser la question suivante ; qu’attendent les Juifs, à part la poignée de Juifs natifs autorisée par la Thora à vivre en Terre Sainte (je ne parle pas des sionistes religieux ou laïcs, car ceux-là, il faut les combattre, surtout leur idéologie) pour fuir l’entité sioniste au lieu de se mettre sous le joug des sionistes et/ou de jouir de leur « sécurité » contre les Palestiniens qui sous l’effet de la colère ne font pas/plus la différence entre Juif et sioniste ?